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Culture / Sa mère si belle dans la cerisaie

Anna Lietti

22 octobre 2018

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Après le formidable «Molière-Montfaucon 1-1», Lionel Frésard repart dans un nouveau seul en scène à teneur autobiographique. Hommage à sa mère, hommage à Tchekhov et à l’universalité des grands auteurs. Le spectacle a entamé une tournée romande. A voir!



«Si j’y passe avant, tu vas devoir changer toute ta pièce». C’est la maman de Lionel Frésard qui parle à son fils. Ce qu’elle veut dire, la Gabi, avec son accent fleuri, c’est que c’est sympa de la part de son fiston de la mettre dans son nouveau spectacle, là, comme elle est, vaillamment agrippée à son rollator dans son EMS jurassien; mais que si elle meurt avant la première, l’histoire qu’il raconte ne sera plus la même…

On rit au gag en gigogne, on est ému. C’est le nouveau seul en scène de Lionel Frésard; qu’il joue tous les rôles n’est donc pas étonnant. Mais l’acuité mêlée de tendresse avec laquelle l’homme des Franches Montagnes se glisse dans la peau de sa vieille maman est assez bouleversante. On pense à la performance de Guillaume Galienne dans Guillaume et les garçons, à table! Mais dans un décor nettement moins glamour: la réussite n’en est que plus saisissante. 

Après le formidable Molière-Montfaucon 1-1, prix SSA de l’Humour SSA 2017, où il raconte son histoire d’enfant des montagnes parti «faire artiste» à la ville, Lionel Frésard a donc pris le risque d’un deuxième spectacle solo d’inspiration autobiographique. Il a bien fait. 

Dans On avait dit 90 (comprenez: «La Gabi, rappelle-toi, tu as promis de nous faire chier jusqu’à 90 ans»), il n’y a pas que l’hommage à la mère. Il y aussi l’hommage à Tchekhov et à l’universalité des grands auteurs comme lui.

On avait dit 90 raconte comment Lionel Frésard, devenu acteur à la ville, rentre au bled (Montfaucon, Jura profond) pour y monter La Cerisaie du célèbre auteur russe. Comment il commence par se heurter aux attentes autochtones – «Tu nous fais quelque chose qui fait rire, pas un truc qu’on comprend rien, hein!». Mais comment, finalement, Tchekhov parle à tout le monde (ou presque). Parce que la cerisaie mise en vente et reconvertie par les spéculateurs en terrain pour résidences secondaires, c’est une histoire qui rappelle des choses aux Jurassiens, aux Valaisans, au monde entier entre hier et aujourd’hui. Métaphore du deuil nécessaire pour que la vie continue, concentré du parfum entêtant de Dame nostalgie.

Thierry Romanens est, comme pour Molière-Montfaucon 1-1 à nouveau aux manettes d’une mise en scène subtile. Le spectacle entame sa tournée en Suisse romande. 

Ah, j'oubliais. On y rit beaucoup. Aussi. 


On avait dit 90… de et avec Lionel Frésard. Du 25 au 28 octobre Neuchâtel, Théâtre du Passage. 15 novembre: Martigny, Théâtre de l'Alambic . Du 7 au 10 février 2019: CCRD Delémont. 1er mars 2019: CPO Lausanne.

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

1 Commentaire

@Doc of The Bay 15.10.2018 | 00h26

«Excellent spectacle où on ne pleure pas de rire dieu merci mais on rit de tendresse, c’est si rare par les temps qui courent. »


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