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A vif

A vif / Un très mauvais timing

Chantal Tauxe

25 septembre 2018

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Johann Schneider-Ammann prend le risque que la course à sa succession distraie l'opinion et l'énergie des partis de la campagne sur l'initiative dite d'autodétermination, sur laquelle nous votons dans deux mois.



Si l’on considère que la politique suisse est un long fleuve tranquille, alors Johann Schneider-Ammann démissionne au bon moment et il a un bilan formidable – puisque l’économie va bien. 

On peut avoir un autre point de vue, moins lénifiant. Dans deux mois, le 25 novembre, nous votons sur une initiative dangereuse pour notre avenir et notre prospérité. En annonçant son départ aujourd’hui, le chef du Département de l’Economie montre qu’il n’a ni le sens de l’état ni celui du timing. Il aurait dû s’en aller beaucoup plus tôt, ou après ce scrutin crucial. Le feuilleton de la succession va parasiter la campagne contre l’initiative dite d’autodétermination. Si Doris Leuthard décide elle aussi de déserter maintenant, le tintamarre de la politique politicienne va occulter un débat sur la souveraineté et le droit international compliqué à mener car objectivement complexe.

Un remake du pataquès de février 2014 est en vue. Contre l’initiative sur l’immigration de masse, le Conseil fédéral avait déjà affiché une étrange mollesse. Ce sera joli d’être élu-e le 5 décembre si la Suisse a accepté 10 jours avant un texte constitutionnel qui va définitivement empoisonner nos relations avec l’Union européenne et décrédibiliser tous les accords signés avec le reste du monde, notamment les fameux accords de libre-échange, mis au crédit de JSA. 

Le libéral-radical bernois fait également très peu de cas des négociations en cours sur l’accord-cadre avec l’UE, où il était censé appuyer son collègue Ignazio Cassis et convaincre les syndicats. Ce dossier a déjà beaucoup pâti de la «démission état d’âmes» de Didier Burkhalter. Il aurait fallu rassembler les énergies pour conclure avant la fin de l’année: techniquement les négociations sont pratiquement bouclées, leur aboutissement officiel requiert, de part et d’autre, de fortes volontés politiques. 

A moins d’un miracle, on va donc assister dans les semaines à venir à une hyperpersonnalisation des enjeux, là où il aurait fallu un engagement sans faille et déterminé de tout le collège gouvernemental, et de tous les partis politiques (excepté celui qui a rédigé un texte aussi tordu). 

Comme lors de la campagne pour combattre l’initiative de mise en œuvre en 2016, c’est la société civile qui va devoir redoubler d’énergie pour défendre les principes démocratiques de l’état de droit. 

Cela en dit beaucoup sur l’état de notre classe politique, qui abdique trop facilement face aux dérives populistes. Une classe politique dont Johann Schneider-Ammann a été un représentant tragiquement typique, avec son style bon enfant, le regard toujours perdu au-delà du continent européen, incapable de se focaliser sur l’urgence du moment.

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

4 Commentaires

@Lagom 26.09.2018 | 19h13

«Il semblerait que Monsieur Shneider-Ammann se vantait auprès de ses homologues européens de nos chiffres du chômage, d'après le Seco, actuellement à 2,4%, or le chômage chez nous d'après le standard que les autre pays utilisent est proche des 4.8%. Je ne comprends pas le but de cette stratégie menteuse, qui nous attire la jalousie alors que 35 mille personnes passent à l'aide sociale chaque année en Suisse. L’Allemagne affiche moins de chômeurs que chez nous. Les PLR mesurent le taux du bonheur du pays d'après les bénéfices des entrepreneurs. Ils faut leur dire de regarder un peu le peuple ordinaire et la misère sociale.»


@Bogner Shiva 212 30.09.2018 | 19h52

«Et ...si c'était justement une statégie...?»


@Lagom 01.10.2018 | 17h33

«@Bogner Shiva 212: C'est sans aucun doute qu'il s'agit d'une stratégie pour "calmer le jeu" chez nous. Notre pays devrait négocier un moratoire partiel à l'accès des frontaliers au marché du travail, pendant de 5 à 7 ans, afin de réduire véritablement le taux du chômage de 4,8 à 2,4%. La GB est sur le point de quitter l'UE à cause de la libre circulation, bien que le taux du chômage est à 4,10% chez eux, moins élevé que chez nous. Un pays qui ne protège pas "ses enfants" est un pays qui est voué à disparaître. Le Canton de Genève consacre 8 à 10% de son budget pour la lutter contre la misère sociale. Ce n'est pas vivable à long terme. La politique actuelle est en train de pousser petit à petit la population dans les bras trompeurs des nationalistes.»


@Lagom 30.01.2019 | 14h03

«Heureusement qu'il est parti. C'est l'odeur du cambouis dans les usines et la résonance des machines-outil qui l’intéressaient, pas la politique. Il disait aux jeunes "baisse ta tête et travaille" il ne voulait que des apprentis et des futurs ouvriers en Suisse. Pour les études il voulait rendre la maturité encore plus difficile alors qu'elle est déjà le Bac. le plus difficile sur la planète. Le PS et l'UDC ne voulaient pas une personne puissante comme Madame Karin K.S. il y a 9 ans, ils ont choisi le moins bon pour le pays. Résultat, 9 ans après la meilleure doit d'occuper d'un département que tous les autres conseillers fédéraux savent faire, et de ne pas être à la place qui était la sienne à la tête de l'économie. Le PS n'était pas à son premier coup tordu mais l'UDC, qui a la responsabilité du no., avait clairement failli il y a 9 ans ! Bonne retraite quand même à lui, il a beaucoup fait pour le pays!»