Culture / Tout nu chez les anthropophages
«Antipodes», Eric Lambé et David B., Editions Casterman, 72 pages.
On pense bien sûr à Descola et aux Achuars, les Indiens d’Amazonie chez qui il vécut trois ans. L’anthropologue dit de ses hôtes qu’ils partagent une intériorité avec les animaux: vous, je ne sais pas, mais moi, ça me fait rêver. Mais je m’égare. Dans Antipodes, il ne s’agit pas d’un anthropologue contemporain mais d’un jeune Français du XVIème siècle, Nicolas, vivant dans une tribu brésilienne. Il a été chargé par le gouverneur Villegagnon, un brutal colonisateur, d’apprendre la langue des Tupinambas afin de pouvoir servir d’intermédiaire. Nicolas s’est bien intégré, il vit nu, a une épouse nommée Pépin, et il a même pratiqué l’anthropophagie et mangé un prisonnier portugais. En fait, il aurait dû lui aussi être mangé lorsque les Indiens l’ont fait prisonnier, sauf qu’il chante très bien et que ce don lui a sauvé la mise. Les Tupinambas vivent non seulement différemment des conquistadors européens, ils ne vivent pas tout à fait dans le même monde. Ils n’ont par exemple pas vraiment le même rapport avec leurs démons que les chrétiens avec les leurs. Et puis un jour, les Tupinambas décident de partir pour la Terre sans Mal, un paradis où le malheur n’existe pas. C’est une quête, donc. On n’a pas envie de se moquer d’eux, car nous aussi nous cherchons un paradis. Pas tout à fait le même. Le nôtre s’appelle consommation et croissance économique. Je ne me permettrais pas de comparer, juste de constater que la jungle amazonienne est plus propice à l’aventure que les allées des supermarchés, et que je me sens plus d’intériorité commune avec les fougères et les champignons qu’avec les barils de lessive et les robots ménagers.
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