Reportage / Voyage en vélo à travers la Bulgarie (3 et fin)
Six cents kilomètres séparent Sofia, la capitale, de Velik Tarnovo, au centre-nord de la Bulgarie. En dix-sept jours de vélo, du 17 mai au 3 juin, j'ai découvert un pays attachant et d’une richesse culturelle insoupçonnée. Dans ce troisième et dernier chapitre, je vous propose, entre autres, de rencontrer des Roms, de visiter des monastères et de découvrir la culture des roses.
Les Roms sont nombreux en Bulgarie où ils représentent le 12% de la population. J’en ai rencontré peu dans les villes, beaucoup dans des villages pauvres, perdus dans la campagne. Les femmes travaillent aux champs, repiquent le riz et constituent la majorité des cueilleuses de roses.
Yoakim Gruevo. © Toutes les photos sont de Roland Sauter
Isperihovo.
Comment dit-on "MeToo" en bulgare? Le long des routes, les publicités semblent d’un autre âge. Elles s’intègrent plutôt bien dans une culture assez machiste: à la campagne, les bistros ne sont occupés que par des hommes.
Plovdiv est la deuxième ville de Bulgarie, derrière Sofia. Elle compte environ 350 000 habitants et se situe dans la plaine de Thrace, une grande région paysanne. Le plus bel endroit qu’on y trouve est le jardin du Tsar Simeon (864-927). Un jardin qui a été dessiné et réalisé par un Vaudois, Lucien Chevalas, dont le buste orne l’entrée des lieux. Chevalas a aussi été le jardinier de Napoléon III – dire qu’il faut que je me rende en Bulgarie pour apprendre l’histoire des illustres vaudois...
Les jardins du Tsar Simeon.
Plovdiv est la plus ancienne ville d’Europe encore peuplée. Les premières traces de civilisation remontent à la période mycénienne, c’est-à-dire à la fin du IIe millénaire av. J.-C. A cette époque, Plovdiv s’appelait Eumolpia. Elle fut conquise en 342 av. J.-C. par le père d’Alexandre le Grand, Philippe de Macédoine, qui la renomma Philippopolis. Lorsqu’ensuite elle se retrouva intégrée à l’Empire romain, elle prit le nom de Trimontium et devint la capitale de la province de Thrace. Les Slaves s’y installèrent au milieu du VIe siècle et la ville devint bulgare pour la première fois en 815. En 1364, elle fut conquise par l’empire Ottoman. Les cinq siècles d’occupation ottomanes n’ont laissé que bien peu de traces, dont une mosquée. Son nom actuel, Plovdiv, apparaît pour la première fois au XVe siècle. Resté enfoui, son théâtre romain n’a été redécouvert que dans les années 1970, ce qui explique son magnifique état de conservation.
Le théâtre romain de Plovdiv, miraculeusement préservé.
Spectacle dans le théâtre romain de Plovdiv: «Le mystère des voix bulgares».
La mosquée de Plovdiv.
Asenovgrad est un petit bourg au sud de Plovdiv. Je m’arrête devant l’église où a lieu une distribution de soupe et de pain. Ceux qui viennent sont vieux et ont l’air bien pauvres. Les bénévoles tiennent absolument à me faire partager ce repas – pas facile si tôt le matin…
Dans l’église d’Asenovgrad, une iconostase sculptée avec délicatesse.
Depuis Asenovgrad, une jolie montée ombragée m’amène au monastère de Bachkovo. Perdu dans le fond de la vallée, entouré de hauts murs fortifiés, c’est une petite merveille. Les différentes variantes des supplices endurés par les chrétiens durant l’occupation turque est un motif que l’on retrouve souvent dans les fresques.
L’église au centre du monastère fortifié.
L’occupation turque n’a pas dû être tendre.
Le dialogue mélancolique du moine et du séchoir. Monastère Bachkovo.
En redescendant la vallée, j’aperçois quelques sculptures dans la forêt. Je m’arrête, les chiens aboient, un homme s’avance: Atanas, le sculpteur. Il parle quelques mots d’anglais, me fait visiter son atelier. Il trouve des blocs de marbre dans le lit de la rivière, travaille au ciseau et au marteau, parfois aussi à la meule. Superbe moment d’échange, c’est là le bonheur du cycliste.
Entre Bachkovo et Asenovgrad.
Le monastère de Preobrajenski, lui, se situe au nord de Veliki Tarnovo. C’est dimanche et, pourtant, il n’y a presque personne. Je reste un quart d’heure, seul dans l’église, à admirer les fresques lumineuses. Ce matin, j’ai assisté à la messe dans la cathédrale de Veliki Tarnovo. Il y avait en tout et pour tout une quinzaine de fidèles et une trentaine de touristes japonais. La religion ne semble plus avoir la cote par ici.
Les fidèles ont aussi besoin de chauffage.
Je croise souvent des bergers, parfois leur troupeau ne compte qu’une douzaine de bêtes. On comprend pourquoi tant de jeunes cherchent leur bonheur à l’étranger.
Prés de Dabovo.
Je me suis levé tôt ce matin à Kazanlak pour voir les cueilleuses de rose: afin de préserver au mieux la précieuse huile de rose, la cueillette se fait avant le lever du soleil. La Bulgarie assure à elle seule 60% de la production mondiale d’huile de rose. Pour en produire 1 kilo, il faut environ 3 à 5 tonnes de roses, soit 20 millions de pétales. En bon cycliste, j’en perds les pétales… Dimanche prochain aura lieu la fête de la rose, le plus grand festival de Bulgarie, 150 000 personnes sont attendues à Kazanlak.
Enina, dans la vallée des roses.
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