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Actuel / L’Europe a sa dame de fer

Jacques Pilet

7 août 2017

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La star de Bruxelles s’appelle Margrethe Vestager. Commissaire à la concurrence de l’Union européenne, elle est la bête noire des multinationales qui se soustraient à l’impôt et étendent parfois une domination sans partage du marché. Elle vient de recevoir le «Prix de la culture politique européenne» attribué par la Fondation Hans Ringier, dans le cadre du «dîner républicain» organisé chaque année par le journaliste Frank A. Meyer.



Grande, svelte, le regard clair, elle en impose d’emblée. N’est-ce pas elle, dit-on, qui a inspiré le personnage principal de l’excellente série TV «Borgen»? Cette fille de pasteur a connu une carrière politique fulgurante au Danemark. Ministre à 29 ans, cheffe de son parti centriste à 39, ministre de l’économie dès 2011, puis nommée en 2014 à la tête de la division de la concurrence dans la commission Juncker. Et depuis lors, il souffle un vent froid sur les géants tout puissants de l’espace digital. Une amende de 2,4 milliards d’euros à Google pour abus de position dominante dans les comparaisons commerciales. Une autre de 13 milliards à Apple pour ses jongleries fiscales en Irlande qui lui permettent de payer moins de 1% d’impôts sur les bénéfices. Facebook et Amazon sont aussi dans le collimateur. Ainsi que Fiat et Starbucks qui, eux, se «réfugient» au Luxembourg et aux Pays-Bas. La dame de fer ne s'en prend pas qu’aux Américains. Elle a poursuivi aussi une procédure pour abus de position dominante contre Gazprom à propos de ses fournitures de gaz dans l’est européen. Les Russes sont en train de céder et un compromis devrait être trouvé.

Margrethe Vestager, une humaniste

Tout cela au nom du libéralisme? En partie seulement. Dans son discours de Locarno, Margrethe Vestager s’est posée en humaniste. Elle prône un respect strict des règles pour tous alors que si les petits s’y soumettent, les géants de dérobent. Une autre préoccupation est apparue chez elle: elle s’inquiète de voir les droits d’auteurs peu ou pas payés par les maîtres des réseaux sociaux. La législation européenne permettrait, lui semble-t-il, de s’attaquer au problème. Pour elle, la défense des consommateurs et celle des créateurs sont liées. Il était assez piquant d’entendre, autour de la vaste table fleurie du Castello del Sole, l’éloge prononcé par la ministre de l’économie allemande, Brigitte Zypries, qui a ces jours bien des soucis avec les révélations du Spiegel sur les ententes illicites des fabricants d’automobiles dans son pays.

Une voix forte, de cœur et de raison

Un nouveau dossier pour la dame de fer? Trop tôt pour le dire. Ce que l’on sait, c’est que ce lobby a fait ces derniers temps le siège de son bureau. Sans succès. «Nous travaillons en tout indépendance», martèle Margrethe Vestager. Il faut dire que son plaidoyer en faveur de l’Union européenne tranche avec tant de blablas bruxellois. Elle démontre que l’Europe doit trouver la voie entre la protection de ses citoyens et l’ouverture au monde. Elle est consciente que l’opinion publique ne porte pas le palais de Berlaymont dans son cœur. «Il faut en finir, lance-t-elle, avec les préjugés sur le coût prétendument exorbitant de la bureaucratie. Savez-vous quelle part du budget de l’Union va aux fonctionnaires? Six pour cent! Le gros des dépenses va à l’aide aux régions et aux pays défavorisés, ainsi qu’à la défense de l’agriculture européenne.» Si cette femme succède un jour – on peut toujours rêver – au président actuel, fatigué et hypothéqué par son passé luxembourgeois, l’Union européenne aurait enfin ce qui lui manque: une voix forte, de cœur et de raison.

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