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Culture / Respirer une fois sur deux avec Alain Huck


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C’est une des plus belles expositions en Suisse cet été, à voir jusqu’au 9 septembre au Musée cantonal des Beaux-Arts (MCBA) de Lausanne. Alain Huck propose une promenade dimensionnelle à travers les mots et la pensée. Miroir d’un état du monde terrifiant, son œuvre est néanmoins traversée de tendresse, histoire de nous rappeler que l’art peut être d’une radicale efficacité pour provoquer la réflexion et l’engagement.



Le parcours sur trente ans d’un des artistes suisses les plus inventifs et protéiformes de sa génération est à découvrir au Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne, dans l’exposition Respirer un fois sur deux. Derrière ce titre énigmatique, l’enfant de Vevey Alain Huck convoque l’universel et nous invite à écouter la respiration du monde.

Il annonce d’emblée: «Le matin je retiens mon souffle pour être prêt à accueillir la dernière information d’un prochain désastre». Il ne se laisse pourtant pas démonter par les tourments de l’actualité qui, au contraire, deviennent l’impulsion de son art. «Je suis traversé par une certaine colère, une révolte. Ce quotidien me provoque une dose d’énergie, puis je pose les choses très calmement», explique-t-il.

«Je revendique une biodiversité de l’art»

Montée au MCBA sous le fin regard de la commissaire Nicole Schweizer, l’installation révèle la multiplicité des expériences plastiques de l’artiste. «Je m’autorise tout. C’est ma liberté d’artiste. Je revendique une biodiversité de l’art, comme dans la vie », sourit-il.

Dans les deux salles du premier étage du musée – un espace somme toute assez restreint –  les trois grands thèmes de la Nature, de l’Histoire et du Contrat social dialoguent dans une mise-en-scène aérée.

L’exposition de Lausanne propose des œuvres de périodes et de natures très différentes, dont les fusains monumentaux qui ont fait la notoriété de l’artiste, des bâches solaires en enfilade qui deviennent des injonctions: «Vite soyons heureux il le faut je le veux», des toiles de jute émaillées de constats poétiques et drôles, des dessins délicats. Le texte avec son rapport à l’image demeure la toile de fond. «Le fil, c’est la parole, le mot, le texte», indique l’artiste.

Qui d’autre que Huck aurait eu l’idée de présenter en filigrane et à l’envers dans ses larges fusains Le cœur des ténèbres, le voyage au Congo de Joseph Conrad; ou d’assujettir dix-huit pages du journal anglais Financial Times à une perfusion d’aquarelles qui ne laisse apparaitre que des mots et chiffres piqués dans l’actualité de mars 2024?


© Etienne Malapert

Voir en personne

Sans surprise, l’œuvre est trop subtile et poétique pour être photogénique; il faut donc la découvrir en personne. A l’heure d’une flamboyance dans l’art, à la façon d’un Jeff Koons ou Damian Hearst, il est, ô combien, rafraichissant de se retrouver face à un art qui ne cherche pas à se faire une place sur internet.

La démarche d’Alain Huck a quelque chose d’innocent, car elle est dénuée de prétention. C’est ce qui rend son travail attachant.


M/2

Avec ses comparses Robert Ireland, Jean Crotti, Jean-Luc Manz, Christian Messerli et Catherine Monney, Alain Huck animait dans les années nonante des expositions et événements en marge des galeries dans un appartement de 80m2 à Vevey, le M/2.  Le ton était donné et chaque membre de ce que j’appellerais un brat pack a la vaudoise a trouvé sa place au soleil sans faire de l’ombre à l’autre.


Le légendaire collectif M/2 (Christian Messerli, Jean Crotti, Robert Ireland, Catherine Monney, Jean-Luc Manz, et Alain Huck), a été actif de 1987 à 1991. Courtesy M/2.

 


Pratique

Alain Huck. Respirer une fois sur deuxau Musée cantonal des beaux-arts, 16, place de la Gare, Lausanne jusqu’au 7 septembre. Tél. 021 318 44 00. Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h, le jeudi jusqu’à 20h.

Visites commentées: chaque dimanche à 11h, jeudi 14 août à 18h30.

Visite par la commissaire de l’exposition Nicole Schweizer: dimanche 7 septembre à 15h.

 

atelier et galerie Raynald Metraux

En marge de l’expo au MCBA et jusqu’au 30 août 2025 (sur rendez-vous), le maître graveur Raynald Metraux présente le fruit de sa collaboration avec Alain Huck, «estampes et multiples 1990 – 2023».

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