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Chronique

Chronique / Erotisme, socialisme, mise au point


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Contrairement à «Emmanuelle», les socialistes suisses ne seront jamais érotiques. Et cela n’a rien à voir avec la morale, pas plus que l’emploi du terme «bobo».



La lecture d’Endetté comme une mule, d’Eric Losfeld, est réjouissante. Il s’agit de son autobiographie, publiée en 1979, quelques jours avant qu’il meurt, rééditée en 1991 avec de nombreuses coupes et enfin à nouveau disponible dans son intégralité*. Losfeld a été un grand éditeur, parfois clandestin, l’auteur de romans érotiques publiés sous pseudonyme, l’ami des surréalistes, et j’en passe. Il n’avait pas sa langue dans sa poche, des détestations revigorantes, des amitiés étincelantes, n’aimait pas l’ordre établi. C’est notamment grâce à lui qu’on a pu lire Emmanuelle, d’Emmanuelle Arsan, ce beau roman – les films sont nuls malgré le vague à l’âme délicieusement pervers de Sylvia Kristel. Emmanuelle, où le sexe est gai – parfois gay – et libéré. Il faut d’ailleurs voir, si vous en avez l’occasion, Néa (1976), le film de Nelly Kaplan inspiré par une nouvelle d’Emmanuelle Arsan. L’intrigue se déroule à Genève, la bourgeoisie suisse et l’ordre moral y sont joyeusement malmenés.

                                                                                             

L’autre jour, lors de la séance de rédaction de Bon pour la tête, nous avons évoqué les socialistes suisses. Que pensent-ils de ce qui arrive à leurs camarades français, éradiqués par leur propre connerie et par Emmanuel Macron – qui est moins gai qu’Emmanuelle Arsan, pas libertaire du tout mais très libéral économiquement parlant? J’ai suggéré qu'ils avaient été macronnisés il y a déjà longtemps, bien avant la naissance d’Emmanuel – un prénom qui en hébreux signifie «Dieu est avec nous». Pour être élus et gouverner, ils ont, à mon avis, compris qu'il valait mieux rendre des services aux riches afin qu’ils lâchent quelques miettes dans l’écuelle des pauvres, puis, abracadabra, faire passer ces miettes pour un repas de fête et se vanter d’en être les pourvoyeurs. C’est assez malin. 

                                                                                             

                                       

Dans un article titré «A chacun son abrutissement», j’ai évoqué les bobos. Cela n’a pas plu à quelques personnes qui me l’ont fait savoir. En écoutant leurs arguments, je me suis rendu compte qu’il y avait un grand malentendu. Nous vivons une époque où tout est moralisé. Où tant les individus que les événements sont «biens» ou «pas bien», «bons» ou «méchants». En employant le terme «bobo», j’ai ainsi pu laisser penser qu’il s’agissait d’une stigmatisation. Ce n’était pas mon intention. «Bobo» est pour moi le nom d’un groupe social. Malgré le temps qui passe et Facebook, je continue à attacher de l’importance à la place que les individus occupent dans les rapports de production. Pour éviter toute confusion, j’éviterai désormais le terme «bobo» et préciserai «petit-bourgeois de gauche». Ça ne va pas rendre mes propos plus aimables, mais ça sera plus dialectique.

Comme la migraine.


Endetté comme une mule, Eric Losfeld, Ed. Tristram


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