Culture / Vœux pieux
En ces temps de fortes tensions raciales, il nous semble plus salutaire que jamais d’essayer de nous défaire des idées toutes faites, des stéréotypes qu’on nous a inculqués, d’apprendre à connaître l’autre, à ne pas l’essentialiser et à aimer la différence pour ce qu’elle est. Pour ce faire, nous avons lu «Amour: révolutionner l’amour grâce à la sagesse arabe et/ou musulmane» de Jamal Ouazzani.
Jamal Ouazzani est un militant antiraciste franco-marocain, vent debout contre les oppressions. Il convoque littérature, poésie, philosophie et sociologie, tant occidentales qu’arabes, en les corrélant à des passages du Coran et il nous apprend qu’être féministe, musulman et arabe, sur les réseaux sociaux, n’est pas une promenade de santé.
Son credo: «L’islam est une religion clairvoyante qui enseigne que la sexualité ne doit pas être dénuée de spiritualité.»
Après l’avoir lu, il nous semble que pour ce qui est de trouver des aspects positifs et de la tolérance dans les pays musulmans, c’est galère, on rame, par contre, côté discriminations et aspects négatifs, on est en haut de la vague et on surfe.
En France
On laisse parler 24 heures sur 24 des polémiste sur CNews qui lient immigration, islamisation, chômage et punaises de lit pendant que les musulmans ouverts au dialogue se voient fermer toutes les portes, écrit l’auteur.
Entre le 11 et le 16 octobre 2019, sur les principales chaînes d’information en continu, il y a eu 85 débats centrés sur le port du voile, faisant participer 286 personnes dont zéro femme portant un foulard.
81% des actes islamophobes visent des femmes.
Le voile, certaines ne veulent pas le porter, pour d’autres, c’est un symbole de libération et lui, Jamal Ouazzani, se sent tout autant solidaire avec les hijabeuses, les footballeuses qui veulent le porter, qu’avec les Iraniennes qui le brûlent.
Il pense que l’Occident est malade de son scientisme et de son cartésianisme, de sa séparation de l’esprit et du corps; mais cite néanmoins Bourdieu, Barthes, Lacan, Freud, Judith Butler, et surtout l’activiste américaine bell hooks et défend une lecture littérale du Coran contre les exégèses. D’après lui, toutes les pratiques répressives découleraient de mauvaises interprétations qui en sont faites.
L'islam et les femmes
Dans l’Arabie préislamique, les femmes sont victimes d’infanticides ou enterrées vivantes et c’est l’avènement de l’islam qui élève leur statut en leur donnant accès à la parole publique, à l’héritage, à des droits fondamentaux dans le cadre du mariage, à une dot obligatoire, à pouvoir choisir leur conjoint et même s’en séparer. Le Prophète, nous dit-il, était à la fois doux, sensuel et viril. Pour notre auteur donc, la conception archaïque de la masculinité qui domine dans les pays musulmans est antéislamique. Dans les codes civil et pénal des pays arabo-musulmans, les allusions à la charia, à la loi islamique réduisent la femme au statut d’une créature docile et soumise.
La circoncision n’est pas mentionnée dans le Coran et l’égorgement des moutons est une vaste mascarade, ajoute-t-il.
Femme et sexualité
La femme arabe dans le flux Internet, est nue avec juste un foulard sur la tête et sulfureuse, indomptable, charnue, elle a les seins ballants et la vulve épilée. La violence réside dans l’essentialisation, dans des stéréotypes tels la beurette ou le garçon arabe. Beurette étant d’ailleurs l’un des mots très en haut du classement sur les sites pornographiques.
Chez les musulmans, pour la femme, engendrer est un devoir social, sa fonction la plus importante. Dès qu’elle est enceinte, on croise les doigts et on lève les mains vers le ciel pour espérer que ce soit un garçon.
Ces dernières décennies, l’islamisation croissante des nations arabes s’est corrélée à l’occultation des corps féminins dans l’espace public. En Egypte, une passante se fait accoster par un ya helwa, douce friandise, suivi, si elle ne répond pas positivement à ses avances, par ya labwa, salope.
Pour une majorité d’islamistes, une femme doit subir le sexe au même titre que toutes les autres corvées domestiques. L’avortement est interdit dans tous les pays du monde arabe à l’exception des Bahreïn, Kosovo, Bosnie-Herzégovine, Albanie, Turquie et Tunisie.
Dans la péninsule arabique, la mère perd jusqu’à son prénom. On l’appelle Oum + prénom du fils, la mère de… et d’être le centre de l’univers prépare le fils à être peu respectueux des femmes.
Les patriarches
Les patriarches musulmans lisent le Coran comme ça les arrange: contrat de mariage pour une nuit, droit d’épouser une mineure, plusieurs femmes, obligation de procréer pouvant aller jusqu’au viol...
Qui peut accepter, sous prétexte de relativisme culturel, l’excision des fillettes et la négrophobie arabe qui a pris racine dans l’esclavagisme, alors que le Coran encourage la libération des esclaves et le respect des femmes?
Si l’homosexualité est délictueuse, pourquoi le Coran annonce-il que les dévots au paradis jouiront de la présence de jeunes hommes à la beauté sans égale, et pourquoi la littérature arabe abonde-t-elle en récits et poèmes louant les relations sexuelles entre hommes?
Onze pays musulmans sanctionnent par la peine de mort les relations entre hommes et, en Iran, des milliers d’entre eux ont été pendus à des grues de chantier.
Au Maroc
Au Maroc, la virginité est demandée jusqu’au mariage alors que l’âge moyen de celui-ci est entre 28 et 30 ans. Donc tout un chacun coïte dès 16-17 ans et s’en cache. C’est hchouma (la honte) et on risque la hogra (l’exclusion). Le garçon qui ne doit jamais avoir peur, ne jamais pleurer, être romantique ou mielleux, vit en général sa première expérience sexuelle avec une prostituée. Ensuite, pour se marier, il doit prouver sa capacité financière. S’il croise les jambes, traîne avec les filles, rit de façon aiguë, porte des habits colorés et n’est pas agressif, on le traitera de bnita (fillette), de 3niba (petit raisin), de loubya (petit haricot) et d’attaï (qui se donne). Et de la jeune femme qui a perdu sa virginité, qualifiée de perforée, pourrie et puante, on dit 17em moujoud, y a de la viande à profusion, ou Iguezzar mechdou, la boucherie est fermée. Un iman tangérois, en 2012, a émis une fatwa autorisant les femmes à se masturber avec des objets pour éviter les relations extra maritales. Une pratique peut être haram (interdite), makruh (déconseillée) ou halal (autorisée).
Le pénétrant, contrairement au pénétré, n’est pas considéré comme homosexuel et la tactilité qui règne entre les garçons n’est pas non plus vue comme étant de nature sexuelle.
En 2018, 15'000 personnes ont été poursuivies pour avoir eu des relations sexuelles en dehors des liens du mariage et certaines incarcérées parce qu’elles ont été surprises en train de s’embrasser en public ou parce qu’elles semblaient trop efféminées. On compte 600 à 800 avortements clandestins par jour et 15 bébés abandonnés.
Ceci dit, halte aux généralités, l’expression de l’amour dispose au Maroc, comme partout, de la musique, de la cuisine, de l’humour, des parfums, de regards, de caresses sur le visage, de bien d’autres voies que l’expression verbale. Les cheikhat couvertes de bijoux et tatouées de la tête aux pieds le chantent, en fumant et en buvant en public, méprisées des uns, adulées des autres, et pour tous, incarnant la liberté.
Pour relativiser: rapide coup d'œil sur les cathos
Une épître du Nouveau Testament dit: Je veux que vous sachiez que Christ est le chef de tout homme, que l’homme est le chef de la femme, et que Dieu est le chef du Christ.
Au XIIIème siècle, l’un des commandement de Thomas d’Aquin est: «Le père doit être aimé plus que la mère, parce qu’il est le principe géniteur actif, tandis que la mère est passive.»
Dans l’épitre aux Corinthiens, Paul dit: «Tout homme qui prie ou qui prophétise, la tête couverte, déshonore son chef.»
Toute femme, au contraire, qui prie ou qui prophétise, la tête non voilée, déshonore son chef: c'est comme si elle était rasée. Car si une femme n'est pas voilée, qu'elle se coupe aussi les cheveux. Or, s'il est honteux pour une femme d'avoir les cheveux coupés ou d'être rasée, qu'elle se voile.
L'homme ne doit pas se couvrir la tête, puisqu'il est l'image et la gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l'homme.
D’où, les catholiques qui attaquent le foulard font bien rire Jamel Ouazzani tout autant que les musulmans qui s’interdisent de se maquiller alors que le Prophète se mettait du henné dans les cheveux, du khôl autour des yeux et se parfumait.
L’Eglise catholique de France qui rejette la sexualité hors mariage, la contraception et l’homosexualité, affiche 330'000 victimes mineures de violences sexuelles commises par des hommes d’église depuis 1950.
Et c’est aussi curieux; plein de papes, entre le XIème et le XXIème siècles ont eu des rapports homosexuels, dit Jamal Ouazzani.
LGBT et transidentité
Il est partisan de l’intersectionnalité qui prend simultanément en compte race, sexe, âge, religion, orientation sexuelle, classe sociale ou capacités physiques.
LGBTQIA+ c'est-à-dire 10% de la population mondiale d’après lui.
C’est paradoxal: l’allatoyah Khomeini a rendu légale la transidentité en Iran en 1987! En Inde, au Pakistan, en Afghanistan, en Malaisie et en Indonésie, les personnes transgenres sont reconnues et acceptées alors qu’en Turquie 1'933 personnes trans ont été assassinées entre 2008 et 2015.
L'orientalisme
Ingres et Nerval, même combat. De Christophe Colomb à Montaigne et Gobineau: rien que des des bons sauvages.
Les personnes blanches nourrissent leur imaginaire sexuel de tropes et de poncifs racistes, d’exotisation des corps: l’Antillais danse, le Noir est herculéen, l’Asiatique, épicé et l’homme arabe est poilu, endurant, puissant mais pas trop pour pouvoir être dompté.
Et l'amour dans tout ça?
L’auteur ne tente-t-il pas de nous donner quelque chose qu’il n’a pas, l’amour donc, et dont nous ne voulons pas?
Il Y a un côté développement personnel, du genre sauver la religion tout en ayant la sexualité de SON choix, et tel un Bisounours dansant sous un arc-en-ciel fluo, il va même jusqu’à se référer à l’apologiste des petites vertus, Comte-Sponville.
Bref, en guise de conclusion, il propose d’aller danser sur la scène voguing, style de danse urbaine consistant à faire, en marchant, avec les bras et les mains des mouvements inspirés des poses de mannequins, défilés dans lesquels chaque personne est célébrée pour ses talents et son inventivité. Etre en vie, ce n’est pas juste exister. Oui! C’est défiler sur le danceflor! Vivre intensément! Créer nos tribus, nos familles, nos communautés! Yallah!
VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
1 Commentaire
@Gio 08.11.2024 | 08h10
«J'ai lu avec intérêt votre article qui encourage à lire Amour, bien que votre introduction me poussait plutôt à "zapper ". Vous écrivez "...essayer de nous défaire des idées toutes faites, des stéréotypes qu’on nous a inculqués, d’apprendre à connaître l’autre, à ne pas l’essentialiser et à aimer la différence pour ce qu’elle est." C'est ici que ça coince car nous étions tous prêts à "aimer" l'autre, mais lorsque cet autre veut imposer sa différence, ce qu'il fait déjà dans plusieurs quartiers parisiens, pour ne citer que ceux-là, on se demande où nous sommes passés, nous les hôtes. »