A vif / Mise à jour du vocabulaire
Restons à la page. Les mots changent au gré des circonstances. Guetter les nouveautés du langage permet de ne pas passer pour un vieux plouc et aussi de sourire, plus ou moins jaune, aux pirouettes de l’époque.
Ainsi n’allez pas dire qu’un loup a été flingué en Valais. L’un d'eux ayant été trouvé sans vie, donc mieux que mort, la police cantonale l’a autopsié et indique que «la radiographie effectuée a démontré qu’un projectile avait traversé l’animal». Gare aux promeneurs dans ces vallées où se baladent des «projectiles»!
Les chômeurs ont moins à sourire quand ils lisent les communiqués des entreprises qui licencient. On parlait il y a quelques années de plans de licenciements. La pudeur ou l’esprit positif a introduit ensuite le terme de «plan de restructuration». C’est dépassé. Il faut dire aujourd’hui «plan de sauvegarde de l’emploi»… Il est si évident, n’est-ce pas, que les mises à la porte confortent les emplois restants…
La crise sanitaire a aussi chambardé le dictionnaire de la vie quotidienne. Utilisiez-vous souvent le mot «présentiel» auparavant? Il porte désormais sa part de rêve en temps de «confinement». Du latin «confinium», pour désigner les frontières. Devenues diablement rapprochées. Prenons garde à ce que nos langues ne fourchent pas. Ne pas parler des vieux impotents, ce sont des personnes «à mobilité réduite», «vulnérables», «à risque».
Quant à la bise, elle doit rester une notion strictement météorologique. Conclure par facilité le message à une copine par «Bises» est une provocation à la désobéissance. En l’occurence le message sanitaire a trouvé le consensus à perpétuité.
Pour pointer les désobéissants justement, les qualificatifs fleurissent. Ils sont vite taxés de «complotistes» alors que bien souvent les grincheux n’ont jamais songé à quelque machination et ont simplement exprimé quelque interrogation ou critique. Les manifestants qui échauffent les rues des Pays-Bas ? Des «négationnistes» selon maints articles de presse. Une étiquette assez lourde réservée jusqu’alors à ceux qui nient la réalité de l’Holocauste.
Rien n’est assez fort pour faire taire les indociles, qu’ils soient fous ou raisonnables. C’est le grand sujet de ces jours, surtout depuis que Trump a été banni de Twitter et d'ailleurs en raison de ses propos chaotiques. Les réseaux sociaux, cette malédiction! Les âmes pures les épluchent et réclament à hauts cris leur mise sous tutelle. Sous l’autorité morale des géants d’internet. Rassurant, non? Chacun choisira l'«emoji» qui convient.
La traque des mots suspects débouche sur celle des idées jugées dangereuses. On n’en est plus à démasquer les «fake news», qui pullulent il est vrai. Ce sont des discours politiques considérés comme des menaces pour la démocratie et la paix civile qui se trouvent dans le collimateur. Besoin de censure? Pas de gros mots, s’il vous plaît. Dans son essai Apocalypse cognitive, fort intéressant au demeurant, le sociologue français Gérald Bronner, spécialiste de la sociologie cognitive, a trouvé une meilleure formule. Il s’agirait, selon lui, de «réguler le marché des idées». L’expression plaira à M. Xi Jinping qui, en Chine, est allé assez loin dans cet effort.
Vous trouvez tout cela bien noir? Alors invitez vos amis à un «apéroskype» pour en débattre.
VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
1 Commentaire
@Qovadis 29.01.2021 | 18h02
«Excellent. Je me suis toujours demandé comment les langues parlées dans les grandes civilisations de l’Antiquité ont pu devenir des langues mortes. Le langage des vainqueurs remplace celui des vaincus, ou bien, peu à peu certains mots tombent en désuétude et de nouveaux arrivent. Récemment l’ai trouvé dans un grand quotidien romand le nom d’écorose pour désigner un écologiste socialiste et le verbe ubériser pour exprimer l’évolution regrettable du rapport employeur-employé dans certains secteurs.»