Culture / Posséder le territoire ou être possédé par lui?
«Avec les chasseurs-cueilleurs», Philippe Descola, Editions Bayard, 104 pages.
En gros, notre espèce, Homo sapiens, a vécu beaucoup plus longtemps – environ 290'000 ans – à la mode des chasseurs-cueilleurs qu’à celle des agriculteurs-éleveurs – environ 10'000 ans –, sans parler du système capitaliste qui n’a que près de 400 ans (les avis divergent). C’est évidement plus complexe que ça, moins linéaire, moins chronologique, d’où l’intérêt de ce petit ouvrage qui donne à lire une conférence de l’anthropologue Philippe Descola. Il existe encore aujourd’hui quelques sociétés de chasseurs-cueilleurs, notamment en Amazonie ou en Afrique. Il s’agit, pour certaines de ces sociétés, de «chasseurs-cueilleurs régressifs» étant retournés à ce mode de vie pour fuir, par exemple, l’esclavage. Nomadisme sur terre et sur mer, hiérarchie, apprivoisement des animaux, horticulture (qui n’est pas de l’agriculture)... Descola déjoue les a priori, négatifs comme positifs, qui concernent les chasseurs-cueilleur, nous emmène au-delà des fantasmes les concernant. Il est aussi bien sûr question des territoires, un sujet qui est encore aujourd’hui d’une grande importance (quelle terre appartient à qui?). «Pour certaines populations non-modernes, la propriété n’est pas celle des humains sur un territoire mais le fait que les humains sont possédés par un territoire», explique Descola, et on pense immédiatement au concept deleuzien de «déterritorialisation». Lors des questions qui suivent la conférence, Philippe Descola parle de l’écologie, et là encore il aide à dépasser les préjugés et les fantasme: «Nous ne sommes pas une espèce qui domine les autres puisque nous sommes nous-mêmes composés de milliards de bactéries. L’idée d’un sujet qui impose aux autres espèces d’être subordonnées à lui par son savoir, sa technique et sa conscience supérieure de lui-même est absurde, parce qu’au fond nous sommes le jouet de milliards de non-humains qui composent notre corps.»
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