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Actuel / Hyperconnectés et débrouillards, les nouveaux nomades...

Christine Ley

16 mars 2018

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Après les beatniks et les hippies, de nouveaux nomades épris de liberté prennent la route, au-delà de la mythique 66 et des chemins de Katmandou. Les deux premiers ont initié de profondes mutations sociétales et culturelles, qu'en sera-t-il des suivants, dont l'habileté numérique favorise intensément les longues itinérances? Un mode de vie qui n'en finit pas de nous interpeller...



Nos origines de chasseurs-cueilleurs perpétuellement en déplacement, à la recherche de ressources végétales ou animales hante-t-elle encore nos mémoires cellulaires? Pour avoir suivi le chemin de Compostelle à pied pendant trois mois, j'ai goûté à la joie profonde de découvrir chaque jour de nouveaux paysages et rencontres. J'ai également savouré le bonheur inattendu de me sentir parfaitement comblée avec seulement trois T-shirts et deux pantalons froissés dans mon sac à dos. Voilà qu'aujourd'hui, à la lumière de revenus de plus en plus incertains, ça me reprend: l'envie de larguer les amarres et accessoirement mon loyer, en optant pour un petit chez-moi motorisé désencombré combinant deux avantages: la liberté financière et celle de trimballer davantage que le strict nécessaire, c'est à dire de quoi dormir, cuisiner, se lavoter et surtout écrire et accéder à internet.

Ne pas «perdre sa vie à la gagner»

Rêvant à mon futur nid itinérant, j'écume le web et découvre tout un peuple de nomades bloguant allègrement sur l'art de la vie qui roule, laquelle réunirait de plus en plus d'émules. Difficile à vérifier, même si les spécialistes du camping-car comme Bantam confirment que les ventes de Sam'suffit sur roues augmentent chaque année, notamment en raison du nombre croissant de baby-boomers parvenant à la retraite. Autre raison: le prix des vans aménagés a passé de 70'000 francs moins de 50'000 francs, mais ce tarif reste élevé par rapport à celui du mythique combi VW dont la production a été définitivement arrêtée en 2013 pour non-conformité aux nouvelles normes de sécurité. Faudra trouver autre chose!

Le véhicule numéro un sur les classements des nouveaux nomades, c'est la fourgonnette, assez vaste pour y installer quelques commodités, mais suffisamment discret pour roupiller incognito en ville, se faufiler dans un chemin creux ombragé ou s'installer quelques jours sur une falaise maritime. Sur les blogs, je me régale des conseils et astuces des voyageurs: un jeune youtubeur diffuse avec un succès inattendu les étapes de fabrication de sa douche itinérante à trois balles. La conductrice d'une Kangoo aménagée (!) vante les intenses mérites des filets à rangement. Un nomade insiste sur la nécessité de développer son intuition pour dénicher les haltes adéquates ; c'est que le vagabond roulant n'est pas le bienvenu partout. Les bons emplacements sont partagés au travers des réseaux sociaux, quand pas carrément répertoriés sur des sites interactifs comme lecampingsauvage.fr.

Découverte d'un véritable mode de vie. A l'instar des écovillageois et permaculteurs, ces citoyens du monde autoproclamés expliquent qu'il n'est pas question pour eux de «perdre sa vie à la gagner» et qu'ils entendent savourer pleinement ce que la planète, la nature et les rencontres ont à leur offrir. Un engagement qui passe par un examen rigoureux de leurs véritables besoins. Avec des dépenses réduites à l'essentiel (frais du véhicule, soins vitaux, quelques vêtements et bien sûr, matériel électronique), ils peuvent en effet subsister avec des revenus bien moindres que dans la vie classique.

Internet, sinon rien

Comment se financent-ils alors? Certains se sédentarisent quelques semaines pour des petits boulots saisonniers grappillés sur le web. D'autres, comme le vibrionnant Canadien Florent Conti deviennent des blogueurs suffisamment suivis pour vivre de leurs créations. Ceux dont le métier s'effectuait déjà à distance, comme les graphistes, les gestionnaires de communautés ou les traducteurs détiennent un avantage certain sur les autres. Des plateformes de vente de microservices comme 5euros.com viennent au secours des autres. Certains en vivent plutôt bien. Bref, le monde appartient au travailleur nomade... pour autant que ses destinations comportent des accès internet.

Les enfants ne constituent pas un frein aux frénésies mobiles. Lorsque les Vaudois Véronique et Thierry sont tombés amoureux, ils partageaient le même rêve: voyager et avoir quatre enfants. Pourquoi attendre? L'aventure des Sixenroute est lancée, dès 2008, l'école se fait à bord et le terrain de jeux devient la terre entière. Les quatre enfants s'autonomisent rapidement grâce aux formations à distance suivies chaque matin depuis des endroits paradisiaques. Un mode de vie fructueux si l'on en juge par les aînés, aujourd'hui de jeunes adultes aussi polyvalents que bien dans leur peau.

D'autres familles quittent tout suite à une faillite ou un impérieux besoin de changer de vie, comme la Famille nomade digitale. Pas de véhicule pour les Français Christine et Patrice, actuellement à Chiang Mai, dans le nord de la Thaïlande: ils changent chaque mois de domicile depuis 2013 grâce à Airbnb. Des années de voyage, elles aussi formatrices à la débrouillardise: leur fils Logan, aujourd'hui âgé de 18 ans, monte déjà ses propres projets. Peut-être que le trio va bientôt utiliser merooms.co, toute nouvelle plateforme de locations d'appartement spécifiquement dédiées aux nomades digitaux...

Des précurseurs?

Les voyageuses solo ne sont pas en reste, à l'image de la journaliste Isabelle Alexandrine Bourgeois, en plein tour d'Europe d'une année dans son camping-car Begodee pour «rencontrer et transmettre la joie» après un financement participatif particulièrement fructueux. La Fribourgeoise Corinne Stoppelli, SDF depuis 7 ans raconte sur La vie nomade: «C’est un choix de style de vie, pas une vie de rêve. Pour moi, c’est une réponse à ma différence, à ma soif de découverte et d’inspiration, à mon besoin de challenge constant.» Plus radicale encore, l'autostoppeuse et freegan Astrid, conte poétiquement sur Histoire de tongs comment elle voyage depuis des années quasiment sans argent.

Inventifs et créatifs, ces nouveaux nomades consomment sans doute moins d'alcool et de drogues que leurs prédécesseurs, mais esquissent comme eux des espaces de liberté et de créativité vitaux au sein d'une civilisation occidentale plus réglementée que jamais. Dans un monde où les places de travail se raréfient à grande vitesse, ces itinérants de grande richesse intérieure pourraient bien faire office de précurseurs, avec leur capacité à vivre (et vivre de) leurs aspirations.

Quant à moi, hem… un délicieux bain brûlant après une rando-raquettes me fait déjà vaciller. Dans un premier temps, je vais me contenter de tester mes fantasmes nomades quelques semaines et apprendre à conduire un fourgon de cinq mètres de long sans me prendre les trottoirs. Qui veut sous-louer mon appartement genevois ce mois d'avril?

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

1 Commentaire

@stef 01.04.2018 | 16h55

«Ça titille...»