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A vif


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Certes il y a des conflits d’une autre ampleur, des champs de guerre ou de tensions meurtrières incomparables. De l’Ukraine au Soudan, de la Cisjordanie au Yemen. Mais ce qui est arrivé dans le Haut-Karabagh ne peut laisser indifférent et pose bien des questions sur la marche du monde.



Cette enclave peuplée d’Arméniens, territoire de 3'170 km2 qui comptait 150’00 habitants en 2015, la plupart chrétiens, a été attribuée à l’Azerbaïdjan musulman par Staline. Après l’effondrement de l’URSS, ses dirigeants ont tenté en vain de proclamer leur indépendance, maintenant cependant une certaine autonomie, des autorités propres, avec l’appui de la République d’Arménie voisine et des Russes. Depuis trente ans, les conflits se multiplient avec le voisin azéri, fort de ses dix millions d’habitants, soutenu par la Turquie et les Occidentaux intéressés à sa richesse pétrolière. Entre les deux peuples la haine ne cesse de couver. Le souvenir du génocide de 1915, de la marginalisation des Arméniens par le Traité de Lausanne de 1923, l’héritage de la tutelle soviétique, pèsent encore profondément. Il est juste de dire aussi qu’à diverses reprises les forces armées du Haut-Karabagh ont débordé de leur territoire, brûlé des mosquées. Comme dans le camp adverse, à une bien plus grande échelle, on a détruit des églises et des trésors du patrimoine chrétien.

Deux accords internationaux ont maintenu le calme un certain temps. En 1994, grâce à l’OSCE, avec l’appui de la France, des Etats-Unis et de la Russie. Après divers épisodes violents, nouvel armistice en 2020, avec la présence d’un contingent de maintien de la paix de la fédération de Russie comptant 2'000 soldats. Et cette année, comme on sait, l’homme fort d’Azerbaïdjan, Ilham Aliyev, décrète un blocus qui affame la population de l’enclave, puis engage une guerre-éclair, bombarde le territoire pendant 24 heures. Et les Arméniens, sans aucun espoir face à cette puissante armée, se rendent et se soumettent. Leur avenir est sombre.

On retient donc qu’à plusieurs reprises les grandes puissances ont tenté de calmer le jeu. Sans succès. Lors de ce dernier embrasement, Européens, Américains et Russes ont condamné l’offensive. A Bakou, on a haussé les épaules devant ces discours. Ils ne sont plus entendus. Pour plusieurs raisons. D’abord, la Russie ne compte plus. Concentrée sur l’Ukraine, affaiblie, elle a déçu même sa protégée, l’Arménie, dont les dirigeants, mal pris chez eux, critiquent ouvertement Moscou, faisant même du pied aux Occidentaux, allant jusqu’à participer à un exercice militaire avec les forces US. Les Européens? Ils ne pèsent pas davantage. Ridiculisés par le sort qui a été fait à un projet de médiation de l’UE. Liés aussi par le contrat d’achat de gaz azéri, célébré par Mme Van der Leyen. Les Américains? Dans le grand jeu géostratégique ils tiennent aux liens économiques et politiques avec l’Azerbaïdjan, craignant de le voir ainsi arrimé à la Turquie, à sa politique d’indépendance face aux grands blocs. Il s’agit de ne pas trop l’irriter… De surcroît, à Washington, on n’est pas mécontent non plus de voir se restreindre le rôle de la Russie dans ce guêpier.

La grande question, au-delà de l’Azerbaïdjan, est de savoir ce qu’il adviendra de la République d’Arménie. Totalement isolée. Délaissée de fait par la Russie, nullement protégée par les Occidentaux sinon en beaux discours. Directement face à son ennemie héréditaire, la Turquie, sur 368 kilomètres où se multiplient les incidents en dépit de pseudos-accords dits de normalisation. Se trouvant de plus dans un triste état économique et politique, encore engoncée dans les structures post-soviétiques. Tant d’Arméniens, aujourd’hui comme hier, se tournent vers l’exode. Tragique destinée d’une nation.

Sur l’échiquier du monde, la souffrance des peuples n’est pas de la partie. Seuls les cyniques et les plus malins avancent leurs pions.

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