Culture

Du début du XVIIIème siècle, lorsque les premières factory commencèrent à vider les campagnes anglaises, jusqu’à l’ubérisation du travail en ce début de XXIème siècle, en passant par des décennies de luttes, d’acquis (et de conquis) sociaux, c’est l’histoire européenne des femmes, des hommes et des enfants qui produisent et n’ont pour seule richesse, selon la formule consacrée, que la force de leurs bras, que raconte le documentariste Stan Neumann. Une histoire en quatre temps. «Le temps de l’usine», c’est celui de la proto-industrie, celui de l’exode rural, du métier à tisser Jacquard et de la machine à vapeur de Watt. «Le temps des barricades», celui des insurrections françaises du milieu du XIXème contre le «paradis des capitalistes», inspirées par Blanqui et Proudhon. «Le temps de la chaîne», c’est la révolte profonde contre l’aliénation des corps et des esprits, des engrenages qui avalent tout, mains, bras, jambes et enfants, des machines de cauchemars du Metropolis de Lang ou tournées en dérision dans Les Temps modernes. «Le temps des destructions» couvre la Seconde guerre mondiale, la lente décrue du nombre d’ouvriers, la désindustrialisation, la métamorphose du prolétariat, son éclatement dans l’espace qui rend bien plus périlleuse l’organisation des solidarités; et la chute de l’URSS, supposée être le paradis des prolétaires. Au terme de ce voyage et indispensable rappel, sans doute le mot en vogue de «pénibilité» prend tout son sens.