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Analyse


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On a entendu tout et son contraire sur le dernier sommet des BRICS à Johannesburg. Victoire et défaite de la Chine, isolement de la Russie et succès russe, élargissement réussi mais ambitions financières mises en échec, club de carpes et de lapins et front d’opposition contre l’hégémonie occidentale, etc. Certains espéraient une rupture révolutionnaire avec l’ordre établi et d’autres le début de la fin du dollar, tandis que beaucoup, au Nord, souhaitaient un échec.



Rien de tout cela n’est advenu. Au contraire, le déroulement de cette rencontre frappe par sa modération, son sens des équilibres mondiaux et sa vision stratégique. Ce sont autant de gages de réussite pour l’avenir. Le basculement économique du monde, que nous avons souvent évoqué dans ces colonnes depuis dix ans, est désormais entré dans sa phase politique, mais sans tambours ni trompettes. Et c’est tant mieux ainsi.

Premier constat, la longue déclaration finale prend grand soin d’affirmer que le mouvement des BRICS ne s’inscrit pas contre l’Occident mais veut s’insérer dans l’ordre international existant tel que défini par la Charte des Nations Unies. Pas de tabula rasa, mais une volonté clairement exprimée de rééquilibrer la fameuse «gouvernance mondiale» en faveur du Sud global. Idem pour l’économie: le libre-échangisme et le libéralisme ne sont pas remis en cause, ni même le dollar. On veut simplement faire monter en puissance les échanges en monnaies locales dans le commerce bilatéral. C’est modeste mais réaliste, et probablement beaucoup plus efficace à terme que des grandes annonces jamais suivies d’effets.

Mais c’est sur le plan stratégique que l’avancée est la plus manifeste. Le choix des six pays retenus dans cette première phase d’élargissement montre une conscience aiguë des équilibres internationaux et de l’enjeu le plus déterminant pour l’avenir du monde, à savoir celui de l’énergie. En intégrant à la fois l’Iran, l’Arabie saoudite et les Emirats, non seulement on consolide la collaboration entre ces trois pays naguère hostiles mais on renforce l’homogénéité du continent eurasiatique en refermant la porte aux ingérences occidentales. Cela ouvre de grandes perspectives pour l’intégration économique. Et cela tout en arrimant l’Afrique et l’Amérique latine au projet avec l’admission de l’Ethiopie, de l’Egypte et de l’Argentine.

Et surtout on consolide l’accès aux sources d’énergie. Les BRICS+6, c’est non seulement un PIB en parité de pouvoir d’achat légèrement supérieur à celui du G7, mais aussi 46% de la population mondiale (contre 10%), 43% des exportations de pétroles mondiales et surtout 46% des réserves de pétrole et de gaz (3,9% pour le G7). Or la consommation d’énergie continuera à grimper dans les décennies à venir, en dépit des mesures climatiques et des énergies renouvelables, car l’énergie, sous toutes ses formes, constitue le nerf de la guerre. Pas de développement ni de civilisation sans énergie. En réunissant les plus gros producteurs de pétrole, de gaz et de charbon (sans compter l’apport à venir de l’Algérie, du Venezuela, du Nigeria, de l’Angola et de l’Indonésie, tous candidats), le club des BRICS réussit à les mettre directement en contact avec deux des plus grands consommateurs, à savoir la Chine et l’Inde, marginalisant définitivement l’Europe. 

L’Arabie saoudite, qui vient de signer un contrat payable en renminbi (yuan) avec la Chine pour construire une centrale nucléaire, ne s’y est pas trompée.  

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

3 Commentaires

@Apitoyou 01.09.2023 | 09h11

«L’énergie est ce dont parle une quantité de gens qui n’y connaissent pas grand chose dans ce domaine , sinon de savoir et de commenter les luttes politiques pour se l’approprier. L’énergie est la denrée la plus répandue dans l’univers, à profusion, illimitée et sur Terre elle est très recherchée car source essentielle à la vie. La compétition traditionnelle entre les humains pour son obtention à toujours été de la trouver dans le sol, dans la Terre grâce à ses connaissances instinctives ( j’allais dire anthropologiques) puis en chimie . Aujourd’hui on cherche à limiter au possible son exploitation sauvage à cause de ses effets nuisibles sur la santé humaine -locale ou/et mondiale-( radioactivité, pollution de l’air, pollution du climat ) . Une des solutions durables est de se tourner vers le ciel (l’espace) car la quantité d’énergie qui arrive sur Terre par le soleil est considérable. Puis viendra le moment ou sa captation rivalisera avec le maintien de l’existence de la biodiversité et de la survie des espèces, notamment humaine. Mais pour revenir avec le sujet de l’opinion de G Mettan , ce qui importe ce n’est pas l’accès aux sources que ce soit par les Brics ou l’Occident, mais de savoir comment apprendre à limiter les consommations individuelles et la démographie mondiale pour que l’humanité subsiste dans les siècles à venir. Vaste programme comme disait l’autre. Seule l’ONU pourrait peut-être commencer à tirer dans ce sens si elle n’était pas entraînée vers le bas par les intérêts des affairistes et de la corruption individuelle, non ?»


@willoft 01.09.2023 | 23h05

«Le dit "Occident", une baudruche née de 14-45 n'a pas encore compris que le monde change et s'accroche.

Pourquoi ne pas laisser le Dombass à la Russie?

Mais ducon, la démocratie est en jeu, hahaha
Accessoirement des centaines de milliards, la vraie démocratie des lobbys»


@stef 13.10.2023 | 22h16

«Merci pour ce très bon résumé d'un sommet attendu.»


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