Opinion / A quel pays appartient la Crimée?
Selon la pensée dominante, il semble évident que la Russie a annexé la Crimée en 2014. Pourtant, une analyse historique, prenant notamment en compte le droit à l’autodétermination des peuples, raconte une réalité différente.
Il est évident, selon les médias dominants, que la Russie a envahi la Crimée et l'a annexée au printemps 2014. La réalité est cependant très différente. Explications: tout d'abord cet évènement a lieu alors que toutes les régions russophones du sud-ouest de l'Ukraine, de Kharkov à Odessa, se révoltent contre la décision du pouvoir issu du coup d'Etat de supprimer la langue russe en tant que langue nationale, alors que la majorité des habitants l'utilise. La particularité de l'armée ukrainienne de cette époque est d'être organisée territorialement, les militaires étant liés à leur région (oblast). De ce fait, ils ont soutenu les révoltes de leur famille et sont devenus avec armes et bagages les «armées» des deux «républiques» du Donbass et de la Crimée, en supprimant de leurs uniformes les signes qui pouvaient les confondre avec les soldats de l'Etat ukrainien qui les attaquaient alors, bataillons néo-nazis en tête. Ils sont devenus ainsi les fameux «hommes verts» tant décriés par nos médias.
La péninsule de Crimée a une importance stratégique très importante et a probablement joué un grand rôle dans les plans US liés à la préparation de la guerre contre la Russie. En effet, son contrôle par une Ukraine liée à l'OTAN aurait permis le contrôle total de la Mer noire, en liens avec la Turquie, la Roumanie et la Bulgarie tous membres de l'OTAN. Avec en plus la disparition de la flotte russe basée à Sébastopol. Ces plans, comme d'habitude, n'ont pas tenu compte de l'autodétermination des peuples, mais celle de la population de la Crimée s'est exprimée à plusieurs reprises et a fini par l'emporter.
Une république ballottée
Dans le cadre de l'URSS, la «République Socialiste Soviétique Autonome de Crimée (RSSA Crimée)» fait partie intégrante de la Russie jusqu'en 1954, quand Nikita Khrouchtchev décida personnellement de la rattacher à l'Ukraine soviétique. Ceci en dehors de tout respect de la légalité d'alors, sans sa validation par le Soviet suprême ni par les gouvernements russe et ukrainien. Et surtout sans l'accord de la population criméenne. Russe d'origine, Khrouchtchev était très lié à l'Ukraine, ayant vécu jeune dans le Donbass et travaillé comme mineur. Puis nommé par Staline dirigeant de l'Ukraine en 1937, il y fut actif pour organiser les purges qui envoyèrent beaucoup d'innocents au Goulag ou au cimetière.
Lors d'un référendum le 20 janvier 1991, dans le cadre de l'URSS encore existante, la population de Crimée vote par 93,6 %, avec une participation de 81,3 %, le rétablissement de la «RSSA de Crimée» à nouveau rattachée à celle de la Russie, soit le retour à la situation précédente. La RSSA de Crimée en tant que sujet de l'URSS est rétablie le 12 février 1991 par le Soviet suprême de la «République Socialiste Soviétique d'Ukraine». Dès cette date les deux entités sont donc juridiquement séparées.
Le 17 mars 1991, le référendum sur le maintien de l'URSS récolte 70 % d'approbation. Cependant, le 24 août 1991, le Soviet suprême de la RSS d'Ukraine vote «L'Acte de déclaration d'indépendance de l'Ukraine», validé lors d'un référendum le 1er décembre 1991 par le peuple ukrainien avec plus de 90 % de votes en faveur et une participation de 82 % des électeurs.
Des votes largement majoritaires en faveur d’une appartenance à la Russie
La dissolution de l'URSS se produit le 26 décembre 1991 lorsque le Soviet suprême de l'Union soviétique et le Soviet des républiques du Soviet suprême de l'Union soviétique, par la déclaration numéro 142-N, créent la Communauté des États indépendants (CEI) et reconnaissent officiellement les indépendances, proclamées les mois précédents, des républiques de l'URSS.
Le 26 février 1992, la Crimée adopte le nom de «République de Crimée» en remplacement de la «République socialiste soviétique autonome de Crimée». Et adopte une Constitution le 5 mai 1992. Mais le 17 mars 1995, le gouvernement ukrainien supprime la Constitution, envoie son armée destituer le président élu Youri Mechkov et annexe la Crimée, déclenchant des manifestations populaires réclamant une fois encore son rattachement à la Russie.
La Crimée est donc sous contrôle de Kiev jusqu'au coup d'Etat de 2014. Le 6 mars 2014, le Parlement de Crimée organise un référendum avec le choix d'être dans l'Ukraine ou de rejoindre la Russie. Cette dernière option emporte la majorité et la Crimée redevient une des républiques formant la Russie.
En conclusion et en opposition avec toute la désinformation de nos médias dominants, il est évident que par ses différents votes très largement majoritaires, la Crimée est liée à la Russie et l'Ukraine indépendante a été le seul et réel envahisseur de cette République.
VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
10 Commentaires
@pozzy 31.01.2025 | 09h06
«C'est marrant, cet article n'évoque pas le sort des centaine de milliers de Tatars de Crimée, musulmans, victimes d'un ethnocide sous Staline, c'est-à-dire il n'y a pas bien longtemps. Ou est-ce que je pratique moi aussi de la désinformation quand je les évoque ?»
@Bob28 31.01.2025 | 09h08
«J'ai toujours préféré la lumière du plafonnier aux torches fouineuses. Merci pour votre éclairage !
JJ L'Epée »
@RFr 31.01.2025 | 10h13
«Merci pour cet éclairage fondé sur des faits historiques et n'en déplaise aux esprits chagrins habitués des manoeuvres de diversions des manipulateurs d'infos qui devraient sans peine se reconnaître.»
@simone 31.01.2025 | 19h25
«Merci de ce rappel historique indispensable à la préparation de la paix entre la Russie et l'Ukraine.»
@Vladimir le grand 02.02.2025 | 10h27
«Les tatars de Crimée à l’unanimité expriment qu’ils ont connu la paix, la liberté, la tranquillité entre 1991 et janvier 2014. Soit pendant l’indépendance de l’Ukraine. Depuis 2014 les tatars racontent que la Russie est venue avec ses militaires, son fsb, sa police et sa traditionnelle persécution contre les minorités.
On critique l’Ukraine pour sa loi sur la langue officielle, qui au passage au contraire de la propagande du Kremlin n’interdit pas la langue russe.
La langue russe n’était pas interdite en Ukraine en 2014 pas plus qu’en 2022.
On peut noter tout de même la particularité de la fédération de Russie qui oblige les républiques asiatiques et du Caucase l’utilisation comme langue officielle le russe alors que ce n’est pas la langue maternelle de ces territoires annexés par la Russie dans le passé.
Langue et écriture russe obligatoires dans les écoles, l’administration, dans les débats à la douma d’état à Moscou dans lesquels les politiciens des républiques de la fédération de Russie ont l’obligation de débattre en russe et non dans leurs langues autochtones.
Poutine est garant des libertés des minorités en permettant comme langue officielle les langues autochtones des républiques, mais en arrière cour la langue russe en rouleau compresseur efface les langues autochtones.
C’est le deux poids deux mesures des propagandistes russes qui critiquent l’Ukraine et qui en même temps acceptent pleinement ce que le gouvernement russe fait aux minorités de la fédération de Russie.
Quand à la Crimée les russes se sont installés dans le port militaire, le bord de mer, Yalta pour les aristocrates russes qui passaient du bon temps, à l’intérieur des terres il y avait les tatars qui pratiquaient l’artisanat et l’agriculture, plus au nord il y avait un mélange d’ukrainiens, de roumains, de russes, qui parlaient une langue qui mélangeait l’ukrainien, le roumain, le russe.
À Odessa la population il y a un siècle comprenaient mieux le roumain, l’ukrainien, que le russe parler à Kharkov.
Kharkov qui soit dit en passant est bombardée depuis 3 ans par l’armée russe. Même si la population n’a pas appelé la Russie pour venir la
libérer. Une ville qui vivait en paix avant février 2022.»
@Paul Véhunt 03.02.2025 | 09h58
«Cher Pozzi, je connais très bien le problème de la déportation par Staline de peuples entiers entre 1937 et 1945, dont les Tatars de Crimée. Un total de 2'700'000 personnes y compris les communistes d'ailleurs transférés dans des conditions épouvantables dans les plaines sibériennes. Tragédie détaillée avec le livre d'Alexandre Nekricht paru en 1978 'Les peuples punis' ou le livre de Jean-Jacques Marie 'Les peuples déportés d'Union Soviétique' paru en 1995. Mais ajouter la description de cette tragédie à un article, centré sur l'autodétermination du peuple criméen dans son ensemble, aurait multiplié sa longueur. »
@Paul Véhunt 03.02.2025 | 10h21
«Réponse à Vladimir : contrairement à votre affirmation, personne n'affirme que la langue russe a été interdite en 2014. La réalité est que le gouvernement issu du coup d’état a fait voter en février 2014 par le Parlement ukrainien l’abrogation de la loi sur les langues qui donnant un statut de langue régionale officielle aux langues minoritaires, dont le russe parlé en majorité dans le pays. C'est cela qui a entrainé le soulèvement des populations russophones de Kharkov à Odessa et le début de huit années de bombardements du Donbass avec 18'000 morts ukrainiens ! En 2017 le russe est en plus interdit dans l'enseignement.»
@Alain Schaeffer 05.02.2025 | 16h32
«Wikipédia dans son article sur la Crimée (lu en français aujourd'hui) donne des éléments qui vont dans les 2 sens, justifiant ou allant à l'encontre de son rattachement à la Russie. C'est ainsi que les informations devraient être rendues.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Crim%C3%A9e»
@Vladimir le grand 05.02.2025 | 18h38
«Réponse à Paul Véhunt:
2019.
Article 10
1) La langue d'État de l'Ukraine est l'ukrainien.
3) En Ukraine, le libre développement, l'usage et la protection des autres langues des minorités nationales d'Ukraine sont garantis.
Article 21Langue officielle dans le domaine de l'éducation.
1) La langue du système d'éducation dans les établissements d'enseignement est la langue officielle.
Les membres appartenant à des minorités nationales d'Ukraine se voient garantir le droit d'étudier dans les établissements d'enseignement municipaux pour l'enseignement préscolaire et primaire, ainsi que la langue officielle et la langue de la minorité nationale concernée en Ukraine.
( la langue russe est comptée dans les minorités ) .
En ce qui concerne les victimes de la guerre du Donbass: De avril 2014 à décembre 2021, il y a eu environ 13 mille morts. 4500 militaires ukrainiens, 6500 rebelles du donbass compris dans les 6500 environs 500 soldats russes.
Environ 3 mille civils morts durant ces années de 14 à 21, des civils qui se trouvaient malheureusement entre les bombardements des deux ennemis ce qui veut dire que la responsabilité de ces victimes civils sont autant du côté ukrainien que du côté du camp russe.
Igor Girkin aujourd’hui en prison mais très actif en 2014 au donbass puisque c’est lui est ses hommes qui ont déclenché la guerre en avril 2014 ne va pas démentir les faits.
Par contre depuis le 24 février 2022 l’armée russe porte la responsabilité de la majorité des victimes civils en Ukraine lors de ses bombardements pour soit disant libérer les russophones ukrainiens, un argument qui ne tient pas, puisque en réalité c’est une guerre impérialiste de la Russie dans le but d’annexer son voisin ukrainien.
»
@jeanpierre 06.02.2025 | 20h44
«Pauvre article purement de la propagande russophone, il oublié l’histoire! L’impérialisme russe a conquis la Crimée au 19e siècle pour en faite une colonie comme l’on fait les empires anglais, français. Malheureusement les populations autochtones ayant été éliminées, il en reste surtout des colons russes…»