Actuel / L’Allemagne méconnaissable: pirouettes politiciennes et montagnes de dettes
Les électeurs de la bonne vieille droite (CDU/CSU) n’en reviennent pas. Du jamais vu. Leur campagne promettait la rigueur budgétaire, or au lendemain de leur victoire, tous les verrous sautent. Ils voulaient la défaite de la gauche et l’ont obtenue… or celle-ci se retrouve aujourd’hui au gouvernement. Idem pour les Verts. Il n’y pas qu’en France que les perdants retrouvent le pouvoir dans des alliances hétéroclites. De quoi dégoûter de la démocratie parlementaire?
Le futur chancelier Friedrich Merz (il sera formellement élu la semaine prochaine) n’était pas sûr d’obtenir la majorité des deux tiers nécessaire, dans le Parlement fraichement élu, pour changer la constitution et en finir avec le frein à l’endettement. Il a donc sollicité l’ancienne assemblée qui siège encore pour quelques jours. Pari réussi. Grâce au gigantesque tamtam guerrier qui a saisi l’Europe… et aux promesses faites à ses adversaires d’hier.
Réunir tous les partis importants dans un même collège, c’est familier aux Suisses. Mais cette cohésion, souvent brinquebalante d’ailleurs, exige de la rigueur sur les principes. La tradition l’a imposée chez nous. Et chaque camp s’abstient, à quelques nuances près, de prôner le contraire de ce qu’il a affirmé dans la campagne. Comme le fait Merz qui, il y a un mois encore, voulait faire maigrir l’Etat, ne jurait que par la discipline des finances. Comme le fait la gauche allemande qui promettait de modérer les dépenses militaires.
Nouvel endettement de mille milliards d'euros
Voilà donc l’Allemagne prise dans le tournis affolé de la dette. Elle empruntera près de mille milliards d’euros. Grosso modo ̶ ce n’est pas encore défini ̶ la moitié ira à la réfection des infrastructures routières et ferroviaires trop longtemps délaissées ainsi qu’à la «transition climatique». L’autre gros paquet sera consacré aux dépenses d’armement et à l’aide militaire à l’Ukraine.
Reste au Bundestag (l’équivalent du Conseil des Etats en Suisse) de se prononcer. Il approuvera le plan car les Länder obtiennent aussi quelques miettes et seront dorénavant autorisés, eux aussi, à s’endetter davantage.
Voir ainsi le champion européen de la rigueur basculer ainsi vers la montagne des emprunts à la faveur du lâchage de Trump est peu réjouissant pour ses partenaires et pour l’avenir de leur monnaie. Même si les va-t-en-guerre de l’UE applaudissent. L’économie allemande en profitera à court terme mais ensuite le poids des intérêts sur le budget sera énorme. Pour de longues années, sur plusieurs générations. Compte tenu de la dette actuelle (2500 milliards), il en coûtera entre 250 et 400 milliards par an. Ce n’est pas pour déplaire aux prêteurs. Merz les connaît bien, il a fait carrière dans les fonds américains et notamment auprès du géant BlackRock. Ses copains d’hier se frottent les mains. Et les contribuables ne tarderont pas à découvrir ce qu’on leur cache aujourd’hui: les hausses d’impôts, tôt ou tard, seront inévitables.
Rien n’arrêtera ce plan. Quand le nouveau Bundestag siégera enfin (le 25 mars au plus tard), l’opposition y sera renforcée grâce à la percée de l’AfD mais ne fera pas le poids devant la grande coalition. Les libéraux pur jus du FDP n’ont pas atteint le quorum, la formation de Sahra Wagenknecht non plus, faute d’une poignée de voix. Quelques députés de la CDU qui s’étranglent devant les chiffres diront non mais ils seront peu nombreux.
Quant à Ursula von der Leyen, elle est aux anges. Elle qui veut gravir les sommets de la dette pour armer l’Europe et défier la Russie. Ainsi, à Bruxelles comme à Berlin, on ne parlera plus du sage appel de Mario Draghi. Lui prônait l’endettement mais pour l’avenir. Pour l’éducation, la formation, la recherche. Afin de faire face aux menaces non pas l’arme au poing mais la tête bien faite, dans la course aux compétences, aux performances économiques plutôt qu’à celle de la guerre.
VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
2 Commentaires
@MV 21.03.2025 | 10h36
«C'est effectivement fascinant de voir les perdant gagner !!!»
@Chan clear 21.03.2025 | 18h35
«Quand je pense que au début du « Covid » on parlait de millions pour sauver l’économie, et on me disait : ce sont des milliards qu’il faudra pour la sauver ( en Suisse) et plus on avance plus les sommes deviennent faramineuses. Est ce que les allemands ou autres ont comscience de ce que sont 1000 milliards d’euros. Tout ceci devient grotesque , certains politiciens n’ont plus les pieds sur terre ou ont’ils peut-être une planche billet à la cave :))»