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Culture

Culture / Une mue providentielle


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«Le chagrin d’amour», Frédéric Pajak, Editions Noir sur Blanc, 336 pages.



Le chagrin d’amour est peut-être à l’amour ce que la gueule de bois est à l’ivresse: un indispensable complément d’information. Le chagrin d’amour de Frédéric Pajak est d’abord paru en 2000 aux Presses Universitaires de France, il est aujourd’hui réédité par les Editions Noir sur Blanc. Voilà une excellente occasion de s’y replonger, ce d’autant qu’il était épuisé. En texte et en dessins – sa marque de fabrique – Pajak parle de lui, de ses chagrins d’amour, mais aussi de Francis Picabia, de Pablo Picasso, d’Emily Dickinson, de Marcel Duchamp et d’autres. Surtout, il parle de Guillaume Apollinaire, nous donnant notamment à lire les lettres que le poète écrivit à Lou depuis le front de la Grande Guerre, une femme qu’il aimait et qui, elle, l’aimait moins. Des lettres où le désir sexuel est très présent: «J’ai regardé aujourd’hui de jolies libellules de couleur turquoise voler en faisant l’amour, le derrière de l’un sur la tête de l’autre, quelques-unes même font 69 et volent ainsi doubles en forme de cœur (…) Hier, j’ai vu deux moustiques qui trouducutaient autour de ma bougie et qui s’étant brûlé les ailes dans un moment d’extase ont fini par se noyer dans la stéarine.» Le lecteur, la lectrice aussi, peut ainsi se poser la question du désir sexuel et se demander quand, dans sa vie, il et elle l'a peut-être confondu avec la passion amoureuse, au détriment, me semble-t-il, de ces deux états. La grande question que pose Frédéric Pajak se trouve à la fin du livre: «On aime. On est aimé. On croit aimer. On croit être aimé. Et, un beau jour, après un chagrin d’amour, soudain quelque chose meurt en soi. Quelque chose, sinon "quelqu’un". Mais qui meurt en soi? Evidemment, c’est soi-même, cet être gémissant, incapable d’aimer et engourdi dans sa sentimentalité de façade. Le chagrin d’amour vient alors comme une mue providentielle…»

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