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Livre

Livre / SDF, militant d'extrême-gauche puis journaliste

Simon Murat

8 août 2025

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«Le livre de Kells», Sorj Chalandon, Editions Grasset, 384 pages.



C’est d’une partie de sa vie dont parle Sorj Chalandon dans ce roman. A 17 ans, Georges – le prénom de naissance de l’auteur – quitte Lyon pour fuir son père, un homme violent et raciste qui le bat. Les années 1970 viennent de commencer, le jeune homme rêve de prendre la route pour Katmandou. Il ira jusqu’à Paris où il devient clochard − SDF comme on dit aujourd’hui. Georges se fait désormais appeler Kells, du nom d’une ville d’Irlande où son meilleur ami lyonnais était parti en vacances avec ses parents et lui avait envoyé une carte postale. Kells apprend petit à petit les règles de la rue. Le froid, la faim, l’insécurité. Après des mois de cette vie solitaire et précaire, il rencontre des membres de la Gauche prolétarienne, un mouvement maoïste. Certains d’entre eux ont quitté leurs études pour aller travailler en usine afin d’être plus proches des ouvriers qu'ils veulent catéchiser. Petit à petit Kells gagne leur confiance et leur offre la sienne. Ils deviennent sa nouvelle famille, il y trouve ce qui lui a manqué durant toute son enfance: de la chaleur humaine. C’est une époque de violence politique. A Paris, l’extrême-gauche et l’extrême-droite s’affrontent régulièrement à coups de barre de fer, les manifestations se transforment souvent en combats sanglants entre les forces de l’ordre et les contestataires. Kells donne des coups, en reçoit. Au-delà de l’histoire du jeune homme, ce roman est le rappel intéressant d’une époque où les bagarres idéologiques se déroulaient physiquement dans la rue plutôt que théoriquement sur les plateaux de télévision ou les réseaux sociaux. Le bilan qu'en fait l’auteur est très personnel, peu dialectique, ce n’est pas l’essentiel du livre. Que fera Kells après l’autodissolution de la Gauche prolétarienne en 1973? Sorj Chalandon, lui, est devenu journaliste au quotidien Libération, puis écrivain.

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