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Actuel / La richissime armada ridiculisée

Jacques Pilet

17 septembre 2019

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L’Arabie saoudite a le 4ème budget militaire du monde, trois fois plus élevé que celui d’Israël. Pourtant, quelques drones ont suffi à semer la pagaille dans sa production de pétrole, soudain tombée de moitié. Ses militaires ont quelques questions à se poser. Pas seulement eux. A quoi servent avions et blindés dans les formes nouvelles de guerre? Il y a de quoi troubler les têtes galonnées jusqu’à Berne.



Le royaume saoudien dépense 59 milliards de dollars par an pour son armée (9% de son PIB). Elle mobilise 150'000 hommes, dispose de 1500 blindés, de 600 avions dont 300 F-15. Sans parler de sa marine et de sa panoplie de missiles ultra-performants. Or, samedi dernier, une vingtaine de petits drones ont détruit la moitié de la capacité de production pétrolière. Une opération revendiquée par les Houtis, les rebelles yéménites en guerre contre les Saoudiens. Mais les engins sont peut-être partis d’Irak ou d’Iran (ce que Téhéran dément avec véhémence). Un acte de guerre – bien qu'il n'ait pas fait de victimes – d'une portée inouïe. Il fait bondit le cours du pétrole dans le monde entier.

Cette provocation redistribue les cartes dans la région en faisant éclater au grand jour la faiblesse du royaume. La tension monte à l'extrême.  Et cette attaque surprise pose aussi des questions militaires intéressantes.

 

Qu’est-ce que ces drones? Des avions miniatures tout simples, entraînés par des petits moteurs facilement disponibles. Un GPS banal les amène à la cible où ils larguent leur charge limitée pour chacun à 18 kilos d’explosifs courants. Leur portée théorique est de 1000 à 1500 kilomètres. Ils avancent lentement, mais à très basse altitude et échappent ainsi aux radars. Manifestement l'observation par satellite ne suffit pas à repérer ces redoutables jouets. Une arme toute bête. Les Houtis en avaient déjà usé pour de petites piques sur divers bâtiments gouvernementaux de Ryad. Cette fois, c’est plus sérieux.

Il faut dire qu’au Yémen, la guerre s’éternise. La coalition des Saoudiens et des Occidentaux ne parvient pas à maîtriser la rébellion de toute une partie du pays contre le pouvoir officiel. Le conflit plonge la population, coupée du monde, dans une détresse humanitaire effroyable. Seul le CICR est encore sur place pour tenter de la soulager.

La destruction des installations saoudiennes – il faudra des semaines ou des mois pour les remettre en état – a de quoi ébranler les certitudes des états-majors obnubilés par les armements classiques, les blindés, les avions de combat ou les missiles d’avant-garde. Pourtant les Américains ne cessent d’enjoindre les Européens de les multiplier. Avec un intérêt économique plus que stratégique car personne ne croit vraiment à une guerre à l’ancienne avec la Russie ou avec quiconque. Les conflits prennent d’autres formes. On le voit du Dombass, à l’est de l’Ukraine, jusqu’à l’Afghanistan. On le voit aussi à l’émergence des techniques de cyberguerre qui permettent de plonger à distance un pays dans la panade.

Il est amusant de voir l'embarras des experts en stratégie interrogés par les télés: ils ne savent pas expliquer comment les systèmes de surveillance ultra-sophistiqués et les armes anti-aériennes les plus pointues sont restées inopérantes contre les drones. Jusqu'à aujourd'hui on ignore même d'où ils sont arrivés.

C’est un phénomène historique connu: les militaires sont conservateurs. Ils ont toutes les peines à s’adapter aux nouveaux moyens de guerroyer, pas forcément à la pointe de la technologie mais imaginatifs. Les soldats suisses qui tourniquent autour de Thoune à bord de leurs chars blindés ont quelque raison de se demander s’ils sont vraiment utiles à la défense de la patrie.

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2 Commentaires

@gindrat 22.09.2019 | 15h20

«Tout bien réfléchi ? Vaudrait-il la peine d'attaquer un pays sans armée ? Dans quel intérêt ?»


@mirafavre 23.09.2019 | 16h33

«Autour de Thoune .. ou du Chalet-à-Gobet :-)
Bien vu Monsieur Pilet !
M.R. Favre»


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