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Culture

Culture / Le spectacle dans lequel nous surnageons


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«Bristol», Jean Echenoz, Editions de Minuit, 208 pages.



«Le vrai mystère de ce bouquin, c'est qu'il tient debout et qu'il est passionnant et drôle. On ne sait pas pourquoi», écrivait amicalement Jean-Patrick Manchette à Jean Echenoz en 1983 à propos de son roman Cherokee. Peut-être Manchette écrirait-il la même chose aujourd’hui qu’Echenoz publie Bristol. «Cette frénésie de descriptions "objectales", (…) cette écriture outrageusement précieuse et qui rit d'elle-même et de la misère de sa propre préciosité – tout ce bordel devrait être, au bout du compte, une autodestruction et un "ratage", un sommet de l'effondrement. Or non. Ça tient. D’une manière antiphysique (…). Tu me mets dans la perplexité, mais dans la perplexité enthousiaste.» Oui, les livres de Jean Echenoz sont enthousiasmants et Bristol ne fait pas exception. Au début du livre, le réalisateur de cinéma Robert Bristol sort de chez lui alors que le corps d’un homme nu tombe du cinquième étage et s’écrase devant l’immeuble. La police cherche à identifier la victime. Bristol part filmer l’adaptation d’un livre en Afrique. Le tournage est compliqué, l’enquête de la police piétine, le film n’est pas un succès, Bristol déprime, le commandant africain d’une milice vient squatter l’appartement du cinéaste, une voisine cumule les amants. Jean Echenoz crée des situations dans lesquelles ses personnages peinent à s’incarner, exposant ainsi le spectacle dans lequel nous surnageons. Il le fait avec intelligence et humour, Bristol est un roman aussi bon dans le fond que dans la forme. «On y est et l’air est si brûlant qu’il n’est plus vraiment de l’air: c’est une matière solide aussi compacte qu’un pudding, quoique différemment incomestible mais qu’on aura tout autant de mal à déglutir.»       

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