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A vif

A vif / L’aéroport de Falk Richter dans une grange de ferme


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Ils sont une quinzaine sur scène pour représenter la vie de Joy et Tom ainsi que tous les hommes d’affaires en cravates, les employées d’aéroport en talons, les personnes stressées ou celles qui n’ont pas le temps d’aimer. Ils sont une quinzaine sur scène: tout simplement pour dépeindre la frénésie du 21e siècle. Hier se jouait la première représentation de «Electronic City» de Falk Richter. Une dystopie interprétée avec authenticité par l'une des troupes amateurs du Comsi.



Des hommes et des femmes en costard-cravate enchainent les hôtels dans un rythme frénétique de réunions. Ils se bousculent dans les aéroports, leur avion a du retard, ils respirent fort, ils sont essoufflés. «Fuck, Fuck, Fuck», «Putain de machines de merde». Le propos est clairement identifiable dès les premières minutes du spectacle: nos vies sont faites de répétition de gestes déshumanisés dans un monde global, aseptisé et électronique; un système qui pousse tout un chacun à consommer, investir, manager, mener des briefings, se masturber, répondre à des mails et recommencer.

Est-ce que le message est clair pour tout le monde? Oui: pendant toute la première partie du spectacle, il est stabilobossé, souligné, répété et martelé. Un peu trop peut-être? Possible, mais mieux vaut le dire deux fois qu’une; de toute façon, pour ce que ça changera…

Electronic City c’est aussi l'histoire ou plutôt l'absence d'histoire de Joy et Tom: ils sont amoureux. Comme certains s’embrasseraient entre deux voitures, eux se retrouvent entre deux avions. Elle est vendeuse dans un de ces «prêts à manger» à la française que l’on retrouve dans les aéroports de Sydney, Amsterdam, Hong Kong ou partout ailleurs. Lui est homme d’affaires, en réunion permanente depuis dix ans. (Répartition des rôles sexiste, ou simple miroir de notre réalité, à vous de juger).

Elle est vendeuse dans un de ces «prêts à manger» à la française que l’on retrouve dans les aéroports de Sydney, Amsterdam, Hong Kong ou partout ailleurs. © Sylvain Chabloz

Amoureux, vraiment? Peut-être sont-ils en fait simplement de petites stars minables (mais si humaines...) de la téléréalité dont un réalisateur (journaliste?) a scénarisé la vie pour mieux dire: «ne vous inquiétez pas, chers (téle-)spectateurs et chères (télé-)spectatrices, si votre vie ressemble à celle-là, c’est normal. Continuez.» Tout cela dans un effet de distanciation à la Brecht qui nous ramène à la fois sur notre siège de théâtre et devant l’ascenseur avec Tom, lorsque le téléphone sonne. Vous l’entendez la sonnerie si typique du smartphone à la pomme? Eh bien détrompez-vous, ce n’est que la vieille sonnerie d’un Nokia qui crache son appel: car la pièce Electronic City date du début des années 2000, lorsque nous devions encore nous asseoir derrière un ordinateur pour «checker nos mails»… A se demander à quoi ressemblerait la pièce si elle avait été écrite aujourd’hui.

Réussie, donc la prestation de l'une des troupes de l'école de théâtre du Comsi  en cette première au festival des Granges à La Chaux. La performance est digne des grandes scènes: les créations musicales discrètes, mais indispensables, soulignent à merveille le propos, sans compter la projection vidéo qui offre de la profondeur aux scènes. A la fin du spectacle, on oublie d’ailleurs volontiers que l’on se trouve dans un village de moins de 500 habitants et que la pièce vient d’être jouée dans une grange réaménagée pour l’occasion. D’un lobby d’hôtel dans une ville électronique, on se trouve, dehors, projeté face à une ferme et à des champs. Le contraste est frappant et c’est un peu la marque de fabrique du festival: casser les clichés du «théâtre villageois» et créer un (certes modeste, mais) véritable festival d’Avignon amateur au Pied du Jura.


Le Festival des Granges à La Chaux sur Cossonay, du 29 août au 9 septembre. Sept pièces, interprétées par des élèves des Ateliers de Théâtre du Comsi, à découvrir dans trois lieux différents.


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