Lu ailleurs / Plus ou moins d’Etat pour la période post-coronavirus?
Alors même que l’anticipation publique en termes de matériel sanitaire a montré ses défauts, l’étatisme a le vent en poupe en ces temps de crise. Fort de ce constat, la NZZ a publié un papier montrant les arguments que la crise nous donne aussi en faveur du capitalisme et contre le recours à l’Etat.
Les revendications pour un Etat plus fort sont nombreuses et diverses: redistribution plus importante, instauration d’un revenu de base inconditionnel, production indigène… Pourtant, face à cette actualisation de certaines idées de gauche, la droite libérale dispose de plusieurs arguments tout aussi actuels allant dans le sens inverse. C’est le constat que fait le philosophe suisse Martin Rhonheimer dans cet article publié dans la NZZ du 25 avril. Le premier contre-argument à opposer aux partisans du plus d’Etat est selon lui directement offert par la crise:
«Compte tenu du blocage d’une grande partie de l’activité économique productive, il devrait maintenant être clair d’où vient réellement notre prospérité. Les programmes d'aide publique extrêmement coûteux qui sont actuellement lancés ne manifestent pas, après tout, une faiblesse du système capitaliste; au contraire, ils sont la preuve de son énorme potentiel de création de valeur.»
Et le professeur de philosophie et d’éthique de montrer que «nous ne vivons pas une crise économique, mais plutôt un blocage économique ordonné par la loi – c’est-à-dire par les politiciens – pour des raisons de politique de santé.» La présente situation n’a ainsi rien à voir avec celle de 2008. Comme défendu dans un précédent article, il paraît très simpliste de relier directement la crise actuelle avec la mondialisation néocapitaliste. Selon Martin Rhonheimer, les problèmes que nous devons surmonter sont dûs à une culture politique de l’immédiateté, plus rentable électoralement. Le déficit de masques en est l’exemple le plus parlant.
En outre, la gestion du coronavirus en Europe a montré la relative inaptitude des différents Etats à prendre des tâches régaliennes de protection de la population, comme la maîtrise des frontières, ne serait-ce que de l’espace Schengen. La bureaucratie à coup de faxs et de flou dans les chiffres, de négligence et d’erreurs dans le contrôle des stockages, a également montré ses limites. Martin Rhonheimer nous invite donc à voir dans le moment que nous traversons l’occasion de réfléchir à l’amélioration de l’efficacité de l’Etat plutôt qu’à son extension, et surtout de développer l’initiative personnelle en termes de télétravail ou de numérisation.
De tels avis à contre-courant sont à entendre absolument. Non pas parce qu’il sont à contre-courant, mais simplement parce que si la période d’après-crise se traduit par un rétrécissement du débat et donc du champ démocratique, elle pourrait bien être pire que celle d’avant. Une fois de plus, la presse alémanique montre la voie du pluralisme.
VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
4 Commentaires
@willoft 05.05.2020 | 04h25
«Quel torchon devient ce BPLT., congrats Pilet!
Vous ne parlez pas assez bien, pour aller travailler à la NZZ ou au Weltwoche?
Fils Couchepin-Nantermoiement?»
@Jack MacHost 05.05.2020 | 08h22
«Très bonne analyse.
Cependant une pièce a toujours deux faces.
Il est facile de pointer les manques étatiques, biens réels, dans cette crise.
Mais ils viennent de quoi? depuis que je sais lire, c'est toujours la même rengaine, moins d'Etat, moins d'Etat ....
Les baisses d'impôts, l'optimisation fiscale, tout cela a affaibli les institutions.
Et ce sont les mêmes qui appellent ensuite l'Etat au secours.
Sans parler de la philosophie du zéro stock, flux tendu et production là ou les coûts sont moindres.
Et donc d'une incapacité de répondre à la demande au moindre grain de sable.
Cela ne vient pas de l'Etat.
En Suisse les manques sont bien reconnus et sont pour l'essentiel imputables au fédéralisme. Un plan existe, mais il est fait par la Confédération et doit être appliqué par les cantons.
Quant à la solidité du système capitaliste: nous sortons de 12 années de croissance économique, et personne n'a de quoi tenir un mois sans rentrées. Ca laisse songeur.
Et à ce sujet, on peut aussi se demander quelle est la notion de responsabilité? Pendant des années les actionnaires ont encaissé, mais on ne voit pas beaucoup de propositions de recapitalisation pour faire face.
Sans parler des sociétés qui distribuent tout en demandant de l'aide.
Ou des compagnies qui ont racheté leurs propres actions pour des milliards et sont maintenant à sec.
Le salut ne viendra pas d'une étatisation supplémentaire, on est bien d'accord.
Mais sans une solide remise en cause de la logique capitaliste, ça n'ira pas non plus.
Cette crise n'est qu'un premier pas, quand on voit les dégâts, ça laisse songeur sur ce qui se passera quand la crise climatique commencera à déployer ses effets.»
@Jonas Follonier 06.05.2020 | 08h59
«
@Jack MacHost Merci pour votre commentaire très intéressant! Je suis prêt à vous suivre, même si je décrirais l'une des sources du problème comme une mauvaise organisation de l'Etat plutôt qu’un affaiblissement de l'Etat. L'Etat, globalement, ne s'affaiblit pas, il s'agrandit. Tout comme le nombre de lois. Mais dans certains domaines, il s'affaiblit, en effet. Et je suis d'accord avec vous pour dire que les priorités ne sont pas toujours – voire pas souvent – choisies de manière pertinente. Sans parler de l'efficacité des différents services. C'est également – peut-être êtes-vous aussi de cet avis – une question de pratique de la politique. Que ce soit au législatif ou à l'exécutif. Comme un air de «on ne peut pas faire grand chose de toute manière», une perte du sens du réformisme et plus généralement du destin d'un pays. Bien à vous et merci pour votre réflexion!
»@SylT 09.05.2020 | 19h37
«@willoft vos imprécations injustes ne valent pas un argumentaire bien étayé comme celui de @Jack MacHost.
Ne pas supporter de simplement lire une opinion contraire à la vôtre sans répondre par l'injure.... Connaître les arguments de la NZZ rapportés par M. Follonier ne veut pas dire les prendre pour argent comptant, et ne veut pas non plus obligatoirement dire que M. Follonier y adhère à 100%. On se calme :-)
Par exemple: la fiscalité actuelle n'aime pas que les entreprises, même des PME, aient des réserves. Cela veut dire que lorsqu'arrive un coup dur, l'entreprise ne peut pas y puiser, puisqu'elles ont presque toutes été réinvesties ou distribuées en dividendes. »