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Actuel / Alliances en pleine mer


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Les compagnies de croisières ne savent plus quoi inventer pour attirer la nouvelle génération. Elles lancent aujourd'hui le «mariage homosexuel» en eaux internationales. En dehors des lois et des normes.



La dernière fois que j’ai entendu parler de croisières, c’était vendredi dernier et le projet ne sentait pas la naphtaline mais le marketing! Une société spécialisée en voyage sur paquebots a annoncé qu’elle proposait aux couples homosexuels de se marier en pleine mer. Non pas parce que c’est romantique ou parce que «ça fait VIP», mais parce que loin de la côte, c’est permis, contrairement aux lois de beaucoup de pays: que ce soit dans les dictatures, au Proche-Orient, en Asie, ou encore en Australie, ces droits ne sont pas acquis, rappelle Bento. Le magazine en ligne allemand omet de citer la Suisse où les gays n’ont pas non plus ce privilège.

La subtilité, c’est qu’il n’y a pas que les officiers d’état civil qui ont le droit de faire prononcer les vœux aux couples amoureux. Une spécialité qui a cours uniquement à Malte, au Bahamas et aux Bermudes permet aux capitaines de ces pays de célébrer ces mariages. Le magazine du site de croisières allemand Captain Kreuzfahrt a rapidement réagi à cette annonce et précise que, pour être autorisée (mais pas reconnue pour autant), «la déclaration de mariage doit se signer dans des eaux internationales, c’est-à-dire douze miles d’une côte». Dans le cas de la société de croisières en question, la majorité des bateaux sont enregistrés à Malte. Les capitaines ont donc la compétence d’unir des personnes de même sexe. Le fait que le mariage homosexuel ait récemment été légalisé sur cette petite île n'est qu'un hasard de calendrier.

Mariages «extra-terrestres»

Si les croisières sont en forte hausse depuis 10 ans (plus 62%), c'est aussi parce qu'elles attirent aussi la génération Y. Non pour l'expérience touristique mais pour ce qu’elles offrent en tant que tel. Les attentes ont changé: les escales, première raison d’être des croisières jusqu'ici, «jouent un rôle beaucoup moins essentiel», analyse la revue de recherche en tourisme téoros. Leur durée aussi: les séjours de 2 à 5 jours sont plus fréquents qu'hier. Cela tombe bien, il n’en faut pas plus pour se marier.

Les adeptes de croisières rechercheraient donc un détachement total de la réalité; aimeraient créer leur propre authenticité; celle qui se détache du quotidien. Comme le précise l’anthropologue Nelson Graburn: «Cette authenticité existentielle est davantage réalisable dans des espaces situés hors de l’ordinaire, parce que l’individu est alors libéré de toutes responsabilités et contraintes du quotidien.»

Dans le cas de ces croisières spécialisées en mariages homosexuels, c’est bien l’enjeu: sortir des contraintes structurelles de son pays, au propre, comme au figuré, puisque le bateau a la chance de pouvoir flotter sur des eaux internationales. Le navire est ainsi défini comme un «espace de libération», un espace extra-terrestre donc qui permet de dépasser les normes sociales et même, en l’occurrence, de bousculer les lois.

Néanmoins, rentrer au pays – dans ceux qui ne reconnaissent pas le mariage homosexuel tout au moins– c’est retourner à la réalité. En effet, le pacte d’amour civil scellé sur les grandes eaux ne sera alors que symbolique. «Un mariage célébré par un capitaine de bateau dans des eaux internationales ne serait pas reconnu en Suisse car il serait manifestement incompatible avec l'ordre juridique suisse», met en garde la direction de l'état civil vaudois. En clair, dès l'instant où ce droit – celui d'un «mariage» homosexuel – n'est pas existant, il ne peut logiquement être reconnu.

Chapeau donc pour le coup marketing, reste que ces sociétés de croisières n'offrent qu’un énième attrape-touristes.


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