Média indocile – nouvelle formule

Culture

Culture / D’une sanguinaire banalité


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«Mollesse», Franck Mignot, Editions P.OL., 144 pages.



Le narrateur est un homme mou. Dans tous les sens imaginables du terme. Dans une ville de province où les Parisiens se réfugient pendant les confinements successifs, il emmène ses trois enfants à la plage, sympathise avec les parents d’élèves, avec les nouveaux voisins, surveille l’heure du couvre-feu, ne couche plus avec sa femme et mange du Tarama sur du pain vieux de trois jours. Il n’a pas de prénom mais tous les autres personnages en ont de très banals: Amandine, Julie, Antoine, Pierre... Rien qui dépasse, rien d’excitant non plus. Dans son jardin, une chienne et des balançoires. Il est un absent à lui-même et au monde, un peu comme l’étranger de Camus. Et c’est un peu sur le même mode, aussi, qu’il va basculer, commettre une erreur, puis une autre, et encore deux autres, tout en restant lui-même assez lâche et plutôt poli. Ce n’est pas par démonstration de virilité désordonnée qu’il gâche sa petite vie tranquille et molle. Ce n’est pas non plus de son plein gré. Il y est entraîné, comme il aurait pu l’être dans l’autre sens, et son geste meurtrier est aussi mou que les autres, aussi peu assumé, aussi insaisissable. Donc terrifiant et légèrement agaçant. L’exemple parfait de «c’est arrivé, et puis quoi maintenant?», ou bien un conte moderne sur ce que la vie de famille fait aux hommes de mauvaise volonté.

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