Actuel / Un petit Trump en Pologne
Le paysage politique de ce pays-clé intéresse peu les Européens. A tort. Il pèse lourd dans les décisions de l’UE. Il s’y tiendra l’élection présidentielle le 18 mai prochain. Avec deux grands partis face à face, celui, centriste, aujourd’hui au pouvoir, la Plateforme civique, et celui d’hier, le PIS nationaliste. Mais voilà que monte un trouble-fête, un jeune entrepreneur fortuné, Slawomir Mentzen, qui reprend plusieurs ritournelles trumpiennes.
Les Polonais sont loin de virer pro-russes. Mais nombre d’entre eux disent ouvertement leur lassitude face à la guerre devant leur porte. Même au sein du gouvernement. L’ouverture libre du marché avec l’Ukraine a suscité la colère des paysans et des transporteurs confrontés à la concurrence de l’Ukraine. Une plainte est déposée à l’OMC qui a irrité Zelensky. Le vice-ministre polonais de l’intérieur s’est publiquement fâché contre les riches Ukrainiens qui paradent dans leurs voitures de luxe et les hôtels cinq étoiles. Le statut des réfugiés, fort nombreux, est en voie de révision, il deviendra plus restrictif.
La Pologne consacre 4,7 % de son budget à son armée devenue la plus puissante d’Europe. Au nom de cet effort, ce pilier de l’OTAN a pourtant suspendu ses livraisons d’armes à l’Ukraine pendant un an. La relation entre ces deux pays est bien plus complexe qu’on ne le dit habituellement. Marquée aussi par une histoire mutuelle douloureuse. Le souvenir est enfoui, pas disparu, des dizaines de milliers de Polonais tués, les centaines de milliers chassés de leurs terres en Volhynie, aux mains des ultra-nationalistes alliés aux nazis pendant la Seconde guerre mondiale.
Et voilà que dans la capitale européenne la plus déterminée à soutenir l’Ukraine face à l’agression russe apparaissent des affiches «No war!», des graffitis du genre «Soldats américains partez!» Ceux-ci sont 10 000 sur le sol polonais.
«Pour une Pologne souveraine, riche et forte»
Surgit alors Slawomir Mentzen, ancien agent de change, propriétaire d’une marque de bière et d’une chaîne de bars, 38 ans, qui se fait soudain une certaine popularité, utilisant un vaste réseau d’influenceurs – rétribués? – sur le net, arpentant les petites villes où il bavarde avec les passants. Ce député de la Diète de «Nouvel espoir» brise un tabou. Il demande l’arrêt de la guerre, l’arrêt de l’aide financière à l’Ukraine. Sa devise: «Pour une Pologne souveraine, riche et forte». Avec l’Union européenne dans le viseur. Son credo? Moins d’impôts, moins de bureaucratie, moins de dépenses sociales… On voit d’où souffle le vent.
Les sondages – à prendre avec des pincettes – lui donnent autour de 17 % des intentions de vote. Mais l’un d’eux estime que chez les jeunes, de 18 à 39 ans, la proportion monterait à 50 %.
La droite nationaliste du PIS s’inquiète. D’autant plus que son candidat, Karol Nawrocki, est peu populaire. Son gourou, Jarosław Kaczyński, 75 ans, paraît fatigué et moins vénéré par les jeunes générations. Quant au candidat de la Plateforme civique, Rafał Trzaskowski, maire de Varsovie, il a sans doute la faveur des élites urbaines, moins celle des campagnes. Le premier ministre Donald Tusk riposte en durcissant le ton. Il envisage même, en raison du retrait stratégique américain, l’acquisition d’armes non conventionnelles, autrement dit nucléaires.
Rien n’est joué. Mais le fait est que les recettes simplistes et démagogiques de Trump inspirent certains jusqu’en Europe.
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