Culture / Jésus a-t-il mangé des ćevapčići?
«Les enfants de Sainte Marguerite», Anté Tomić, Editions Noir sur Blanc, 176 pages.
De livre en livre, Anté Tomić déploie son talent, sa drôlerie, son art du récit et son imaginaire balkanique – beaucoup plus fantaisiste que l’imaginaire vaudois, par exemple –, et dieu que ça fait du bien, ça nous change de regarder les choses de la vie d’un autre point de vue. Il y a eu Miracles à la combe aux Aspics puis Qu’est-ce qu’un homme sans moustache? Et voilà Les enfants de Sainte-Marguerite. Le récit se déroule sur une île dalmate. Un couple y vient implorer sainte Marguerite qui a la réputation d’aider ceux qui sont infertiles. Un migrant syrien y accoste sur une plage fréquentée par des homosexuels, à moitié noyé après être tombé d’un bateau de passeurs. Un policier a transformé les cellules de sa prison en chambre d’hôtes pour arrondir les fins de mois. Sur un yacht, un homme d’un certain âge, sensé être riche, entretient sa jeune fiancée. Un professeur de philosophie disserte sur les ćevapčići (de délicieux rouleaux de viande hachée), pour lui à la source de la culture méditerranéenne. Et n’oublions pas l’âne qui brait chaque fois qu’un couple copule, ce qui n’est pas très discret. A partir de ces ingrédients de base, Anté Tomić mitonne un récit formidablement drôle, sans aucun doute humaniste et d’une grande originalité. Un récit traduit et annoté par le joyeux Marko Despot, merci à lui. Pour vous donner envie de lire ce livre malicieux et souriant, voilà quelques-uns des résumés des chapitres. Chapitre 2: «Où l’on évoque les compétences spécifiques de divers saints, et nomme ceux qui aideront immanquablement les chrétiens dans le malheur, et ceux, surestimés, qu’il ne vaut pas la peine de solliciter.» Chapitre 16: «Dédié à la prévention du suicide, et abordant également le problème méconnu de la difficulté d’être un homme, surtout lorsqu’on est mécanicien et qu’on sait y faire avec les femmes.» Chapitre 26: «Dans lequel est présenté une fascinante controverse théologique sur la question de savoir si Jésus a mangé des ćevapčići. On y trouve également le mode d’emploi d’un appareil paralysant.»
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