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Actuel / Après l'enfer, le paradis!

Michael Wyler

25 juin 2017

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A quelques minutes à pied de Victoria Square à Athènes, où nombre de migrants et réfugiés dorment dans la rue, se trouve le City Plaza. Un hôtel de sept étages, squatté depuis avril 2016 par une armada d'activistes, qui y logent quelque 400 réfugiés et migrants venant d'une douzaine de pays.



1ère partie du reportage: L'enfer et le paradis.

Aliki Papachela, la propriétaire du City Plaza, en faillite depuis 2008, n'est pas contente et aimerait bien faire évacuer ce squat. Mais la centaine de familles qui y habite, 119 femmes, 112 hommes et 166 enfants à la mi-juin,  n'est pas évidente à déloger. Ce d'autant plus que la joyeuse bande d'anars et d'activistes qui – avec les réfugiés – font fonctionner l'hôtel, sont prêts à tout (ou presque) pour résister aux forces dites de l'ordre.

Richissime, Mme Papachela a hérité (entre autres) de cet hôtel, car son papa, Evgenios, savait bien de quel côté la tartine était beurrée. Haut fonctionnaire du Ministère de l'Industrie, proche des dirigeants de la junte qui a «gouverné» le pays de 1967 à 1974, il s'est construit un petit empire su des bases dont la l'égalité est, disons, douteuse. Et donc aujourd'hui, il n'y a pas grand monde pour la plaindre.

Ouvert depuis 14 mois, le City Plaza est autogéré. Malik, un des activistes à l'origine du projet explique: «Ici, les gens entrent et sortent librement». «Même lorsqu'ils ne peuvent pas sortir du pays» ajoute-t-il souriant. Les familles peuvent rester aussi longtemps qu'elles le désirent et, en général, partent au bout de 3-4 mois, une fois obtenue l'autorisation de quitter la Grèce».

«Depuis l'ouverture, nous avons nourri et logé quelque 1500 personnes. Migrants? Réfugiés? Nous ne faisons aucune distinction. Nous aidons tous ceux qui ont besoin d'aide».

Une vraie petite ville

Il est 17h.30. Pendant que nous discutons, assis au «bar» du City Plaza, des enfants regardent un film dans un salon à côté. Samantha, une volontaire de Californie sert le thé et les cocas. Après le repas, elle consacrera 2 heures à enseigner l'anglais à tous ceux que cela intéresse. «Cela marche super, me dit-elle. Ils sont une bonne centaine à venir deux fois par semaine, alors que ma collègue, qui enseigne le grec deux soirs par semaine compte une soixantaine d'étudiants».

Très fier de ses bonnes notes. © Michael Wyler

C'est que le City Plaza, c'est plus qu'un hôtel: enseignement scolaire pour les enfants, cours de langues, soins médicaux et dentaires, tout y est offert, tout comme les quelque 800 repas quotidiens préparés par tout le monde, à tour de rôle.

«Le concept est révolutionnaire», me dit Malik, mi-Indien, mi-Grec, à Athènes depuis une vingtaine d'année. «Ici, tout le monde met la main à la pâte. Nous ne sommes pas là pour servir les réfugiés, mais pour les aider à s'aider eux-mêmes. Alors chacun y met du sien. Cuisine, nettoyage, réception, blanchisserie, sécurité, etc. tout le monde doit participer. Et lors de nos assemblées hebdomadaires, tout le monde, sans exception, a droit à la parole. Ce n'est pas toujours évident pour des familles musulmanes habituées à un rôle très, disons, effacé, de la femme. Mais notre politique est claire et les hommes qui viennent ici le savent: soit ils s'adaptent, soit ils vont voir ailleurs».

Le succès est une des choses qui, paradoxalement, attriste le plus les volontaires: plus de 3500 personnes sont inscrites en liste d'attente et l'espace manque cruellement.

Tutti frutti enrichissant

Véritable tour de Babel, le City Plaza logeait, lors de ma visite, des familles de Syrie, Afghanistan, Iran, Kurdistan, Erythrée, Iraq, Palestine, Pakistan, Turquie, Somalie, Maroc et Gambie. Et comment s'entend tout ce petit monde?

Jaffar vient du Pakistan. Il est au City Plaza avec sa femme, ses parents et deux enfants depuis 4 mois. «Nous venons tous de culture différente», me dit-il en anglais, langue appris lors de ses études de médecine. «Certains sont religieux, d'autre pas. Certains viennent de petits villages, d'autres de grandes villes. Mais nous avons une chose en commun: le privilège de vivre ici dans la dignité et la sécurité, ce qui est impossible dans les camps de réfugiés».

«Cela n'a pas été facile pour mon père de se retrouver en cuisine et d'avoir à couper des légumes avec une femme Kurde au visage découvert, mais franchement, l'alternative, c'est la rue et il le sait bien. Et il s'y fait lentement…»

City Plaza, ce n'est pas que 126 chambres. C'est un projet politique qui cherche à démontrer plusieurs choses. Notamment que toute personne qui se sent contrainte de quitter son pays est un réfugié. Qu'elle qu'en soit la raison et il/elle doit être traité/e avec respect. Et, comme le précise Malik: «Nous apportons la preuve qu'il est possible de vivre en autogestion, d'une manière efficace et organisée, sans employés, subventions, experts ou hiérarchie».

Ouvert depuis 14 mois, le City Plaza est autogéré. © DR

D'où viennent les dons?

Le budget? Personne, parmi celles et ceux que j'ai rencontrés ne semble en avoir une idée claire. Les dons sont récoltés via crowdfunding, facebook et divers sites internet et proviennent essentiellement de quelques milliers de sympathisants, disposés à donner 10 ou 20 euros par mois. Sans dire qu'au cours des quelques heures que j'y ai passé, j'ai vu des gens «ordinaires» apporter – en guise de soutien – des cageots de salades ou de fruits, des détergents, du papier toilette et autres dentifrices.

«Si jamais t'es plus bien en Suisse, sache que tu seras toujours le bienvenu ici!» me dit Malik, sur le ton de la plaisanterie, lorsque nous nous quittons. Plaisanterie? Quelque part, je l'envie. La plupart d'entre nous vivent bien, voire très bien en Suisse. N'empêche que notre solidarité a souvent bien des limites.

Vous n'êtes pas d'accord? Alors s'il vous plaît, faites un don. Au City Plaza Hotel ou à d'autres organisations aidant les réfugiés arrivant en Grèce. Elles sont nombreuses. Pour ma part, je soutiens aussi Choosehumanity, une organisation crée par Mary Wenker, une psychopédagogue et hypnothérapeute romande, actuellement à Chios, l'île grecque la plus proche de la côte turque et qui accueille un grand nombre de réfugiés.

Merci


1ère partie du reportage: L'enfer et le paradis


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