Actuel / La République démocratique du Congo au bord de l’effondrement
La nouvelle n’a pas fait grand bruit. Elle est pourtant le signal d’une évolution qui pourrait redessiner la carte géopolitique de l’Afrique. Après la prise de Goma au Sud-Kivu, la capitale provinciale du Nord-Kivu, Bukavu, vient de tomber aux mains de la milice du M-23, soutenue par le Rwanda. Le régime en place à Kinshasa, fort critiqué par la population, pourrait s’effondrer.
L’armée de la République démocratique du Congo (RDC), affaiblie, démoralisée, dépourvue des moyens nécessaires, ne paraît plus en mesure de défendre ses territoires. La situation humanitaire dans la région est effroyable. La prise de Goma, au Sud-Kivu, en janvier, a fait 2900 morts selon les Nations Unies et provoqué le départ forcé d’au moins 500 000 personnes, notamment vers le Burundi. Celle de Bukavu a été moins violente, la ville étant tombée sans combat, mais elle (un million d’habitants) a connu des pillages, ainsi que les villages environnants. Les patrouilles du M-23 circulent dans des véhicules militaires sans plaque, leurs hommes en uniforme ne portent aucun signe. Mais il a été signalé que des soldats rwandais opèrent sur le terrain. Ce que dément le gouvernement de Kigali. Son appui en armes et en fonds à la milice est pourtant indéniable. Non moins évident, l’intérêt du Rwanda qui, depuis plusieurs années, fait main basse sur les ressources minières abondantes de son voisin congolais. L’or, les diamants, la cassitérite et surtout le coltan, utilisé dans les industries électroniques pour la fabrication de condensateurs.
Des réactions internationales mesurées
Les réactions occidentales devant cette invasion totalement illégale et meurtrière restent mesurées. Le Rwanda, pays de plus en plus développé et performant, a la côte en Europe et aux Etats-Unis. Cependant, le Parlement européen vient, à la quasi-unanimité, de demander à la Commission de suspendre les accords privilégiés de l’UE avec Kigali. Notamment un «mémorandum d’entente» signé en février 2024 qui visait à développer des chaînes de valeur durables pour des matières premières. Ainsi qu’un gel de l’aide budgétaire directe au Rwanda et la fin de toute assistance militaire et sécuritaire aux forces armées rwandaises. L’ambassadrice américaine au Conseil de sécurité de l’ONU a aussi vivement condamné le comportement du Rwanda. Mais les Etats-Unis ne sont pas près de se priver des métaux précieux qui lui parviennent par ce canal.
Quant à la Suisse, elle a discrètement condamné l’invasion du Kivu et consacré un crédit spécial de trois millions pour venir en aide aux organisations humanitaires. Le CICR est très actif sur place. Mais les besoins sont immenses dans cette région de 125 000 km2, peuplée d’environ 14 millions d’habitants. L’insécurité freine fortement les efforts des ONG et des agences onusiennes. L’aide helvétique sera couronnée par la représentation de la DDC à Kigali, compétente dans la région dite des Grands Lacs, où elle développe de nombreux projets, notamment dans l’agriculture, la santé et la formation.
Un avenir plus qu’incertain
Où la malheureuse république congolaise peut-elle trouver des soutiens militaires? Un seul pays s’engage résolument à ses côtés, le Burundi, dont la petite armée est présente dans diverses opérations de l’ONU. Et, dans une moindre mesure, la Russie, surtout au plan politique international. Mais la RDC est immense, avec une superficie de 2,345 millions km2, les deux tiers de l’UE; maintenir sa cohérence à terme paraît improbable. D’autant plus que les grandes puissances, l’Europe, les Etats-Unis, la Chine, la Russie tirent aussi leurs propres ficelles sur ce terrain gorgé de richesses minières.
Ce n’est pas sa présence au WEF de Davos qui aidera le président de la RDC, Félix Tshisekedi, à s’y retrouver dans le grand jeu. Mais il a apprécié son séjour, avec une délégation de six personnes, dans l’hôtel de luxe Quellenhof à Bad Ragaz pour un coût total de 440 000 francs suisses pour six nuits. Ses soldats envoyés au combat, eux, ont droit à une solde de 80 dollars par mois.
VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
1 Commentaire
@abarto 21.02.2025 | 07h35
«Bonjour et merci pour cet article. Pour avoir vécu et travailler dans cette région durant 18 mois ( Bukavu, Goma, Uvira qui se trouve en face de Bujumbura - BURUNDI, etc ) et pour revenir récemment de Bujumbura, je pense que la situation ( j'y ai vécu un événement qui à mon sens pourrait étayer la présence de soldat rwandais en territoire congolais) est très bien décrite. Petit bémol toutefois sur les activités du CICR: si en effet une sous-délégation se trouve bien à Bukavu et Goma ( un bureau existe à Uvira), il est très important pour le lecteur de ne pas imaginer une seule seconde que cette Institution est à la hauteur de l'image " mythique" ou sacrosainte que l'helvète peut en avoir. Les messages que peuvent tenter de disséminer sa Présidente ou son DG via les médias sont un nuage de fumée. Voir une Croix-Rouge sur un véhicule de couleur blanche peut avoir un fort impact pour toute personne empathique à la cause humanitaire helvétique( au sens profond et engagé), à la notion de soft power et de l'image de la Suisse à travers le monde, etc. Or, il en va tout autrement sur les différents terrains, notamment dans son efficacité économique ( pour 100 FRS suisse reçus, combien sont efficacement utilisés ?), ses relations avec les Autorités ( cf: CICR chassé du Niger en 3 jours), le CICR sommé de ne faire que le taxi au Proche-Orient, etc. Cette Institution est à la dérive. Et le cataclysme économique de 700 000 000 de CHF n'est que la conséquence de l'incompétence. Si le CICR a son statut, elle vit néanmoins de donations, qui ne sont autre que l'argent de nos impôts. La Confédération et les Cantons donateurs devraient donc ordonner un audit en profondeur ( notamment au niveau des RH qui sont le problème no1) avant de continuer de donner de l'argent. Sinon, l'image de la Suisse perdra encore en crédibilité.»