Culture / Le dernier des Staliniens
«Enver Hoxha: Albanie, les années rouges (1944-1991)», Bertrand Le Gendre, Editions Flammarion, 240 pages.
Enver Hoxha, qui a dirigé l’Albanie de 1944 à sa mort en 1985 occupe une place à part dans la litanie des dictateurs rouges qui ont cadenassé et ensanglanté l’Europe de la guerre froide. L’Albanie, déguisée en Syldavie par Hergé le père de Tintin dans ses albums, fut bel et bien un continent à part à elle toute seule. Voilà ce que Bertrand Le Genre, ancien rédacteur en chef du Monde et essayiste, montre dans cette biographie. Tout y est secret, paranoïa, délire de persécution, folie des grandeurs, et silence. Né dans une famille moyenne du sud de l’Albanie (la même ville natale que le grand Ismaïl Kadaré), le «camarade Enver» apprend le français, étudie à Montpellier, s’empare des thèses marxistes et combat le fascisme pendant la guerre. Cursus classique, sans compter sa personnalité hors normes (on en apprendra encore plus par ici). Atteint d’un complexe obsidional, Hoxha couvre son pays de plus de 750’000 bunkers en forme de champignons, et bunkérise bien sûr sa population. Persuadé que le monde entier veut la perte de l’Albanie communiste, qui n’intéresse personne, il multipliera les alliances et les ruptures fracassantes, avec Tito, puis l’URSS de Krouchtchev, et Mao. Des ruptures non sans conséquences sur la fragile économie de son pays. Lui qui refusa toute sa vie de reconnaître et plus encore de dénoncer les crimes du stalinisme est à l’origine de plus de 20’000 emprisonnements politiques, 23’000 déportations, 7’400 exécutions. Les traitres à ses yeux ne manquaient pas. Après 1991, l’Albanie eut toutes les peines du monde à sortir de son autarcie, elle fut laminée par les premières vagues du capitalisme sauvage. Un drame à tiroirs que n’avaient sans doute pas imaginé les très nombreux Français, maoïstes et communistes, venus avec enthousiasme visiter ce paradis sur terre et son chef bien-aimé...
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