Lu ailleurs / Comment l'Arabie saoudite drague les chercheurs
Les universités du monde entier font tout pour bien se placer dans les rankings internationaux, à commencer par celui de Shanghai. Celles d’Arabie saoudite ont trouvé une combine: elles proposent à des chercheurs d’autres pays de s’associer à elles pour élever leur cote. Le quotidien «El País» raconte comment des sommités espagnoles ont été ainsi racolées.
La chimiste Mira Petrovic de l’Instituto Catalán de Investigación del Agua, à Girona, a reçu une proposition de la Santé royale de Riyad: 70’000 euros sur son compte à condition qu’elle indique cette institution comme son lieu de travail à côté de celui de Catalogne. Elle a refusé. Son collègue Rafael Luque, lui, a accepté la manipulation dès 2019. Son employeur, l’université de Cordoba, l’a fort mal pris et l’a congédié. Ce qui l’a fait fortement rétrograder dans le ranking de Shanghai. Un autre chimiste, Damia Barcelo, qui a publié plus de 1'600 études, directeur de l’Institut catalan spécialisé dans l’étude de l’eau, a quant à lui depuis longtemps un pied à Riyad. Il ne précise pas le montant de son contrat, mais il a reçu un chèque de 120’000 euros des mains du roi Salman bin Abdulaziz et demande 2'000 euros pour une conférence. Tous frais largement payés bien sûr. «C’est la condition pour aller prélever des échantillons d’eau en Arabie», se justifie le professeur.
Le chercheur en systèmes informatiques du langage, Luis Martinez, de l’université de Jaen, raconte qu’en 2017, lorsqu’il fut admis dans la liste des Highly Cited Researchers, il reçut nombre de propositions saoudites. Il les refusa. Puis, devant les problèmes de financement de son laboratoire, il finit par accepter un «cadeau» de 60’000 euros par an. Mais Riyad utilise son nom pour grimper dans le ranking de Shanghai et fait baisser ainsi la cote de Jaen. Ce qui suscite le courroux des autorités académiques de la petite ville andalouse. Sans autre effet pour le moment.
La liste est longue: onze cas prouvés rien qu’en Espagne. Comme celui du physicien Andres Castellanos, de l’Instituto de Ciencia de Materiales de Madrid, qui déclare Riyad comme lieu de travail principal. Il faut dire que ces employeurs saoudiens ne sont pas regardants: pour maintenir la relation, il suffit, selon l’un de ces chercheurs prétendument expatriés, de faire quelques fois par an un séjour de trois jours en Arabie saoudite. Vols en première classe.
VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
1 Commentaire
@Clear 26.04.2023 | 08h54
«Pas facile de devoir choisir entre l’intégrité et le compte en banque bien garni.
Les hommes et femmes d’honneurs, denrée rare de nos jours.»