Actuel / Donald Trump, l'apprenti sorcier monétaire
Dans sa bataille pour «l'Amérique d'abord», Donald Trump rêve de faire baisser le dollar vis-à-vis des autres monnaies pour favoriser les exportations américaines. Or, c'est le contraire qui se produit.
Donald Trump n'a pas de mots ni d'actions assez dures pour «punir» les pays qui ont le tort de livrer une concurrence trop forte aux entreprises américaines, les Chinois en savent quelque chose. Mais si le locataire de la Maison-Blanche a retenu l'attention avant tout par son agressivité en matière d'échanges commerciaux, il est un aspect où il n'est pas moins vindicatif: les taux de change. Pour lui, les choses sont simples: le dollar est trop élevé, ce qui nuit aux exportations américaines. Et si le dollar est trop élevé, ce n'est pas la faute des Etats-Unis, mais celle des autres pays, à commencer par la Chine (bien sûr), mais aussi de l'Union européenne.
Son accusation favorite, c'est que ces pays «manipulent» leur monnaie. Il l'a redit encore le lundi 20 août lors d'une interview à l'agence Reuters: «Je crois absolument que la Chine manipule sa monnaie. Et je crois que l'euro est manipulé lui aussi». Mais que veut-il dire par ça? En fait, que les autorités monétaires de ces pays – autrement dit, leurs banques centrales – interviennent sur les marchés des changes en vendant de leur propre monnaie contre des dollars pour faire baisser les premières et monter ce dernier, afin de favoriser les exportations de leurs produits au détriment de ceux des autres pays.
«Manipulateur» manipulé
Mais qui est le manipulateur dans cette affaire? Ni la Chine, ni l'Union européenne, ainsi que l'affirme Mark Sobel, un expert en questions monétaires et ancien du Trésor américain. Au contraire, tous deux cherchent à stabiliser leurs taux de change. C'est, en revanche, Donald Trump lui-même: en poussant de pareils hurlements contre les prétendues tricheries des autres, il fait... baisser le dollar, comme le dénoncent plusieurs spécialistes américains, à commencer par Charles Dallara, un vétéran des négociations financières et monétaires internationales. C'est ce qui s'est passé juste après son intervention du 20 août. Mais son effet ne dure pas plus de trois jours.
Parce qu'en réalité, Donald Trump peut dire ce qu'il veut, son action politique fait, au contraire, monter le billet vert. L'effet exactement inverse à celui qu'il vise! Prenons l'exemple du conflit commercial avec la Chine. En infligeant des droits de douane exorbitants, il alarme les investisseurs dans l'économie chinoise qui, par conséquent, freinent leurs projets et réduisent leurs achats de renminbis. Par conséquent, la monnaie chinoise baisse... face au dollar.
La Fed, sourcilleuse
Mais la politique économique intérieure exerce des effets bien plus conséquents encore. L'économie américaine, on le sait, est en pleine croissance. La bourse connaît sa phase de hausse la plus longue depuis 1945. Personne n'anticipe la fin de ces deux phénomènes, du moins dans ces prochains mois, même si le 10e anniversaire de la faillite de Lehman Brothers hante toujours les esprits. Tout cela fait monter le dollar.
Cette hausse est stimulée par l'une des grandes mesures prises par Donald Trump: la baisse massive des impôts sur les bénéfices des sociétés décidée en décembre dernier. Elle a eu pour effet d'accroître les bénéfices des entreprises américaines, qui ont donc attiré davantage d'investisseurs internationaux, qui ont donc acheté des dollars pour acquérir des actions de ces merveilles de la finance.
Et last but not least, cette belle santé économique amène la Fed, la banque centrale, à relever ses taux d'intérêt pour prévenir tout risque d'inflation à l'avenir. Or, une hausse des taux d'intérêt entraîne une hausse des rendements des placements financiers. Et que cherche un investisseur, n'importe où dans le monde? Des placements qui rapportent, dans une monnaie sûre. Donc, bingo pour le dollar.
Et Donald Trump dans tout cela? La Fed est indépendante. Donc, en principe, le président n'a rien à dire dans sa politique monétaire, une discipline à laquelle tous, depuis Clinton, se sont soumis. Sauf Donald Trump, qui ne cesse de répéter que la Fed ne devrait pas monter ses taux puisque cette mesure ralentit l'économie. Alors, que fait cette dernière? Mise en cause par le président, elle cherche à affirmer son indépendance, afin de bien monter à la terre entière qu'elle n'a rien à faire des injonctions de la Maison-Blanche. Conséquence: les trois à quatre hausses de taux d'intérêt qu'elle a laissé entendre pour ces prochains mois ont toute leurs chances d'être décidées en temps et en heure (une à l'automne, une en décembre, une au premier trimestre 2019), ce qui poussera encore le dollar vers le haut.
Le président américain avait pris des décisions globalement appréciées en matière économique. La domination de Jerome Powell, un conservateur modéré et très compétent, à la présidence de la Fed à la fin de l'an dernier, ainsi ses promesses d'investissements dans les infrastructures et son intention de réformer la fiscalité des entreprises avaient obtenu un large écho positif. Et quand une économie paraît bien gérée, sa monnaie monte, c'est mécanique. Mais manifestement pas dans l'esprit de Trump ni dans celui de ses électeurs.
VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
1 Commentaire
@alphanet 29.08.2018 | 20h25
«Une économie "bien gérée", basée sur l'anéantissement des ressources naturelles et des emprunts massifs?
Décidément, je ne comprends rien à l'économie.»