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Culture

Culture / Signé Chessex: Coca Che, deux icônes égratignées

Stéphane Venanzi

7 septembre 2017

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La librairie La chambre noire de Lausanne expose une rétrospective du photographe Luc Chessex, qui a notamment promené son malicieux objectif à Cuba dès le début de la révolution castriste. Vernissage ce soir.




En 1961, Luc Chessex, fraîchement diplômé de l'Ecole de Photographie de Vevey, décide de partir pour Cuba, dans l'idée de documenter les débuts de la révolution castriste. Arrivé sur place, tout bascule. Il devient rapidement partie prenante de ce grand bouleversement culturel et social et finit par rester près de quatorze ans sur l'île. Une expérience qui changea non seulement sa vie mais aussi sa manière de concevoir le métier qu'il avait appris et pratiqué jusque-là avec un enthousiasme tout relatif.

A la fois ironique et empathique

Au contact d’amis et de collègues présents à Cuba, Luc Chessex va découvrir qu'il peut réellement s'exprimer par la photo. Ainsi, durant tout son séjour latino-américain, il n'hésite pas à se lancer dans ses propres recherches, tout en gagnant sa croûte en travaillant pour l'agence Prensa Latina. Au fur et à mesure des prises de vue et du tirage de planches contact, il va affiner ce regard doucement ironique, mais toujours empathique, qui est aujourd'hui sa marque de fabrique.

Et puis, très vite, Luc Chessex se rend compte qu’un affrontement métaphorique se joue dans l'espace public sud-américain. Cet affrontement a lieu entre la marque de soda Coca-Cola, symbole de l'american way of life, et la figure du guérillero Che Guevara, porteur d'espoirs révolutionnaires.

De là, l'idée d’une série intitulée Coca Che, dont une quarantaine de clichés (le livre éponyme en compte le double) sont accrochés aux murs de l'exiguë librairie La chambre noire.

Le Che au milieu de lingerie féminine 

Mais le terme de série est imparfait, car le photographe lausannois n'a jamais cherché à systématiser son discours, à le figer. Il s'est contenté, en multipliant les types de photos (portraits, paysages, reportage ou scènes volées), d'enregistrer à quel stade l'imagerie autour des deux représentations idéologiques s'insinuait partout. Ainsi, les enseignes et publicités à la gloire de Coca-Cola ou les effigies du Che recouvrent les murs, les carrosseries des voitures ou les vitrines des magasins, jusqu'au cocasse ou à l'absurde parfois. Ainsi, cette photo de la devanture de la boutique El Cairo, le temple des amoureux, qui se plaît à afficher, sans qu'il soit possible d'y trouver une quelconque raison valable, un portrait passablement mélancolique de Che Guevara.

Ou, encore plus drôle, ce cliché d'une autre vitrine de magasin, dans laquelle trône ce même portrait du Che, mais cette fois entouré de lingerie féminine. Un comble, lorsque l'on sait à quel point Ernesto Guevara était dogmatiquement puritain.

Bref, une exposition à la fois passionnante pour ce qu'elle montre, ainsi que drôle et touchante pour la manière dont elle le montre.


Le vernissage

Ce jeudi soir à 17h30, à la Chambre noire, rue César-Roux 5, 1005 Lausanne
Ouvert du jeudi au samedi de 14h à 18h, ou sur rendez-vous au 079 915 97 9


Le livre

Luc Chessex: Coca Che, Editorial RM, 96 pages, 2016


Les tirages

Luc Chessex peut tirer sur papier baryté, en trois formats distincts, les images composant son accrochage ou son livre.


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