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Actuel / Le Gaulois réfractaire est-il plus bête que le terne Helvète?


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Pour leurs propres dirigeants, les Français constituent une énigme. La tête ne reconnaitrait donc pas son corps. Un corps d’animal sauvage affligé d’un curieux gène, celui de la grogne sociale. Le psychodrame de la réforme des retraites vient de rajouter une louche de fiel dans cet intradivorce. Avec cette question: le «Gaulois réfractaire» est-il plus bête que le terne Helvète?



Lors d’une interview menée par notre excellent confrère Richard Werly pour le Blick romand la pétulante Roselyne Bachelot – ministre multitâche durant les présidences Chirac, Sarkozy et Macron – a illustré de façon fort éloquente l’état d’esprit de cette tête qui contemple en surplomb ce corps récalcitrant à l’incompréhensible démarche.

Taraudés par l'égalité

A propos de la succession de manifs contre la réforme des retraites qui a drainé des millions de Français, l’ancienne ministre lâche ce long soupir:

«Que voulez-vous faire puisqu’une partie de la population, taraudée par son aspiration à l’égalité, ne regarde pas les réalités en face? Que faire dans un pays où une grande partie des manifestants sont employés ou retraités de la fonction publique, ce qui veut dire qu’ils jouissent d’un statut bien plus favorable que la moyenne des actifs?»

De nombreux instituts de sondages tombent d’accord pour estimer qu’environ 70% des personnes interrogées rejettent cette réforme. La contestation déborde donc largement la seule fonction publique. Et Madame Bachelot doit sans doute songer aux hauts fonctionnaires et non aux modestes salariés de l’Etat, notamment dans l’enseignement ou les services de soins, dont les salaires et les pensions demeurent modestes, notamment au regard de l’inflation galopante. 

Un état d'esprit méprisant

Surtout, il y a cette «aspiration à l’égalité» qui tarauderait les Français, qui les empêcherait de voir la réalité en face. C’est ce genre d’état d’esprit méprisant qui rend le citoyen fou de rage et le pousse à voter Le Pen ou, dans une moindre mesure, Mélenchon:

«Ainsi, un ministre connaîtrait mieux que moi ma réalité, celle que j’affronte chaque matin en me levant! Je serais incapable de savoir où est mon bien sans la tutelle condescendante de celles et ceux qui nous gouvernent. Nous sommes priés de la boucler quand causent les Grands Sachems Sachants.»

La tête sait. Le corps doit suivre puisque, le pauvre, il est incapable de comprendre les rouages complexes de la décision.

La démocratie directe, ce n'est vraiment pas sa came

Personne ne s’étonne lorsque la ministre lâche au Blick romand: «La démocratie directe à la Suisse, ce n’est pas ma came. Pas du tout!» Sans doute pour ne point heurter les lecteurs helvètes, elle consent à faire montre d’un peu de Suisse dans ses idées, en espérant davantage de pouvoir pour les régions. Mais pour les sujets vraiment importants, la tête ne saurait faire confiance au corps: 

«Il y a des questionnements complexes qui ne peuvent pas être résolus par un référendum et la retraite en fait partie.»

Ah bon? Mais alors, nous autres électeurs suisses, qu’avons-nous voté dimanche 25 septembre dernier? Il faudrait avertir Madame l’ancienne ministre – avec tous les ménagements pour qu’elle ne tombe pas de sa chaise – que le sujet de la votation n’était autre que la réforme de la retraite et que ce sujet est désormais derrière nous, alors qu’il va empoisonner la France pendant des années. 

Le «Gaulois réfractaire au changement», selon la formule du président Macron, serait-il plus bête que le «terne Helvète»?

La forme a-t-elle plombé le fond?

Si 70% des Français s’opposent à la réforme, ils sont encore plus nombreux à la juger inéluctable. Alors, il est légitime de se poser cette question: la contestation des Français ne viendrait-elle pas aussi – et peut-être surtout – de la façon arrogante, brouillonne et autoritaire dont le président Macron a voulu imposer sa réforme? En l’occurrence, la forme n’a-t-elle pas plombé le fond?  

Emmanuel Macron n’a cessé de se contredire. En 2019 encore, il avait publiquement déclaré que l’âge de départ à la retraite ne reculerait pas au-delà de 62 ans et qu’il serait même «hypocrite» de le faire. Et voilà qu’en moins de trois ans, d’«hypocrite» qu’elle était, cette mesure est devenue «indispensable»! 

Le gouvernement a suivi allègrement cette course au rétropédalage, ne cessant à son tour de dire une chose, puis son contraire, rognant ici, ajoutant là pour complaire aux parlementaires de la droite LR. Il en résulte un texte législatif incompréhensible.

La tête dévisse!

Il n’est donc pas étonnant que le corps français juge que sa tête dévisse. Heureusement, la guillotine est bien rangée dans les caves des musées…

Dans nombre de pays européens, les systèmes de retraites ont été élaborés après la Seconde guerre mondiale. La société d’aujourd’hui n’est plus la même, à commencer par l’espérance de vie qui, en Europe du moins, a pris l’ascenseur. De moins en moins de contributeurs doivent assumer de plus en plus de pensionnés. Dès lors, la plupart des pays européens ont fait œuvre de réforme. 

La France échappe d’autant moins à cette nécessité que nombre de ses travailleurs commencent leur carrière tard et la quittent tôt, par rapport aux pays voisins.

Les Français sont parfaitement capables de comprendre cet enjeu, mais à la condition de les associer aux débats plutôt que d’imposer par le haut une réforme rendue illisible par les arguments contradictoires qui lui servent d’emballage.

Pour filer la métaphore à la Ponson du Terrail, plutôt que de maltraiter son corps, la tête française ferait mieux de se prendre en main!

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

3 Commentaires

@Latombe 17.03.2023 | 09h51

«Le sens de votre article apparaît comme une évidence pour la France: hiatus entre élites et population en général, la suppression de l'ENA n'y a rien fait on s'en doutait.
Pour la Suisse que cela nous serve de leçon: trop de parlementaires, de dirigeants d'entreprises, même moyennes, de DGEO de banques ou de caisse maladie et même de régies fédérales, adoptent un discours surplombant qui frise la condescendance envers le citoyen, englobé, sans son consentement, dans une classe moyenne qui aplatit les différences.
En parallèle le travail parlementaire est bâclé et débouche sur des lois adoptées en votation à 50 et quelques poussières de pour-cents. La démocratie ne repose plus sur une solide majorité de votants représentants une population confiante en ses autorités, juste retour du sentiment d'être écouté.
Attention dirigeants et patrons des ternes Helvètes, du folklorique sonneur de cloche qui alerte, au manifestant de rue prêts à botter le cul des élites, il n'y a qu'un tout petit virage à prendre. Secouez-vous donc avant d'être secoués!
»


@hermes 19.03.2023 | 18h22

«Le Président Macron peut avoir tous les défauts du monde, mais à tous ceux qui le haïssent, à tous ceux qui le jalousent, à tous ceux qui ne lui pardonnent pas d'être venu du secteur bancaire, à tous ceux qui lui reprochent d'avoir épousé son enseignante, je pose une seule question: où serait la France aujourd'hui avec un Mélenchon, une Marine Le Pen, un Eric Zemmour ou ai-je oublié de citer un papable compétent? Je n'ose imaginer. En revanche ce qui est certain, lorsque E. Macron aura quitté la Présidence, les désillusions demain seront à la hauteur de la haine d'aujourd'hui, car les Français ont la mauvaise habitude d'ignorer la dimension internationale dont ils dépendent -notamment pour leur dette- et qui se rappellera brutalement à eux si le prochain gouvernement venait à prendre des décisions économiquement ou financièrement inappropriées. »


@stef 27.03.2023 | 18h18

«@Hermes:
La France, pour s'en sortir, doit justement voter Le Pen ou Mélanchon.
Et établir un nouveau paradigme et casser la dette et la trop grande dépendance aux USA.
Cela sera probablement douloureux, mais indispensable.

Sortir de l'Europe ?
Indispensable ! Puisqu'il ne s'agit plus d'un projet social et politique, mais c'est devenu juste une grande banque !

Stop aux théories théoriciennes et place au bon sens. Les politiques, même en Suisse, sont complètement déconnectés de la réalité du peuple qui les élit.»


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