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Débat / Un éléphant, ça trompe énormément… La Russie, la Suisse et la neutralité.


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C’est un évènement qui est probablement passé inaperçu en Suisse romande. Mais il fut suffisamment rare pour mériter d’être rapporté de ce côté-ci de la Sarine. Le 22 mars 2024, lors d'une soirée organisée sous l’égide du parti Aufrecht Schweiz(1), on pouvait entendre trois intervenants s’exprimer sur le sujet suivant: Russie - Suisse - Neutralité. Un évènement plutôt unique à l’heure de la balkanisation des opinions, ce d’autant plus que les intervenants représentaient des perspectives aux antipodes les unes des autres.



Un évènement plutôt unique à l’heure de la balkanisation des opinions, ce d’autant plus que les intervenants représentaient des perspectives aux antipodes les unes des autres.

Une dizaine de jours plus tard, l’organisateur Input Events publiait sur sa chaine Youtube et en quatre épisodes, les trois interventions ainsi que le débat final, modéré par Remko Leimbach, candidat du parti susmentionné, non élu au Conseil national en 2023. C’est en allemand, sans le moindre sous-titre, il faut donc un peu de courage aux Welches qui voudraient s’y intéresser. Je suis curieuse, et peut-être un peu masochiste : j’ai tout regardé, écouté, pris des notes…

Le Suisse de Russie

Le premier à discourir, durant presque une heure, fut Peter Hänseler, un citoyen suisse qui vit depuis vingt-cinq ans à Moscou et désireux de partager le grand respect que lui a toujours inspiré, dès ses six ans, la culture russe et, depuis son arrivée au pouvoir, l’admiration qu’il voue à Vladimir Poutine.

Il commence par citer Winston Churchill, pour qui « la Russie est un rébus enveloppé de mystère au sein d'une énigme » en laissant (comme le font presque toujours ceux qui se servent de ladite citation) de côté la suite, à savoir : « mais peut-être y a-t-il une clef. Cette clef est l’intérêt national russe. »

Rappelons le contexte de ces mots, prononcés en octobre 1939, peu après l’invasion de la Pologne par l’Armée rouge qui exécutait ainsi le partage décidé par le pacte germano-soviétique du mois d’août de la même année. Le contexte, donc, c’est les débuts de la Seconde Guerre mondiale et l’opportunisme de l’URSS dirigée par Staline, ennemi, puis ami, puis à nouveau ennemi des Alliés et de l’Ouest qui naîtrait des cendres de cette innommable boucherie.

Mais ce n’est pas de ce rappel historique que nous parle Monsieur Hänseler. Il choisit de rappeler que l’OTAN n’a pas respecté sa promesse (gentlemen’s agreement) de ne pas s’étendre à l’Est, et que c’est pour cela que la Russie, menacée, a dû se défendre. Je renvoie le lecteur vers l’article du Monde diplomatique (« Quand la Russie rêvait d’Europe ») dont je cite le début : «Ils nous ont menti à plusieurs reprises, ils ont pris des décisions dans notre dos, ils nous ont mis devant le fait accompli. Cela s’est produit avec l’expansion de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) vers l’est, ainsi qu’avec le déploiement d’infrastructures militaires à nos frontières.»

Dans son discours justifiant l’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie, le 18 mars 2014, le président Vladimir Poutine étale sa rancœur envers les dirigeants occidentaux. Face au réalisateur américain Oliver Stone, en juillet 2015, M. Poutine esquisse un rictus en évoquant cet épisode majeur de l’histoire des relations internationales : «Rien n’avait été couché sur le papier. Ce fut une erreur de Gorbatchev. En politique, tout doit être écrit, même si une garantie sur papier est aussi souvent violée. Gorbatchev a seulement discuté avec eux et a considéré que cette parole était suffisante. Mais les choses ne se passent pas comme cela !»

L’OTAN avait répondu à ces reproches : «Il n’y a jamais eu, de la part de l’Ouest, d’engagement politique ou juridiquement contraignant de ne pas élargir l’OTAN au-delà des frontières d’une Allemagne réunifiée», écrivait en 2014 Michael Rühle dans la revue de l’organisation. Monsieur Hänseler, qui répète à l’envi qu’il est avocat, «alors [il sait] de quoi il parle», sait-il ce que veut dire un «juridiquement contraignant» ? Dans le cadre du conflit avec l’Ukraine, il préfère probablement l’oublier.

L’ex-diplomate

Épisode deux : entrée en scène de l'ancien diplomate suisse Jean-Daniel Ruch. Remko Leimbach commence par nous présenter celui qui a failli devenir Secrétaire d’État à la Défense avant de se retirer à l’automne 2023 à la suite d’une espèce de chasse aux sorcières orchestrée par la presse alémanique.

Leimbach est très correct et n’évoque à propos de ladite chasse que le fait qu’il a été reproché à Monsieur Ruch d’avoir été en contact avec le Hamas dans le cadre de ses fonctions au Proche-Orient et, «puisque qu’ici, nous estimons qu’il est important de parler avec tous», remercie l’ex-diplomate d’avoir accepté son invitation, car personne ne semblait vouloir venir contredire les sympathisants de Poutine, les fameux «Putin-Versteher», plus précisément ceux qui le «comprennent».

Monsieur Ruch attrape au vol ce terme pour son entrée en matière : il faut comprendre les acteurs, amis comme ennemis. S’il est donc un «Putin-Versteher», il est également un «Erdogan-Versteher», un «Netanyahu-Versteher», etc. Mais comprendre quelqu’un ne veut pas dire le soutenir. «Je ne soutiens personne, je suis neutre, comme la Suisse», dit-il (rires et applaudissements du public).

Les applaudissements seront encore vifs lorsqu’il dit qu’il faut commencer par un cessez-le-feu immédiat en Ukraine. Il nous parle des victimes, des jeunes gens qui meurent des deux côtés et du fait que la guerre ne fait que créer le désir de vengeance, et ça, c’est le pire. Plus la guerre durera, plus difficile sera la réconciliation. Il évoque la tentative de médiation inaboutie au printemps 2022 et comment les Turcs lui avaient demandé de les éclairer sur le concept de la neutralité, puisque la Suisse s’y connaît.

Mais… c’est une agression ! assène Jean-Daniel Ruch (cette fois, silence dans la salle). Une agression selon la définition de la Cour pénale internationale. Il avoue ne pas tout comprendre quant aux racines du conflit, mais il a fallu près d’un siècle pour comprendre comment on est arrivé au déclenchement de la Première Guerre mondiale, alors… ?

Retour sur la neutralité. La Suisse veut la paix et fait des efforts en ce sens : propositions de médiations (rejetées !), bons offices : elle pourrait représenter les intérêts de l’Ukraine en Russie2, organisation d’une conférence de paix en Suisse (rejetée !). La Suisse ne peut malheureusement pas faire grand-chose si l’une des parties au conflit ne veut pas d’elle comme médiatrice. Malgré tout, la Suisse a préservé sa neutralité en ne favorisant aucune des parties. Elle ne livre d’armes (ce qui lui est d’ailleurs reproché) ni à l’Ukraine ni à la Russie, et cela est aussi l'une des conditions majeures de la neutralité (murmures désapprobateurs du public ; il en prend note en disant : «ah, je vois que ça donne à parler, c’est une bonne chose !»).

Les efforts de la Suisse n’ont à ce jour pas été couronnés de succès et elle a dû se concentrer sur l’aide humanitaire, aussi en pensant à la reconstruction et à la stabilité de l’Ukraine dans le futur. Car à long terme, c’est la stabilité qui importe, continue-t-il.

Un petit pays a besoin d’un fort système de droit international. La Suisse est petite, il lui est donc difficile de résister aux grandes puissances. Il lui faut donc participer au développement d’un système où la force du droit prime le droit de la force. L’État de droit est primordial.

Les trois prix Nobel de la paix suisses ont d’ailleurs œuvré pour des textes de droit international, nous rappelle-t-il. Henri Dunant, bien sûr, pour ses Conventions de Genève, mais aussi Élie Ducommun et Albert Gobat, «quelqu’un de la famille» (petit rire du public face à la fierté affichée par Monsieur Ruch), pour leur Convention pour le règlement pacifique des différends. Triste constat : les grandes puissances préfèrent quand même le droit de la force à la force du droit.

Jean-Daniel Ruch parle ensuite des sanctions européennes contre la Russie, reprises par la Suisse, ce qui entacherait sa neutralité déclarée. Mais nous sommes face à de graves violations du droit international, pouvions-nous les laisser impunies ? demande-t-il. C’est la question qu’a dû se poser le Conseil fédéral. Ce n’était pas une décision facile à prendre, et on peut la critiquer, mais les faits sont là !

Suivent quelques mots sur la Russie : elle demeure un pays très important dans le monde et dans le voisinage de la Suisse. La Russie occupe 11% du territoire mondial, elle a des ressources naturelles énormes, c’est une force nucléaire et elle est le trait d’union entre l’Europe et l’Asie. La Suisse a aussi bénéficié de la Russie, par exemple avec l'homme d'Etat grec Capodistrias3, la figure étrangère la plus importante selon lui : il a voyagé à travers la Suisse, a examiné son système interne et s’est appliqué à en développer la neutralité.

Alors oui, la Russie compte et doit compter, mais c’est aussi un pays qui se démarque des valeurs européennes. Pour preuve, les votations. Poutine ne voulait plus d’observateurs internationaux de l’OSCE lors des dernières élections… «Navalny, c’est encore une autre histoire, mais quand quelqu’un meurt en prison, ce n’est jamais un bon signe» (Public : silence). Il achève son intervention, qui aura duré à peine plus d’une demi-heure, par un proverbe africain. Mais j’y reviendrai…

Le diplomate

Le troisième épisode est bien plus long, de nouveau presque une heure, et franchement le plus ennuyeux. C’est l’ambassadeur russe, Sergeï Garmonin, qui va parler, ou plutôt lire son texte, rédigé en allemand, après s’être excusé pour son manque de maîtrise de cette langue. Il est le seul à porter une cravate sur le podium ce soir-là. Il lèvera rarement les yeux de son papier et restera derrière sa «cathèdre». Son discours est sans surprise. Il sera pourtant souvent applaudi, c’est la star de la soirée.

Il nous fait un petit rappel historique de la neutralité implantée en Suisse par le Congrès de Vienne en 1815, et parle de l’implication dans ce processus du tsar Alexandre Ier. Son discours est ponctué de nombreux «ich zitiere» (je cite), suivis de longues citations soporifiques.

Il parle des grandes interventions de la Russie dans le développement du droit international. C’est étrange, j’ai suivi pendant une année, dans le cadre de mes études de traductrice (juridique), un cours sur le droit international public et je ne me souviens pas de cette prédominance russe…

Est-ce mon sang polonais ? Je ne l’ai écouté que d’une oreille et je m’en excuse. Mais quand j’ai entendu les mots «système nazi de l’Ukraine», ça m’a suffi et j’ai préféré passer au débat de fin de soirée. Et puis je me suis dit que ce n’était pas honnête et j’ai repris l’intervention de Monsieur Garmonin là où je l’avais laissée, pour l’entendre énumérer les crimes commis par les nationalistes ukrainiens contre les Juifs, les Russes et les Polonais à la faveur de l’arrivée des armées allemandes, accueillies en libérateurs de l’occupant soviétique.

Ah, cette difficile et complexe relation à trois entre Pologne, Ukraine et Russie… Il m’est pourtant bien plus facile de pardonner aux nationalistes ukrainiens de Stepan Bandera d’avoir massacré entre 60 000 et 100 000 Polonais, hommes, femmes et enfants, en 1943, que de pardonner à l’Armée rouge de Staline le massacre d’environ 21 000 officiers polonais en 1940, à Katyń et ailleurs, ou de s’être arrêtée, dans sa grande marche libératrice vers Berlin, aux portes de Varsovie en août 1944, pendant sa grande Insurrection, laissant ainsi se faire massacrer plus de 18 000 combattants (très jeunes pour la plupart, dès 12 ans) et entre 160 000 et 250 000 civils ! L’intervention de l’Armée rouge aurait pourtant pu éviter une grande part de ces morts et Varsovie ne détiendrait peut-être pas le record de la ville la plus détruite de la Seconde Guerre mondiale. Les nationalistes ukrainiens, eux, au moins, même s’ils ne s’attaquaient pas aux responsables des malheurs du passé, avaient l’excuse d’avoir été exploités par la noblesse polonaise pendant des siècles ! Et pas non plus très bien traités dans l’entre-deux-guerres, étant pour le gouvernement polonais des citoyens de second ordre. Pardon pour la longue digression, mais elle venait du cœur. Contrairement à Monsieur Ruch, je ne suis pas neutre : bien que naturalisée suisse, je n’ai pas été «neutralisée».

Je reviens à Monsieur Garmonin, qui, bien sûr, reprend le terme «opération militaire spéciale» pour parler de l’action menée pour la défense des russophones du Donbass, se référant pour cela à l’art. 51 de la Charte de l’ONU qui parle du droit individuel à la défense. Tandis que la propagande occidentale parle d’agression…

J’ai continué à regarder, mais je ne pouvais plus écouter cet homme, je n’entendais que les nombreux applaudissements du public. Écœurant. Total manque d’objectivité de ma part, je l’avoue, mais il m’est juste impossible d’oublier, bien plus que mes lectures historiques, toutes les histoires entendues dans ma famille quand j’étais enfant en Pologne, que ce soit au sujet de la Seconde Guerre mondiale ou de l’occupation soviétique qui a suivi.

J’ai quand même un peu rigolé quand l’ambassadeur russe a évoqué le scénario fantaisiste d’une rébellion tessinoise qui imposerait l’usage unique de l’Italien à tout le territoire suisse. OK pour moi, j’adore l’italien et le parle très bien !

Le débat

Le dernier épisode réunit les trois intervenants et Remko Leimbach pour répondre aux questions que le public a pu glisser dans une urne au cours de la soirée. Pour simplifier, je vais utiliser ici des acronymes à la place des noms : nous avons donc le Suisse de Russie, PH, notre ex-diplomate prévôtois, JDR, et l’ambassadeur russe, SG.

La première question abordée est celle des élections russes et la victoire sans surprise de Poutine, en l’absence de véritables opposants. Mais quelle magnifique victoire ! En Russie, 87% des votants ont voté pour Poutine. Les Russes résidant en Suisse ne lui ont pourtant donné que 45% (au début, il était question de 15% de soutien, puis de 40% et ce sont ces chiffres qui ont été mentionnés lors du débat) de leurs voix.

Commentaire de SG : en Corée du Nord, il a été soutenu à 90% ! Ah oui, en Corée du Nord, voilà, voilà…

Intervention de PH : le soutien à Poutine est d’environ 80% parmi les Russes de sa connaissance, et cela n’a pas changé depuis deux décennies. Malgré la russophobie qui s’est développée depuis ces dix dernières années en Occident. En fait, cela a même renforcé le soutien à Poutine en Russie. Et puis il faut savoir que les Russes ne sont pas comme nous, ils ne s’intéressent pas aux détails, ils voient que ça marche, alors pourquoi changer de chef d’État ? Oui, la Russie doit être autoritaire pour fonctionner. (Applaudissements du public)

Remarque de JDR à propos de cet indispensable autoritarisme en Russie : « J’ai une pensée pour Anna Politovskaia, Boris Nemtsov et Alexeï Navalny. » (Huées du public)

Question à JDR : la Suisse est neutre, elle ne fait donc pas de livraison d’armes, mais elle a repris les sanctions européennes contre la Russie et elle a donné des milliards d’aide humanitaire pour l’Ukraine. Comment le gouvernement suisse peut-il espérer que la Russie voit la Suisse comme un pays neutre dans ces conditions ?

JDR : en 2014, la Suisse n’a pas sanctionné la Russie, mais elle a pris des mesures afin que les sanctions de l’UE ne puissent pas être contournées. En 2022, la situation était différente. Notre population et notre parlement ont été très touchés émotionnellement par les évènements en Ukraine. Le parlement l’a senti (rires du public). JDR réagit : je sais que ce n’est pas le bon public pour le dire, mais c’est malgré tout un fait établi.

Deuxièmement, quand on doit prendre une telle décision au sommet de l’État, il faut faire une pesée d’intérêts : et clairement, 80% de notre commerce se fait avec l’UE et les USA, nos intérêts économiques sont évidemment en Occident. Il y a bien sûr les valeurs et les principes, mais il faut peser aussi les sentiments de la population et les intérêts du pays, sans oublier le droit international.

Je vais arrêter là mon compte-rendu de cette soirée. Bien sûr, je vous ai relaté dans ces lignes ce qui m’a le plus interpellée dans cet évènement et j’exprime ici mon opinion personnelle. Pour une vue plus objective, faites comme moi et, si vous en avez le courage, regardez les vidéos. Je finirais par quelques mots sur la presse alémanique.

Les réactions de la presse alémanique

Lorsque cet évènement a été annoncé, un article de la NZZ, paru le 5 février 2024, disait que JDR «se présentait maintenant avec des gens qui comprennent Poutine», les fameux «Putin-Versteher» lors d’une manifestation autoproclamée «anti-mainstream». Le lendemain de cette soirée, j’ai fait une recherche et j’ai trouvé un article intitulé : «Angriffiger Auftritt - Gefallener Hoffnungsträger wehrt sich gegen Putin-Fans» - en français : «Une attaque en règle, un espoir déçu se défend contre les fans de Poutine4». Bon, au moins, Jean-Daniel Ruch a changé de statut et nous avons appris qu’il n’est pas un fan de Poutine… Il n’y a pas grand-chose à dire sur le corps de l’article, sauf peut-être que lors d’une «standing-ovation» pour l’ambassadeur russe, Monsieur Ruch est le seul à être resté assis, apprenons-nous.

Mais c’est sans compter sur le Blick, grand journal de haut vol, n’est-ce pas ? Sous le titre «Moutier n’est pas Moscou» (en effet, JDR a évoqué durant le débat, en parlant d’autodétermination, la difficile question jurassienne et comment il a fallu discuter très longtemps pour arriver à s’entendre, voter et revoter, négocier et tout et tout), l’article commence par parler de… sexe ? «On ne pouvait pas se passer de sexe», lis-je. Pardon ? Je lis les lignes suivantes et apprends que le chiffon fait référence au proverbe africain que cite JDR à la fin de son intervention : «Quand deux éléphants se battent, l’herbe en pâtit. Quand deux éléphants font l’amour, l’herbe en pâtit tout autant.» C’est tout ce que le Blick a retenu des propos de Jean-Daniel Ruch? Lamentable…

Le Blick s’arrête aussi sur l’apparence de JDR : «Ruch est détendu sur scène, la chemise déboutonnée, et parle librement, sans notes…» C’est plutôt flatteur de savoir parler sans notes ! Il en avait pourtant, mais n’y jetait que rarement un œil, déambulant tranquillement sur le podium, n’approchant que rarement de la cathèdre. Et son look ? J’ai observé les quatre hommes de la soirée. J’ai déjà signalé que seul l’ambassadeur russe portait une cravate. Outre la cravate bordeaux, son costume est d’un très triste brun foncé. L’hôte, Remko Leimbach, porte une chemise noire, deux boutons ouverts, et un pantalon beige. Jean-Daniel Ruch et Peter Hänseler sont en costume, veste et pantalons assortis, couleur anthracite, à fines rayures blanches pour JDR, uni pour PH, chemise blanche dans les deux cas et… deux boutons non-boutonnés… Scandaleux, en effet.


1Debout la Suisse, formé au printemps 2020 pour s’opposer aux mesures anti-Covid, considéré comme un groupement d’antivax et complotistes, désormais reconvertis en «pro-Poutine»

2Les bons offices de la Suisse peuvent aussi prendre la forme d’un mandat de puissance protectrice en cas de conflit entre deux pays. La Suisse agit alors comme un intermédiaire en représentant les intérêts diplomatiques d’un État dans un autre État avec lequel le premier est en conflit, permettant ainsi aux deux parties de maintenir des relations minimales. La Suisse assume actuellement sept mandats de ce type: pour l’Iran en Égypte et au Canada, les États-Unis en Iran, l’Iran en Arabie saoudite (et inversement), la Russie en Géorgie (et inversement). (source : www.eda.admin.ch)

3Jean (Ioannis) compte de Capodistrias, issu d’une ancienne famille de Corfou, participe au gouvernement des îles Ioniennes devenues un État vassal de la Turquie sous la protection russe. Admirateur de la Russie, il entre à son service en 1809 et gagne la confiance du tsar Alexandre Ier. Il sera ministre des affaires étrangères de la Russie de 1816 à 1822. Membre de la délégation russe au congrès de Vienne, il n'a de cesse de garantir l'unité, l'indépendance et la neutralité de la Suisse dont il a contribué à rédiger la Constitution.

4Cet article a été repris, tel quel, par un bonne douzaine de portails suisses alémaniques.

Pour les personnes intéressées par les relations difficiles entre Pologne, Ukraine et Russie, je recommande vivement le livre de : Korine AMACHER, Éric AUNOBLE et Andrii PORTNOV, éds., Histoire partagée, mémoires divisées. Ukraine, Russie, Pologne, Éditions Antipodes, Lausanne, 2021.

Lien de la soirée sur Youtube

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

6 Commentaires

@Latombe 12.04.2024 | 10h20

«Merci de ce compte-rendu édifiant.
J'en déduis que pour vivifier la démocratie en Suisse il faudra compter sur la Pologne et l'Ukraine et plus du tout sur les conservateurs de droite nationaliste CH-alémaniques. Sont-ils à nouveau séduits par les discours autoritaires comme dans les années 30?
Pour continuer à penser les velléités de l'Ukraine à être une nation indépendante je vous recommande l'ouvrage "Aux portes de l'Europe, Histoire de l'Ukraine" de SerII Plokhy 2022.»


@Elissa 14.04.2024 | 09h00

«Un article de pure opinion, plein de cris du cœur et de jugements personnels émotifs. Où sont le journalisme et la réflexion qui va de pair avec (les rancoeurs de Poutine, son rictus... on est dans les feux de l'amour) ?»


@Benjamine 15.04.2024 | 11h41

«J'ai besoin de la part de l'auteure de cet article d'une explication de texte basique sur une expression qu'elle utilise au début : c'est quoi "la balkanisation des opinions" ? je ne comprends rien à ce terme de "balkanisation" dans cette formulation. Que veut-elle dire ici ? Les opinions qui, par définition sont toujours plurielles, sont bien... éclatées ? diverses ? En quoi ce terme de "balkanisation" sans doute à connotation négative donne un sens à sa pensée ? Bref : svp Madame une explication de texte toute simple pour comprendre. Merci d'avance et meilleures salutations.»


@Marta Z. 15.04.2024 | 19h53

«Réponse de l'auteur à Elissa: n'étant pas journaliste, j'émets en effet mon opinion personnelle! »


@Marta Z. 16.04.2024 | 11h53

«Réponse de l'auteur à Benjamine: Je vous remercie pour votre demande d'explication, c'est une très bonne occasion d'approfondir le sujet.
Par balkanisation des opinions, j'ai essayé d'exprimer une perception que j'ai de fragmentation de l'opinion publique en diverses tribus vivant dans des silos mentaux ou dans des bulles entre lesquelles il y a peu de communication et même une résistance à vouloir simplement écouter, et moins encore comprendre l'opinion de l'autre. On jette l'anathème sur celui qui pense autrement, dans des attitudes qui rappellent l'inquisition ou les conflits religieux. Les germanophones sont peut-être encore plus extrêmes que les Romands, eux qui ont inventé le concept de "Putinversteher", comme si c'était mal d'essayer de comprendre (sans nécessairement approuver) Poutine ou les Russes.
J'espère que ceci répond à votre question.»


@Benjamine 17.04.2024 | 09h51

«Je vous remercie vivement pour cette excellente explication qui me permet d'apprécier la finesse de votre pensée toute en nuances. En effet, je suis très sensible comme vous à la langue (ayant rédigé une thèse en allemand sur Walter Benjamin) et vous suis complètement dans cette tentative de rester sur le terrain des opinions en évitant l'écueil du concept de "vérité". Merci encore à vous et belle journée !»