A vif / L’insondable culot du patron des CFF
Sur tout l’arc jurassien, de Genève à Bâle, s’élèvent protestations et colères devant l’horaire prévu par les CFF pour 2024. Temps de parcours allongés, changements de trains. Cela ne fait ni chaud ni froid au patron du rail, Vincent Ducrot. Il affiche une mine satisfaite au Téléjournal, heureux de la solution trouvée, «la moins mauvaise possible».
L’incroyable retard du chantier de la gare de Lausanne, la hausse des tarifs – ils sont déjà trois ou quatre fois plus élevés au kilomètre parcouru que dans les pays voisins – ne le préoccupent pas davantage. Et pas un mot sur les causes de cette régression. Depuis des décennies l’entretien du réseau est négligé, la priorité ayant été longtemps donnée au résultat financier, ainsi qu’aux tronçons les plus fréquentés. Mais économiser en n’entretenant plus l’outil, négliger la vue d’ensemble, dans toute entreprise cela se paie un jour. Ainsi, par exemple, selon un expert, sur la ligne surchargée Lausanne-Genève, la moitié des rails doivent être changés. D’où de durables perturbations.
Ces travaux coûtent fort cher. Dès lors les projets ambitieux sont repoussés. Depuis l’élaboration du programme «Rail 2000», les experts s’accordent sur l’impérieuse nécessité d’améliorer aussi la liaison Lausanne-Fribourg-Berne. En redessinant son tracé qui date de 150 ans. En 2007, le conseiller aux Etats Olivier Français – l’artisan du métro M2 – élaborait un plan à plusieurs options, applaudi par les Vaudois, les Fribourgeois et les Bernois. Le dossier n’a pas avancé d’un pouce. Pourquoi? Pour plusieurs raisons. D’abord les élus fédéraux romands, à de rares exceptions, s’intéressent peu au sujet et ne montent pas au filet. A gauche, chez les Verts, souvent à droite aussi, on parle beaucoup d’écologie mais en fait on se moque du retard pris par l’infrastructure ferroviaire. Alors que celle-ci, c’est l’évidence, est déterminante si l’on veut limiter la croissance du trafic routier. Pour les personnes mais aussi pour les marchandises. En attendant, il y aura toujours plus de camions sur la route.
Il faut noter que les Romands ne sont pas les seuls à se plaindre avec quelque raison. La Suisse orientale a aussi été marginalisée. Le trajet Winterthur-St.Gall a grand besoin d’être modernisé. Que s’est-il passé? C’est simple: tout l’effort a été concentré sur le trajet Berne-Zurich, redessiné, hautement performant. Succès dû à l’insistance, au poids politique des cantons concernés. Ils ont su imposer leurs priorités aux stratèges des CFF et leurs bureaux d’études, tous alémaniques, soit dit au passage.
Et voilà que Vincent Ducrot, après avoir expliqué aux Romands que «quelques minutes de plus, c’est pas si grave», fait une révélation dans les médias alémaniques. Un projet lui tient à cœur qu’il chiffre à sept milliards: améliorer encore la ligne Berne-Zurich, la plus performante de tout le réseau. Entre la ville fédérale et Olten, les trains peuvent rouler jusqu’à 200 km/h mais ensuite doivent ralentir. A une vitesse cependant encore deux fois supérieure à celle des malheureux convois qui serpentent entre Lausanne et Fribourg. Il est même prévu un tunnel de 30 kilomètres entre Rupperswil (AG) et Altstettent (ZH), réservé au trafic des voyageurs et permettant des pointes jusqu’à 250 km/h. Ducrot martèle: «Nous devons rouler plus vite à travers la Suisse». Le double langage ne lui fait pas peur. Le Conseiller fédéral Rösti le freine cependant dans ses élans, préférant quant à lui améliorer le réseau autoroutier engorgé autour de Zurich. Ce sera aux Chambres de trancher.
Les Romands se réveilleront-ils? Sauront-ils trouver une alliance avec leurs collègues de Suisse orientale pour imposer des priorités plus urgentes et raisonnables? Il faudrait pour cela qu’ils se plongent sérieusement dans le dossier. Les pieds sur terre. Mais il est tellement plus facile de rabâcher les rengaines générales sur le climat. Le nez en l’air.
VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
3 Commentaires
@marcello 12.05.2023 | 09h05
«C'est une façon de voir. Regarder les élus romands qui ne se préoccupent pas ou trop peu du réseau de transport public (y compris les bus), qui ne veulent pas ouvrir de crédit supplémentaire en attendant béattement les subventions de Berne.
A Zürich les votations pour des crédits des TP sont approuvés . Exemple en 2001, gare de Zürich, 82% de JA pour un crédit de 580 mio.
Prenez la votation sur Neuchâtel: simplifier le trajet Neuch- La Chaux par un nouveau traçé ferroviaire : c'est refusé.
Et quand ça coince en Romandie, ça coince et ça va coincer sérieusement si l'on ne fait rien. Le prix a payé est actuellement faible, par rapport à l'attitude de la Romandie ces dernières années.»
@Bogner Shiva 212 12.05.2023 | 12h26
«Pour une fois je vais être très concis, nous avons un système ferriovaire à l'exacte image de la médiocrité des politiques Romands et là je me force à être poli !!! Quand à ce monsieur Ducrot il ne peut que démontrer l'arrogance de certaines personnes payées par des intérêts tous sauf publics...là aussi je me force à la politesse !»
@alphea2010 14.05.2023 | 11h19
«Les propos tenus pas Vincent Ducrot, "grand patron des CFF", dans l'émission Temps Présent de jeudi dernier (11 mai 2023) m'ont proprement sidérée. Si j'y ajoute une attitude qui frise le j'm'en-foutisme, je me suis vraiment demandée ce que ce monsieur faisait à ce poste. Tout au long de l'entretien, j'ai eu l'impression que son discours était destiné à un troupeau d'imbéciles. Je me suis donc demandée si cet homme ne pataugeait pas tout simplement dans la boue de son niveau d'incompétence depuis qu'il a été nommé "grand chef" il y a trois ans. Ses arguments de défense sont stupides, sans parler du fait que, pour lui, les coupables sont bien évidement de l'autre côté du Röstrigraben (peut-être sa façon de tenter de monter les romands contre les alémaniques ? Pauvre Monsieur Ducrot, il a trois guerres de retard !!). En tout cas, je suis écoeurée, non seulement par ce fonctionnaire idiot mais également par toutes ces magouilles qui émergent peu à peu des attitudes, compromissions, intérêts personnels et autres manoeuvres indignes de la part de certains (beaucoup) de représentant(e)s du peuple. Et justement, moi, je suis le peuple. Et ce Ducrot (mais pas que) j'aimerais pouvoir le virer sur le champ. Quand aux politicien(ne)s qui voient bien où sont les problèmes, je suis stupéfaite de les entendre dénoncer les personnes et les pratiques honteuses avec de toutes petites voix qui montrent à quel point ils ont la trouille de perdre leur place. Il nous faut des gens qui savent mettre des coups de pieds dans la fourmilière, sans peur et sans pitié. "Mort aux cons" diraient certains !»