Média indocile – nouvelle formule

A vif


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La nouvelle est passée inaperçue. Qu’on la juge importante ou pas, cet embarras des médias est significatif. Il y a quelques jours, un poids lourd de la politique allemande est allé à contre-courant. Michael Kretschmer est ministre-président (CDU) du Land de Saxe (4 millions d’habitants). Il a déclaré que la guerre en Ukraine devait maintenant être «congelée».



«Congelée»... par un accord de cessez-le-feu au plus vite. Il va jusqu’à proposer que l’Allemagne serve de médiatrice. Tollé. L’opposition des Verts et de la gauche se déchaîne contre lui, ainsi qu’une grande partie de son propre parti. Ce que cela veut dire? Qu’il n’est pas seul à penser ainsi: un tel politicien est soucieux de sa réélection. S’il s’aventure vers une thèse jugée scandaleuse dans le climat actuel, c’est qu’une partie de l’opinion publique est de son avis. Elle se tait pour l’heure. Elle s’exprimera quand les conséquences des sanctions se feront sentir davantage en Europe occidentale. 

Mais Kretschmer a-t-il des chances d’être entendu? Dans l’immédiat, aucune. Cependant il prend date, car tôt ou tard, il faudra bien en effet que les belligérants se mettent autour d’une table. Car aucun des camps n’est en mesure de gagner ou de perdre la guerre. Au-delà des déclarations officielles, à Kiev comme à Moscou, il y a dans les cercles du pouvoir des voix discrètes qui, dans l’ombre, poussent vers une telle issue. Et dans les deux capitales, des éléments qui au contraire veulent prolonger le conflit jusqu’au bout. Mais quel bout? Poutine connaît les limites de son armée dont les positions stagnent. Manque d’hommes, manque de motivation dans la troupe. Zelensky sait aussi que même avec l’afflux d’armes occidentales sophistiquées il ne chassera pas les Russes de toutes les zones occupées. L’OTAN, les Américains, les Européens les plus déterminés, peuvent encore demander un certain temps que les Ukrainiens se battent «jusqu’au dernier». Il arrivera pourtant un moment où ce discours cynique («faites la guerre, allez mourir à notre place») ne sera plus tenable. Poutine aussi sait que si son «opération spéciale» stagne encore des semaines et des mois, il risque d’être renversé. Plus probablement par des nationalistes encore plus durs et dangereux plutôt que par les mouvances aux aspirations démocratiques et pacifiques. 

Le président turc Erdogan offre aussi ses services et a quelques moyens de pression sur la Russie. Si demain l’Allemagne se joint à lui, aussi invraisemblable que cela paraisse aujourd’hui, la proposition pèsera. Toutes les guerres ont une fin. Parfois sans vainqueurs ni vaincus.

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

5 Commentaires

@Giangros 29.07.2022 | 08h33

«Merci Monsieur Pilet de nous faire connaître cette excellente initiative allemande. CB»


@hum 29.07.2022 | 17h18

«Un Vert pour la paix ? A force d'entendre tous ces antimilitaristes et rescapés de fusillade devenus va-t-en-guerre on n'y croyait plus. Danke, Herr Kretschmer.»


@hermes 31.07.2022 | 14h48

«Mais qui ne désire pas la paix à part quelques imbéciles qui ne trouvent un équilibre qu’en violentant les autres?
Ceci dit, pas n’importe quelle paix! Si le but est de se donner bonne conscience en acceptant d’accorder une trêve aux Russes pour qu’ils recommencent leurs agressions dans quelques années, alors toutes les souffrances infligées aux Ukrainiens n’auront pas servi une paix durable!
Il faut que les Russes soient suffisamment sonnés et remis à leur juste place (celle d’une puissance moyenne) pour qu’ils comprennent n’avoir aucune chance de recommencer!»


@Chan clear 04.08.2022 | 18h03

«Hé bien, oui en effet, on se réjouit que cette guerre se termine et si des voix s'élèvent pour accélérer le processus, tant mieux !
Toutes ces armes livrées, que vont elles devenir ?
merci pour votre article.»


@Elissa 18.11.2022 | 15h48

«"Un chien vivant vaut mieux qu'un lion mort": comment souhaiter autre chose que la paix? Prolonger la guerre des autres pour le principe de donner une petite leçon à tel ou tel homme politique en espérant qu'il "aura bien compris et ne recommencera pas" est à la fois naïf et gonflé (le mot est faible)...
On ne peut pas appliquer les principes éducatifs qui ont permis à nos fistons de grandir bien droits aux hommes d'État: d'abord, ils sont malheureusement déjà trop vieux pour être éduqués;) Ensuite, ils sont formatés pour penser à court terme et leurs actes sont guidés par bien des intérêts sonnants et trébuchants.
Il n'y a pas de bonne guerre, même pas pour les autres. Une guerre est toujours une barbarie infligée à des innocents et personne n'aimerait y envoyer ses fistons, pas même les chefs d'État.»


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