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Culture / La chevauchée de Maryssa Rachel sur son polar


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Vous êtes un peu lassés de côtoyer des gens raplapla, le visage monotone, le propos attendu? Alors faites une cure en lisant l’écrivaine et photographe Maryssa Rachel. Son dernier livre se dit polar mais va bien au-delà de la trame, de la traque des criminels.



Un bouquin apparemment sans grandes prétentions littéraires, à 9,90 euros. Et pourtant. Gabriela, 24 ans en 2024, a passé des années en prison à San Pedro Sula au Honduras. Pas tombée de la dernière pluie, elle débarque en France et se retrouve dans un triste bouiboui, le Billy Burger, tenu par un gros lourd. Qu’elle trouvera un jour dans son sang, criblé de balles. Elle pose de meilleures questions que la police. Et c’est la plongée dans un microcosme de violences, de trafics, d’humiliations. L’affreux patron sautait sur un coin de table les filles un peu paumées qu’il engageait comme serveuses. Sa femme, à côté, savait tout et y trouvait probablement un plaisir pervers. On n’en finit pas d’en découvrir, des tiroirs puants. Ce qui nous retient, c’est l’énergie de la jeune femme, de ses amies. Comme dit la citation de Colette en exergue: «J’aime le courage féminin, son ingéniosité à organiser une vie blessée.» Et c’est aussi le style de sa plume.

Maryssa Rachel a publié plusieurs ouvrages, dont Outrage sur une femme addicte à l’alcool et au sexe, ou J’ai tangué sur ma vie, et A l’encre de l’esprit du côté des expériences paranormales. Des voyages dans les profondeurs racontés dans une belle écriture. Mais là, dans ce dernier opus, la tempêtueuse Maryssa empoigne les mots différemment, dans la langue des rues, directe, sans jamais s’appesantir, avec des rebonds haletants dans la forme et dans le récit. Osons le dire: il y a dans cette façon de raconter un souffle qui rappelle le grand Céline!

Il faut mentionner que la série en question, «La Fille du Poulpe», a été lancée par l’éditeur-écrivain dit libertaire Jean-Bernard Pouy, qui propose à des auteur-e-s un point de départ à leurs récits. Gabriela, c’est lui qui l’a faite sortir de la prison centre-américaine… Mais Maryssa Rachel vole très bien de ses propres ailes.

Dans son village quasi genevois, à deux pas de la frontière suisse, l’écrivaine anime avec des amies un atelier où enfants et ados découvrent le plaisir de la lecture. Ils ont de la chance. Et aussi celles et ceux de tous âges qui recourent à un autre de ses talents: la photographie de portrait. La flamboyante Maryssa et sa compagne qui maîtrise si bien la lumière ont l’art de faire surgir les expressions d’ordinaire retenues, les attitudes oubliées.

Suivre les errances livresques de cette femme, mieux encore poser devant son objectif, cela requinque. L’électrochoc des talents réunis.


«Faut pas prendre les enfants de la rue pour des connards sauvages, La Fille du Poulpe - tome 2», Maryssa Rachel, Editions Moby Dick, 132 pages.

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