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Lu ailleurs / Les fabricants d'armes allemands n'ont jamais gagné autant d'argent


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Nos confrères du magazine italien «L’Espresso» expliquent comment l’Allemagne a recommencé à investir massivement dans l'industrie militaire. Pas uniquement pour armer l’Ukraine mais également pour se retrouver en position de force dans la future défense européenne, un marché prometteur.



Il peut sembler simpliste de le dire, voire populiste ou que sais-je encore, mais il est un fait avéré que les guerres enrichissent considérablement les industries d’armement. La guerre est une calamité pour les soldats et les civils qui s’y trouvent précipités, pas pour les fabricants d’armes. Nos confrères du magazine italien L’Espresso se sont penchés sur l’industrie militaire allemande. Deux ans après le début du conflit entre la Russie et l’Ukraine, «les exportations allemandes de matériel de défense ont enregistré cette année un record sans précédent, avec une augmentation de 40% des autorisations d'exportation et une forte hausse des commandes, selon le Ministère fédéral de l’Economie allemand.»

Système de sécurité et de défense: une industrie en expansion

Cette augmentation est principalement due aux armes destinées à l'Ukraine. «Un tiers des autorisations concerne des systèmes d'armes et des munitions destinés à l'ancienne république soviétique. L'Allemagne est, après les Etats-Unis, le deuxième Etat au monde en termes de livraisons d'armes à Kiev. Il n’y a pas que l’Allemagne et les Etats-Unis à vivre une période faste en matière de vente d’armes. L'industrie européenne des systèmes de sécurité et de défense est elle aussi en expansion. Il s’agit d’une conséquence directe des défis sécuritaires de notre époque, comme l’a expliqué le sous-secrétaire à l'économie des Verts allemands, Sven Giegold. En 2023, les exportations allemandes ont triplé par rapport à 2018 et s'élevaient à 12,2 milliards d'euros fin décembre, dont 6,4 milliards d'euros pour les autorisations d'armement et 5,8 milliards d'euros pour les équipements de défense.»

Cela dit, pour les Ukrainiens, s’équiper avec du matériel allemand n’est pas sans problème. Le député Vert allemand et expert militaire Sebastian Schaefer a expliqué les problèmes concernant la réparation des véhicules envoyés par l'Allemagne en Ukraine. «Seul un petit nombre des panzers fournis peut être déployé par les Ukrainiens. Les chenilles, par exemple, s'usent et doivent être changées après 6'000 kilomètres, tout comme les roulements des chenilles, qui doivent être remplacés après quelques centaines de kilomètres sur l'asphalte. Le problème est double: l'atelier de réparation le plus proche se trouve en Lituanie, à des centaines de kilomètres, et les réparations prennent beaucoup de temps en raison du manque de pièces de rechange appropriées.»

Grâce à l’Ukraine, les marchands d’arme redorent leur blason

Les principaux bénéficiaires des grosses commandes de matériel militaire sont «les grands groupes historiques comme Rheimetall, qui produit des munitions, des canons et des systèmes de ciblage et d'artillerie, et Thyssenkrupp Marine System». L’Espresso relève que «le vent a tourné pour ce qui est de la perception des géants de l'armement par la société. Il fut un temps où des manifestations contre la guerre se déroulaient devant l'usine Rheinmetall à Unterluess, en Basse-Saxe, où l'on scandait des slogans comme "Les armes allemandes et l'argent allemand tuent dans le monde entier". Aujourd'hui, après l'agression russe en Ukraine, ceux qui franchissent la porte de Rheinmetall Defence ne sont plus conspués mais regardés avec compréhension, voire gratitude. Au cours des trois premiers trimestres de 2023, l'entreprise a enregistré une croissance de 13 % de son chiffre d'affaires et une augmentation de 42% de son carnet de commandes. Le groupe, qui emploie 27'900 personnes, est un colosse qui possède des filiales non seulement en Allemagne, mais aussi en Espagne, en Autriche et en Hongrie. Il a récemment reçu des commandes de la Roumanie d'un montant de 328 millions d'euros pour la modernisation de systèmes d'artillerie antiaérienne, ainsi que de l'Ukraine pour un lot de munitions d'une valeur de 142 millions d'euros. Les armées allemande et néerlandaise ont commandé à Rheinmetall, en coopération avec Mercedes-Benz, 3'059 unités d'un véhicule sol-air de type Caracal pour un montant de 1,9 milliard d'euros.»

L’Etat allemand investi

Nos confrères précisent encore: «L'Etat allemand envisage d'entrer au capital de l'industrie de la défense. Cela concerne par exemple l’entreprise Hensoldt, qui fournit des composants de défense. La société basée à Taufkirchen a enregistré une augmentation de 20% de sa marge bénéficiaire au cours des neuf premiers mois de 2023, avec un carnet de commandes de 1,3 milliards et des recettes de plus de 1,1 milliards. En décembre dernier, Hensoldt a décidé d’acquérir la société qui produit les intégrateurs de systèmes de sécurité ESG par le biais d'une augmentation de capital. Leonardo, le deuxième actionnaire de Hensoldt avec une participation de 25%, s'est retiré du jeu et devrait ramener ses parts à 23%, tandis que le gouvernement allemand, avec ses 25,1%, est en pourparlers pour participer à l'augmentation de capital à hauteur d'environ 60 millions d'euros, rapporte le quotidien économique Handelsblatt. Le gouvernement du chancelier Olaf Scholz envisage également d'entrer dans la plus grande entreprise de construction navale d'Allemagne, Thyssenkrupp Marine System.»

Autre exemple de bonne santé économique, la holding franco-allemande Knds, née en 2015 de la fusion entre Krauss-Maffei Wegmann, le producteur historique de l'industrie de guerre allemande du Léopard, et le système français Nexter Defense, privatisé par le ministre de l'Economie de l'époque, Emmanuel Macron. Knds a vu aujourd’hui ses commandes augmenter de 21% et son carnet de commandes s'élève à 11 milliards.

Bref, l’industrie d’armement européenne semble très bien se porter et les Allemands y sont en très bonne position. La guerre n’est pas une mauvaise affaire pour tout le monde et les marchands d’armes ont tout intérêt à ce que les tensions géopolitiques restent fortes en Europe afin que celle-ci augmente encore ses besoins en matière de défense militaire.


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VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

5 Commentaires

@XG 26.01.2024 | 07h15

«Et oui... les banques ont été sauvées de la faillite en 2008 avec l'argent des contribuables, les pharmas s'en sont mis plein les poches en 2020-2022 toujours avec l'argent des contribuables, c'est maintenant le tour des fabricants d'armes de toucher le jackpot. Même si la guerre en Ukraine est perdue, ils auront empoché de juteux bénéfices, encore une fois avec l'argent des contribuables de nos belles démocraties. A qui le tour ensuite? L'industrie chimique qui veut nous fourguer ses OGMs à tout prix? Ou encore la tech? La liste est longue, nous n'avons pas fini de nous faire plumer.»


@Gamuret 26.01.2024 | 12h03

«Bonjour !
Je vous conseille également l'article de Philippe Leymarie paru dans le Monde Diplomatique du mois de janvier 2024 : "La guerre en Ukraine, grand accélérateur de l'armement mondial". »


@Chan clear 26.01.2024 | 16h36

«La peur fait vendre, plus les gens ont peur plus ils achètent des assurances, des armes, des tranquillisants, des abris antiatomiques, la peur nous rend malades, bref la liste est longue…..»


@willoft 28.01.2024 | 11h01

«Ce n'est pas le sujet mais ça fait trois fois que j'écris à Bplt pour leur signaler un bug, resté sans réponse...
Mon abonnement est débité mon nom apparaît comme connecté mais lorsque je veux voir la suite d'un article abonné il marque que je n'ai pas d'abonnement actif!
C'est bénévole mais pas sérieux.»


@willoft 30.01.2024 | 10h36

«Bon, le bug est réparé, excusez-moi d'avoir du employer votre tribune.

Pour en revenir au sujet, on se demande si tous ces producteurs de matériel léthal ne sont pas aux commandes politiques en jetant de l'huile sur le feu de tous les conflits et enpêchant des négociations pour la paix!»