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Culture / Contreculture zurichoise, modèle vintage

Luc Debraine

1 juillet 2017

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Les Rencontres d’Arles consacreront sous peu une rétrospective au photographe Karlheinz Weinberg, admirateur transi des mauvais garçons alémaniques des années 1960. Du vintage clouté et gominé, made in Züri.



Ses photos devraient en surprendre plus d’un lors des prochaines Rencontres d’Arles, tant elles restent peu connues en dehors de Suisse. Comment, des rebelles aussi extravagants dans ce pays propre en ordre? Il y a soixante ans en plus? 

Rien de mieux que des clichés pour combattre d’autres clichés. Karlheinz Weinberger (1921-2006) était un employé de Siemens à Oerliken. Pour lui, la vraie vie commençait le vendredi soir. Armé de son Rolleiflex, attiré par ces garçons mauvais genre, il approchait les Halbestarke (à moitie costauds), une bande zurichoise de la fin des années 1950 – début 1960 qui vouaient un culte à Elvis Presley et James Dean.

Il photographiait leurs bluejeans, vêtements alors peu répandus en Suisse. Des denims rivetés, vissés, agrémentés de boucles ou ornements improvisés, vestes de cuir et santiags à l’avenant. Karlheinz Weinberger invitait aussi les voyous customisés dans son appartement de la Elisabethenstrasse, qu’il partageait avec sa maman. A l’abri de police, de la famille ou de la bonne société zurichoise, les Halbestarke buvaient, écoutaient de la musique, se laissaient aller devant l’appareil moyen format de Weinberger. Celui qui mentionnait «Photographe de l’insolite» sur sa carte de visite en a tiré une étude à la fois camp, ritualisée, ethnologique et esthétique d’une frange cloutée de la contreculture suisse de ces années-là.

Il se rendait également dans le sud de l’Europe pour tirer le portrait de jolis cœurs à mèche gominée, chemise grande ouverte. Le Zurichois collaborait aussi en douce au magazine homosexuel international «Le Cercle». Plus tard, le mouvement Halbestarke dégonflé, il s’est intéressé aux bikers et aux Hells Angels alémaniques, devenant leur chroniqueur-admirateur attitré.

Désormais gérées par la galeriste Esther Woerdehoff, les photos de Karlheinz Weinberger ont déjà été montrées en Suisse, notamment au Musée de l’Elysée de Lausanne (exposition Contreculture/CH en 2011). La rétrospective des Rencontres d’Arles pourraient leur donner un éclat noir supplémentaire. Elles seront aussi montrées au festival photo de Mérignac (Gironde) en octobre avant le Kornhaus de Berne en juillet 2018. Un catalogue, Swiss Rebels, paraît bientôt aux éditions Steidl

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