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Actuel / Bourrasque des droites sur la Pologne


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Surprise: le parti de Tusk l’Européen, promis à la victoire part les sondages, devance à peine, avec 31 % contre 29, la vieille formation ultra-conservatrice (PIS). Celle-ci a bon espoir de l’emporter au second tour de l’élection présidentielle le 1er juin. Grâce aux apports des extrêmes de droite en pleine forme. Deux partis qui ont surgi ces derniers mois donnent à réfléchir.



Un certain Sławomir Mentzen, 39 ans, entrepreneur à succès, libéral, cosmopolite et critique de l’UE, a décroché presque 15 % des voix, beaucoup plus dans la génération montante, lasse de l’alternance des deux partis qui se sont succédés au pouvoir. Il a tout misé sur les réseaux sociaux où son verbe fait mouche. Clair, intelligent, dynamique. Cela parle à celles et ceux qui rêvent de s’en sortir non pas en salariés mais en indépendants, en faisant par exemple des affaires sur internet. Habile, il laisse le choix à ses électeurs pour le deuxième round et invite les finalistes à débattre… sur youtube. Loin des médias traditionnels. Suspense donc. A noter qu’il prône une forte diminution des dépenses de l’Etat. Bien que farouchement antirusse comme tous, il prône une diminution «drastique» de l’aide à l’Ukraine et surtout aux 2,7 millions d’Ukrainiens en Pologne (7% de sa population). Il veut une armée forte, plus indépendante de l’OTAN mais dénonce une gestion «inadéquate, trop bureaucratique», de ce budget considérable. Les deux candidats en finale reprennent en partie cet argumentaire. Mais Mentzen se déchaîne, à la différence du poulain de Tusk, contre l’Union européenne, sans considérer les fonds de soutien considérables que celle-ci apporte notamment au niveau des régions (261 milliards d’euros entre 2004 et 2024). Le candidat de la «plateforme civique», Rafał Trzaskowski, maire de Varsovie, intellectuel plurilingue consacré à l’engagement pro-européen, garde certes une chance de devenir président. Si les électeurs de gauche le soutiennent et ne boudent pas par lassitude et déception. Mais il est sérieusement menacé.

Les vieux démons de l’histoire n’ont pas fini d’échauffer l’Europe de l’Est

Le phénomène Mentzen, que l’on peut qualifier de pulsion libertarienne, a été sous-estimé par la plupart des médias occidentaux. Il est pourtant révélateur d’un état d’esprit qui paraît s’étendre à l’est de l’Europe. 

Une autre découverte laisse songeur. Grzegorz Braun, 58 ans, se veut monarchiste, traditionaliste catholique et antisémite assumé. L’individu bien nommé s’est distingué en arrosant avec un extincteur un symbole juif au Parlement polonais, il dénonce un complot visant à faire du pays «un Etat enjuivé»! Il est allé jusqu’à agresser physiquement un historien de la Shoah. Les autorités et tous les autres partis se sont indignés et l’ont suspendu de la chambre pendant quelques mois. Il n’empêche que cet oiseau de sinistre mémoire a recueilli 6,3 % des voix, soit 1,2 million. 

Les dirigeants européens ont applaudi l’élimination civique et la poursuite pénale du Roumain Georgescu, comparable en rien à l’allumé polonais, infiniment plus raisonnable et pondéré, sans trace d’antisémitisme. Et ils se taisent devant ce nazillon polonais qui aurait plus de raison de se voir écarter des urnes. Deux poids deux mesures encore. Ou des visées géopolitiques différentes selon les circonstances?

L’extrême droite puante de Braun est certes très minoritaire mais une telle fièvre mérite l’attention dès les prémices. Aussi surprenante soit-elle dans un pays qui a réussi mieux qu’aucun autre le passage du communisme au capitalisme, dont l’économie est aujourd’hui l’une des plus performantes de l’Union en dépit du taux élevé de pauvreté. Même là, comme ailleurs, les vieux démons de l’histoire n’ont pas fini d’échauffer l’Europe de l’Est. Et un jour celle de l’Ouest?

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

1 Commentaire

@Marta Z. 23.05.2025 | 00h10

«Merci Jacques pour l'intérêt que tu portes à la Pologne... Je suis très inquiète de voir ces dangereux candidats amasser tant de voix, cela donne à penser que mes compatriotes continuent à voir le monde en noir ou blanc, sans la moindre nuance... C'est triste...»


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