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Pour que ce lieu de martyre se rappelle à nous, il a fallu que les Russes détruisent la tour de télévision qui se trouve à proximité. Babi Yar, théâtre d’une abominable tuerie à partir du 23 septembre 1941, où 34’000 Juifs, Tziganes, Polonais et autres ont été massacrés en deux jours par les troupes nazies et leurs collaborateurs ukrainiens. Et plusieurs milliers dans les mois qui suivirent.



Sur les 900’000 habitants de Kyiv à cette époque, plus de 120’000 Juifs. Ceux-ci reçurent l’ordre de se rendre à un point donné et de marcher en file vers un but inconnu «vers un endroit plus tranquille» leur disait-on. Ils crurent à une déportation. Mais ils durent monter, par familles entières, sur une hauteur boisée près de la ville, et un à un, au bord d’un ravin, tous furent tués par balles, précipités dans le charnier en contrebas. L’opération était dirigée par un Sonderkommando allemand, mais conduite sur le terrain par des militants ultranationalistes ukrainiens.

Ce lieu de mémoire ne figure sur aucun guide touristique. Voulant m’y rendre (en 2014), je dus bien chercher. La chauffeuse de taxi ne le connaissait pas. La route qui y menait, au milieu d’une forêt, n’était pas asphaltée. Et là, je découvris enfin un modeste monument honorant les victimes de cette Shoah par balles, volontairement «oublié» par l’URSS en son temps, par les autorités locales et peu cité, c’est plus étonnant, par Israël. 

Qu’est-il arrivé aux corps? Ils ont été en partie déterrés des mois plus tard et brûlés. D’autres restes ont ressurgi en 1961 avec la rupture d’une digue qui inonda le quartier sous la colline, faisant de nombreuses victimes. C’est cette même année que l’horreur fut connue du monde, grâce au poème de Evgueni Evtouchenko, «Babi Yar» qui veut dire «le ravin des bonnes femmes». Mais l’oubli retomba au fil des ans.

Cela d’autant plus que l’Ukraine indépendante ne souhaitait pas raviver le souvenir des massacres (100’000 personnes au bas mot) commis par les nazis, main dans la main avec l’OUN (Organisation des nationalistes ukrainiens) et l’UPA (Armée insurectionnelle ukrainienne). En 2015 encore, ces «héros» étaient officiellement célébrés à Kyiv et des plaques déposées en leur souvenir. On célébra alors leur action après que les Soviétiques, en 1944, récupérèrent l’Ukraine. Ces combattants menèrent contre eux une guerilla qui se poursuivit jusqu’au début des années 1950. 

Il est faux d’affirmer, comme le fait Poutine, que les héritiers actuels de cette sinistre mouvance sont au pouvoir aujourd’hui. Mais à la marge, ils tentent encore d’exercer leur influence. Dans l’ouest du pays, à Lviv, le berceau du nationalisme, et auprès du pouvoir à Kyiv. Ce sont eux, et leurs sympathisants, qui ont réclamé le plus fort que l’ukrainien soit imposé dans les écoles des régions russophones. 

L’histoire n’explique pas tout, ne justifie certes pas les abominations contemporaines, mais l’ignorer, c’est fermer les yeux sur la marche du monde. 

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

1 Commentaire

@nanac 04.03.2022 | 02h47

«Difficile de parler d'influence à la marge, quand en novembre 2021 Dmitri Iarosh est nommé par Zelensky conseiller du commandant en chef des armées ukrainiennes. Iarosh a été à la tête de "Secteur Droit" ouvertement nazi et du bataillon Azov, qui s'est distingué en pilonnant les séparatistes du Donbass. J.-M. Bovy»


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