A vif / Dandys Dadaïstes
suivi de: «Tu connais Warhaus?»
suivi de: «Vidéo: entendu au Montreux Jazz»
Quarante ans. Quarante ans de carrière et seulement quatre concerts au compteur. Cela finit d’asseoir le mystère d’un projet légendaire unique et iconoclaste, mondialement renommé dont les tubes (Oh Yeah, Bostish, The Race) sont imprimés dans les cortex, de ceux qui croyaient encore ne pas connaître Yello.
L’événement méritait bien la présence de Mathieu Jaton, venu présenter les pionniers ce mercredi 12 juillet 2017 au Jazz Lab. Le boss ne cache pas sa fierté ni le plaisir de réaliser un rêve, jadis porté par Claude Nobs. Exprimant l’émotion et la joie ressentie lors de la confirmation de booking du duo dandy dada, venu entre autre célébrer son dernier album Toy.
Venu en nombre, le public du Lab est aussi curieux qu’impatient, fier et heureux de ce privilège de pouvoir dire: «J’y étais».
L’énergie positive de l’attente est aussi profonde que les basses et percussions qui bientôt feront vibrer nos tripes lors du show de plus d’une heure et demie.
Confortable derrière ses machines, Boris Blank démarre le concert, et les éblouissantes projections vidéos arty métronomiquement calées définissent à merveille l’expression française: «voir» un concert.
Maître Dada, dandy milliardaire épicurien, voix profonde, Dieter Meier arrive sur scène, dévoilant la composition du groupe. Guitare, percussions, batterie, sections de cuivres et choristes achèvent les derniers préjugés des éventuels «éléctrosceptiques». Le son est énorme, voilà pour l’expression «écouter» un concert. Performer «novice», le septuagénaire est loquace, élégant et statique. Il fait équipe avec son «lui-même» qui danse sur les projections vidéos en arrière scène.
«Sans Boris, je ne pourrai pas chanter»
Dieter ne boude pas son plaisir: il narre la genèse des morceaux, rend hommage à son fidèle comparse («sans Boris, je ne pourrai pas chanter») enchaîne les tubes et les morceaux plus récents (qui, en totale-hyper-subjectivité, peinent au décollage). L’artiste businessman charme tout le monde et nous manque lorsqu'il laisse la place à deux magnifiques chanteuses qui propulsent la foule dans un ailleurs qui n’est pas Yello.
Extrêmement généreux, maîtrisé, le spectacle tord le cou à ceux qui soupçonnaient Yello de ne pas être taillé pour la scène. S’il faut deux fois vingt ans avant d’oser ou vouloir se présenter à son public, ne devrait-on pas voir ici la forme de respect la plus extrême pour lui? Le signe d’une extraordinaire timidité ou alors d'une stratégie de communication diablement efficace? Qu’importe, cela valait le coup d’attendre. Et quand bien même Yello devait se reproduire sur scène, ce concert-là, au Montreux Jazz, restera éternel.
Car si Boris et Dieter ne sont pas des artistes, qui pourrait oser prétendre à ce statut? Claude Nobs? Assurément. Ce concert était d'ailleurs pour lui.
Warhaus, Lisztomania, MJF, 12 juillet 2017
«Tu connais Warhaus?»
Marteen Devoldere, alias Warhaus. @ 2107 FFJM - Anne-Laure Lechat
Bien sûr, les admirateurs de Balthazar, quelques fans, et les très attentifs lecteurs du programme de Montreux savent qui est l’artiste qui s’apprête à fouler les planches du Lisztomania. Les autres, venus notamment pour Alice Roosevelt, s’interrogent encore. Prêts à découvrir ce nouveau projet, mais pas à prendre une claque magistrale.
Un coup au cœur lors d’un concert, c’est rare. Trop beau pour être raconté. Comment vous assurer que les muses de la poésie et de la créativité sont venues en personne saluer le ténébreux belge blond, Marteen Devoldere, alias Warhaus?
Trop frustrant surtout pour les absents d’apprendre que les compositions de ce très bel et premier effort solo We Fucked a Flame into Being (titre puisé dans L’Amant de Lady Chatterley) écrites et enregistrées sur une péniche, prennent toute leur puissance en live.
Sadique évidemment de décrire cette incroyable présence scénique, ces chœurs (par l’hypnotique Sylvie Kresuch), ces guitares à la dissonance digne d’un Marc Ribot, cette batterie semi-acoustique, ce melodica, cette trompette loopée que l’artiste feint de «ne pas savoir jouer».
Non, je ne vous parlerai pas de son incroyable basse Fender à deux jacks, de ses cordes hybrides qui lui donnent une merveilleuse signature instrumentale et stylistique.
Les pairs pères ne sont jamais loin
Inénarrable cette énergie qui déboule sur ce Beaches instrumental à la Tom Waits aux loops de trompette, à ces basses et guitare étrangement groovy. Pas de mots, non plus, pour le final en grâce sur un «very quiet» Bruxelles, au son de cette splendide Danelectro jouée, s’il vous plait, au tournevis et à la Whammy.
Certes, les pairs pères ne sont jamais loin. Leonard Cohen ou Gainsbourg pour la scansion et les atmosphères mélancoliques (I’m Not Him), Lou Reed dans le timbre de voix (Memory) ou encore Nick Cave pour la gestuelle et les attitudes scéniques de Marteen face au public (lorsqu’il n’est pas enlacé de sa quatre cordes). Je tairai le fait que Marteen Devoldere fait du Warhaus avec son propre son, ses propres textes, cohérents et authentiques, et que chaque chanson célèbre l’imperfection des rencontres, rend hommage à la décadence et à l'intensité que la vie peut offrir.
Non, ce que je vous dirai, c’est de courir acheter l’album, guetter l’évolution du projet et de vous ruez sur le prochain concert du gentleman flamand. Au Jazz Lab l’année prochaine?
Bonus
Pour plonger dans la création de l’album, le documentaire I’m not him, de Wouter Bouvijn
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