Lu ailleurs / Et s’il n’y avait jamais eu d’attaques chimiques à Douma?
Robert Fisk est correspondant pour «The Independant». Il publie un reportage qui remet en cause beaucoup d’a priori qui circulent aujourd’hui dans les médias (et dans les discussions de tout un chacun). Et si le 7 avril dernier, l’attaque chimique sur Douma – cette région de la Ghouta orientale, enclave encore «rebelle» à cette date – n’avait jamais eu lieu? Et si la quarantaine de morts annoncés était un leurre, ou du moins n’étaient pas liés à cette attaque? Et si la France, les États-Unis et la Grande-Bretagne avaient frappé pour de mauvaises ou d'autres raisons? Un article qui interpelle.
«C’est l’histoire d’une ville appelée Douma, un lieu ravagé et puant d’immeubles détruits – et d’une clinique souterraine dont les images de souffrance ont permis à trois des nations les plus puissantes du monde occidental de bombarder la Syrie la semaine dernière.»
«This is the sotry of a town Douma, a ravaged, stinking place of smashed apartment blocks – and of an underground clinic whose images of suffering allowed three of the Western world’s most powerful nations to bomb Syria last week.»
C’est un ainsi que commence ce reportage de Robert Fisk, correspondant pour The Independant à Douma. Dans ce papier, on peut y lire le témoignage d’un médecin de la ville, le Dr Rahaibani, qui explique que la vidéo représentant des enfants avec des masques à oxygène est certes tout à fait authentique, mais elle ne prouve cependant pas les attaques chimiques. Il raconte en effet que cette nuit-là, le 7 avril dernier, il était avec sa famille dans le sous-sol de sa maison. C’était une nuit de grand bombardement (des forces gouvernementales). Il y avait particulièrement beaucoup de vent. Celui-ci soulevait de gros nuages de poussière qui s’engouffraient dans les sous-sols et les caves. L’air a commencé à manquer, les gens souffraient de manque d’oxygène.
Le médecin continue son récit: les gens se sont donc rendus à l’hôpital. C’est là qu’un «casque blanc» a crié «gaz! ». Paniqués, les gens ont commencé à s’asperger d’eau. La vidéo que l’on a vue un peu partout aurait été filmée à ce moment particulier, donnant «la preuve» des attaques chimiques. «Ce que vous voyez, ce sont des gens souffrant d’hypoxie, pas d’intoxication au gaz», dit-il au reporter anglais de The Indépendant. Le reporter anglais précise qu’il a essayé de rendre visite à ces casques blancs sur place pour avoir leur son de cloche, il raconte qu’il n’a pas pu avoir d’interlocuteur ce jour-là.
Qui croire?
Les histoires de gaz ne convainquent pas les habitants que Robert Fisk a rencontrés. Selon eux, ces rumeurs sont propagées par les groupes islamistes armés. Ils n’ont d’ailleurs pas eu vent de la quarantaine de morts annoncés dans nos médias, suite à ces attaques de gaz présumées. Le seul décès dont certains auraient entendu parler, selon le reportage, a été perpétré par les groupes Jaish el-Islam (ndlr: tour à tour appelé « rebelles», «groupes rebelles islamistes» «groupes armés» ou «terroristes» selon les interlocuteurs) pour avoir été «proche du régime».
Si Robert Fisk explique que l’accès à l’information en Syrie ou dans les différents camps en Turquie n’est pas la même qu’en Occident, il semble pourtant que les habitants parlent de ce qu’ils ont vu et de ce qu’ils ont vécu. Et ce qu’ils racontent est lié aux «islamistes sous le joug desquels ils ont vécu». Ils racontent comment «les groupes armés ont pillé les maisons des civils pour échapper au gouvernement syrien et aux bombardements russes.» Le gaz et l’horreur concernant d’éventuelles attaques chimiques relayées chez nous n’apparaissent pourtant pas dans leur bouche.
De quoi remettre en question le dépassement de cette fameuse «ligne rouge» qui justifie (voire glorifie) l’intervention «soft» de la France, des États-Unis et de la Grande-Bretagne.
VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
5 Commentaires
@Lagom 21.04.2018 | 09h57
«Souvenez-vous quand la fille de l'ambassadeur du Koweït à Londres a inventé de toute pièce, en pleurant devant les caméras américains, sans l'ombre de la moindre vérité, l'histoire des couveuses débranchées dans les hôpitaux koweïtiens par les envahisseurs irakiens. Elle a provoqué l'émotion et le soutien populaire des américains pour l'action de leurs dirigeants en 1991. Cela étant, il est sûr que Saddam n'avait pas le droit d'envahir son petit voisins. Article courageux !»
@thequietswiss 21.04.2018 | 12h33
«Après que la France eût emboité le pas de Trump pour lancer des missiles sur Damas, le Petit Prince demanda à Macron de lui dessiner un mouton. Après avoir esquissé quelques coups de crayon, le Président tendit son auto-portrait au Petit Prince !»
@Wapiti 23.04.2018 | 02h22
«Les casque blancs = qui paye. Il est temps de reflechir. thequeitswiss ce mouton est un loup cherche le berger.»
@Lagom 23.04.2018 | 14h32
«Contrairement à @thequietsswiss je pense que c'est plutôt le Président Macron qui a entraîné son allié pour effectuer ce bombardent. C'est en présence du Président Putin à Versailles que le président français avait lancé sa mise en garde un an avant l'affaire, probablement imaginaire, de l'attaque d'il y a 3 semaines. Le Président Trump n'aime pas d'habitude les demi-mesures. Cette attaque symbolique ne ressemble pas à ses méthodes.»
@stefans 23.04.2018 | 18h23
«Il est évidemment important de savoir ce qui s'est passé ce jour-là. Mais dans le fond, chimique ou pas, la vérité est qu'un soulèvement populaire authentique dans la foulée du printemps arabe contre un régime violent et non démocratique a été depuis le début un bain de sang, qui a débuté par la torture et la mort d'un enfant suspecté d'avoir peint le graffiti "dégage" sur un mur de son quartier. Et que 6 ans plus tard, à force d'ingérences diverses c'est un cataclysme de 600'000 morts qui en résulte.
Alors dans le fond, chimie, balles, barils d'explosifs, bombes guidées, missiles de croisière... cela n'a aucune importance. Un régime mafieux et clientéliste, épaulé par des russes, des gardiens de la révolution et le hezbollah affronte des groupes islamistes: l'enfer contre l'horreur, triste choix. Et au milieu une partie de l'opposition syrienne, inaudible, et une population en pièces que nous accueillons tristement mal, hier encore sur Lesbos avec des tessons de bouteilles lancés par des groupes d'extrêmes droite. Le pape s'en arrache les cheveux.
Bref, revenons aux fondamentaux, chimie ou pas, peu importe... 600'000 morts en 6 ans, dont le clown d'Alep, personnage magnifique, qui apportait un peu de vie dans cet enfer. La querelle de détail me semble bien futile... car pendant ce temps on crève en Syrie...»