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Culture

Culture / L'art au service des exilés

Michèle Laird

10 juillet 2017

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Projet pionnier à la Kunsthalle de Hambourg en Allemagne, Open Access propose un espace de dialogue autour de l’art avec les populations migrantes. Douze personnes, dont les familles ont trouvé refuge en Allemagne, sont invitées à puiser dans les collections du musée pour choisir des œuvres en résonance avec leurs propres valeurs et références.



Valeurs communes

La Kunsthalle de Hambourg a démarré en novembre 2016 un atelier multiculturel qui a débouché sur l’exposition Open Access, visible jusqu’au 27 août 2017.

« Il est essentiel d’explorer de nouvelles voies pour amener aux musées les personnes qui n’y viennent jamais », explique Christoph Martin Vogtherr, le directeur de la Kunsthalle et auteur du projet Open Access. Fraîchement arrivé de la Wallace Collection à Londres, il cherchait à savoir comment la ville de Hambourg accueille les personnes déplacées. Il voulait découvrir, avec eux, les réserves de la collection dont il prenait la charge.

 

Carte sur panneau en bois à l'entrée de l'exposition qui indique les origines des 12 participants.


« Ce qui est important pour moi… » 

Pour répondre à cette question, Mahran, Khalil, Halyna, Hosein, Mehdi, Ali, Nursima, Mostafa, Vadhiliya, Delphine, Quentin et Heide ont choisis les thèmes du respect, de la responsabilisation, du dialogue, de la liberté et la fraternité. Puis ils se sont lancés dans les collections de la Kunsthalle à la recherche des œuvres qui correspondaient aux valeurs définies en commun.

Commissaires de fortune

C’est ainsi que 12 personnes choisies dans le cadre d’un groupe inter-religieux issu de l’immigration - que rien ne prédisposait à l’art occidental - ont réalisé une exposition d’une grande fraicheur,  désinvestie des codes muséaux habituels.

« La première fois que je me suis rendue à la Kunsthalle dans le cadre de ce projet, je me sentais dépassée. Derrière des portes, il y avait encore des portes, raconte Nursima, dont la famille est originaire de Turquie. J’ai découvert que les musées n’étaient pas seulement des endroits pour voir les œuvres d’art, mais également pour constituer des collections et mettre le patrimoine en sécurité ».

Le directeur de la Kunsthalle admet la complexité d’un projet qui devait permettre un libre accès aux collections par des personnes qui ne sont pas du sérail. Mais il y tenait : « Je me posais la question de l’accès à l’art. 

Je suis porteur d’un discours de spécialiste, mais il n’y a pas qu’un seul langage pour apprécier l’art. 

Les historiens de l’art, trop souvent, construisent des murs autour de leur savoir ».

Nursima continue : « Ce projet a révélé la capacité de chacun de nous à se projeter dans une œuvre, mais souvent pour des raisons différentes. 

C’est une expérience fantastique d’être curateurs, car on pense à l’art différemment quand il s’agit de l’expliquer et de faire passer un message. »

Mostafa Akhtar, originaire d’Afghanistan et qui faisait également partie du groupe, s’enthousiasme quand il décrit le respect de chacun pour l'avis de l'autre. 

« Nous ne réagissons pas de la même manière. Par exemple, devant un tableau marin de Caspar David Friedrich que je trouvais infiniment sombre, Mahran ne voyait qu’espoir et lumière : il se remémorait le voyage qui l’a amené de Syrie encore récemment. »

Le même Mahran Saeed tenait à inclure dans l’exposition un tableau montrant Saint George qui terrasse le dragon, car il est Druze et dans sa religion, Al-Khoder est vénéré pour la même raison : la célébration qui lui est consacrée le 25 janvier est à l’égal de Noël pour les Chrétiens.


Flucht Schwarz – Rot – Gold, 1997 de Sigmar Polke choisi par plusieurs participants pour illustrer le thème de la liberté “une notion que nous ne connaissons pas chez nous”.

Continuer le dialogue

Le projet pilote a un autre intérêt : des pièces qui sont rarement, sinon jamais, présentées surgissent des réserves du musée et sont données à découvrir, par exemple des œuvres de jeunesse de Cindy Sherman et de David Hockney qui nous confirment la précocité de leur talent. Ou encore un tableau du 17ème siècle, intitulé La lettre, qui d’après Mostafa Akhtar, a des résonances avec les messageries contemporaines. 

Christoph Martin Vogtherr se dit décidé à renouveler l’opération. Le prochain groupe n’aura cependant pas les mêmes réponses à la question « Ce qui est important pour moi… ».

« L’exposition sera donc très différente », s’enthousiasme déjà le directeur.

Open access à voir à la Kunsthalle de Hambourg jusqu’au jusqu’au 27 août 2017.

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