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Le Musée d’histoire naturelle de Berne présente une formidable exposition qui explore la diversité sexuelle et de genre, tant chez les animaux que chez les humains. A mille lieux des affrontements idéologiques et moraux, voilà une belle occasion de mener une réflexion sur ces questions, de découvrir que la nature est moins «normée» qu’on veut bien le croire.



Il y a plusieurs manières d’aborder la sexualité et les questions de genre. On peut pester, ronchonner, trouver que c’était mieux avant, lorsque les femmes et les hommes savaient garder leur place et que le dictionnaire n’adoubait pas le confusionnant iel. On peut s’emporter, traiter tous les binaires de fachos, traquer le patriarcat dans le moindre détail, accuser, dénoncer, se faire encore plus jugeant que ceux qui nous jugent. Le Musée d’histoire naturelle de Berne a choisi une approche scientifique et pragmatique, la réflexion plutôt que le militantisme ou le moralisme et l’idéologie.

A la sortie de l’exposition Queer, la diversité est dans notre nature, le visiteur se retrouve face à trois portes. Une pour celles et ceux qui ont trouvé l’exposition inintéressante voire dérangeante, une pour celles et ceux qui souhaitent prendre le temps de digérer les informations reçues avant de les évaluer, et la dernière pour les visiteurs satisfaits qui estiment avoir appris beaucoup de choses. Mais les trois portes donnent accès au même endroit: la sortie. Comme pour dire que, quels que soient nos sentiments et nos opinions, nous nous retrouvons ensemble dans l’espace public et social.

Masculin et féminin: deux pôles entre lesquels s’étend tout un spectre

Cette formidable exposition – elle a reçu le prix Expo 2021 de l'Académie suisse des sciences naturelles – présente la diversité qui existe en matière de sexualité et de genre dans la nature. «Le terme queer (personnes s’écartant des normes de genre, ndlr.) désigne les humains; toutefois, cet aspect se retrouve également de manière extraordinaire dans le monde animal. Et même le sexe biologique des humains est moins évident que nous le supposons souvent: le féminin et le masculin ne sont pas deux catégories fixes, mais plutôt deux pôles entre lesquels s’étend tout un spectre. La diversité biologique est de mieux en mieux connue et, par conséquent, la diversité sociale attire aussi l’attention. Nous voilà donc au cœur d’une évolution sociale, qui voit émerger à la fois des forces créatives et des résistances», explique les organisateurs de l’exposition.

Une exposition divisée en quatre secteurs. Diversité: dans la nature, rien n’est normal. Mondes corporels: nos corps, un joli mélange de caractéristiques sexuelles. Energies: la mutation sociale génère de l’énergie, créatrice et destructrice. Avenir: ainsi penserons-nous demain au sexe et à la sexualité.

Une grande variété de comportements

D’un secteur à l’autre, avec à la main – ou pas – le «cahier d’expédition», les visiteuses et les visiteurs vont de découverte en découverte. Comme le fait que dans la nature, ni la sexualité ni les genres ne sont «normés». Chez les poissons-clowns, par exemple, les individus changent de sexe en fonction des besoins. Ou encore: ce sont les femelles qui mènent les meutes de hyènes tachetées. Le casoar mâle, lui, élève ses petits en père célibataire, tandis que madame jacana noir a un harem de mâles. Bref, tout est «naturel», y compris l’homosexualité, laquelle a été observée chez plus de 1'500 espèces et est courante chez les animaux sociaux: «6% des moutons domestiques mâles ne s'accouplent qu'avec d'autres béliers». Chacun en tirera les conclusions qu’il veut, mais ce qui est certain, c’est qu’il faut rester prudent avec le concept de «norme». 

Pour ce qui est des humains, l’exposition montre par exemple qu’en Suisse, «il y a autant de personnes trans que de personnes parlant le rhéto-roman et plus de lesbiennes que de membres de l'UDC.» Ce n’est pas si anecdotique. Il y a bien sûr des témoignages de personnes se questionnant sur leur genre et des explications très didactiques sur le sexe biologique et ses caractéristiques.

Visiteurs et visiteuses sont interpellés de diverses manières durant toute la visite, mais sans jamais être obligés de se positionner. A la sortie de l’exposition, personne n’a à être convaincu de quoi que ce soit, chacune et chacun peut choisir de camper sur ses positions. En revanche, Queer, la diversité est dans notre nature est une joyeuse invitation à la réflexion et à l’exploration des genres et de la sexualité. Le monde est toujours plus vaste que ce qu’on imagine. Non?


L’exposition est bilingue, allemand et français, elle se termine en mars 2023.

Musée d’histoire naturelle de Berne – Naturhistorisches Museum Bern, Bernastrasse 15, 3005 Bern,
+41 31 350 71 11, www.nmbe.ch/fr 

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

1 Commentaire

@Bob28 09.01.2022 | 19h06

«ça me fait envie d'aller ! Répondant ainsi au bon journalisme, celui qui ouvre et n'arrive pas à fermer, tant la complexité est là. Ainsi de tous les sujets, en n'oubliant pas que notre évolution est encore balbutiante derrière le vernis de nos ordis et tablettes.
alors merci beaucoup !»