Bande dessinée / La cavale du punk braqueur
«Les héros du peuple sont immortels», Stéphane Oiry, Editions Dargaud, 128 pages.
La cavale de Gilles Bertin a duré vingt-huit ans. Le 27 avril 1988, avec une dizaine de compagnons, il braque le dépôt toulousain de la Brink’s. Le butin est important: près de 12 millions de francs français de l’époque, soit 3,1 millions d’euros. Si tous les autres finissent par se faire arrêter dans les deux ans qui suivent le braquage, Bertin, lui, s’enfuit en Espagne, puis au Portugal où il ouvre un magasin de disques spécialisé dans le rock alternatif avec sa compagne. Il retourne ensuite en Espagne où il reprend le bar de ses beaux-parents. En 2016, père d’un second enfant, il se livre à la police française. Il est malade du sida, en a marre de vivre dans la clandestinité. En 2018, il sera condamné à une peine, clémente, de cinq ans de prison avec sursis. Il meurt à Barcelone en 2019, à l’âge de 58 ans. L’excellente bande dessinée de Stéphane Oiry retrace la vie de Gilles Bertin depuis 1981, alors qu’il vit dans un squat à Bordeaux et fonde un groupe de musique punk dont il est le bassiste et le chanteur: Camera Silens, un nom qui fait référence aux cellules d’isolement où sont incarcérés les membres de la Fraction armée rouge allemande. Si les musiciens de Camera Silens croisent la route d’un autre groupe bordelais, Noir Désir, ils ne connaîtront pas la gloire. Il faut dire qu’eux, ce sont de vrais révoltés. Celles et ceux qui ont connu cette époque en retrouveront le goût parfois amer et les fumets d’une liberté jamais vraiment dégustée. C’était la fin des grandes illusions politiques de gauche, le libéralisme économique emportait tout dans ses vagues consuméristes. Gilles Bertin a fait partie de ceux qui n’ont pas été récupérés, qui ont choisi la marge. «Il n’a jamais baissé la tête, écrit sa compagne Cecilia dans la postface. (…) C’est le peuple qui crée ses héros.»
VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
2 Commentaires
@bouc 01.08.2025 | 01h20
«Merci de vos recensions, toujours intéressantes. Un détail: le butin na' pas été "conséquent" (cohérent, qui agit avec un esprit de suite, rationnel, logique), mais important, considérable.
Luc Recordon»
@Patrick 01.08.2025 | 07h11
«Merci de m’avoir signalé cette grossière faute de français!»