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Culture

Culture / Le héros qu’on aime détester

Marie Céhère

17 mars 2023

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«You», Greg Berlanti et Sera Gamble, sur Netflix, 4 saisons.



Quatre saisons maintenant que le bien sous tous rapports mais non moins dangereux Joe Goldberg (Penn Badgley probablement dans son meilleur rôle) fascine les spectateurs. Dans la première saison, on découvrait un jeune libraire orphelin, un peu idéaliste, qui confondait trop facilement l’amour avec l’obsession. Depuis, on a cessé de croire à la rédemption – ainsi qu’à la justice, puisque You est, pourrait-on dire, un polar sans police. Saison après saison, les amours de Joe se terminent invariablement dans le sang, même si les scénaristes font preuve d’inventivité dans le machiavélisme. On se souvient notamment du personnage de Love, l’épouse de Joe dans la saison 3, admirablement développé. Après l’échec – le mot est faible – de cette union, la série se poursuit et déménage son anti-héros en Europe, d’abord à Paris, puis à Londres. La photographie reste superbe, le casting malin, la trame, elle, se veut plus politique, ajoutant aux délires psychotiques d’un tueur qui semble ne pas pouvoir se contrôler malgré toute sa bonne volonté une dimension très «lutte des classes». C’est finalement ce qui retient l’attention. Les meurtres complètement gratuits, les stratagèmes pervers, les barbaries auxquels se livre Joe pourraient lasser, ils ne lassent pas. Non pas par amour du gore et voyeurisme. Pas seulement. C’est le mécanisme du loup dans la bergerie qui captive et remplit à fond sa fonction cathartique. C’est ce qui rend Joe et ses alter-egos meurtriers si détestables et attachants: les criminels nous ressemblent et vivent dans l’immeuble d’en face.

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