Opinion / Révolution conservatrice à Bucarest
Le 8 décembre aura lieu le deuxième tour des élections présidentielle en Roumanie. Un deuxième tour qui voit s’affrontrer Elena Lasconi et Călin Georgescu, «une réédition presque à l'identique du duel Donald Trump – Kamala Harris», explique notre invité Petru Romoșan. Poète, écrivain et éditeur, il tient une émission politique hebdomadaire sur la radio GoldFM et la plate-forme SolidNews à Bucarest. Il s’exprime ici à titre personnel et son opinion n’engage pas Bon pour la tête.
Avec le résultat du premier tour des élections présidentielles du 24 novembre 2024, le vainqueur des élections, l'indépendant Călin Georgescu, a réussi à porter un coup sévère à l'establishment, à la classe politique corrompue et incompétente qui se perpétue au pouvoir depuis 1990, ainsi qu’aux médias mainstream et aux organisations de la société civile soutenues par le milliardaire George Soros. Ce petit miracle complètement inattendu a été rendu possible grâce aux réseaux sociaux, en particulier à TikTok, et à l'implication massive de la diaspora roumaine en Occident qui a voté massivement pour Călin Georgescu.
La Roumanie déjà vieillissante est sous le choc, contrairement à la Roumanie profonde qui s'était reconnue dans les discours et programmes enflammés de Georgescu. A deux mois du scrutin, l'establishment, les médias mainstream et la société civile lui accordaient moins de 1% des voix.... Comme aux Etats-Unis en 2016, les sondages donnaient les mêmes politiciens honnis comme vainqueurs.
Les élections parlementaires du 1er décembre
Dix jours après le premier tour des élections présidentielles, tout a été bousculé à nouveau. En effet, avec les élections parlementaires du 1er décembre 2024, les quatre partis du système issu de la Securitate (la police politique de la période communiste), PSD, PNL, USR, UDMR, bien que diminués, ont réussi à se sauver. L'UE et l'OTAN ont été les ombres protectrices sous lesquelles ils ont fait leurs affaires au cours des vingt dernières années. Les élections parlementaires ont cependant renforcé le front dit «souverainiste», en fait plutôt populiste, les mouvements AUR, SOS et POT ayant été dopés par le choc produit par Călin Georgescu au premier tour des présidentielles. La cause du succès surprise de Georgescu est à attribuer aux anciens présidents, Traian Băsescu et Klaus Iohannis, dix ans de pouvoir chacun, et à la Securitate ancienne et nouvelle qui les a amenés et maintenus au pouvoir.
Recomptage des voix
Après de pénibles hésitations, la Cour constitutionnelle a confirmé que le second tour des présidentielles se tiendrait tout de même ce dimanche 8 décembre. On peut voir sur les réseaux sociaux une vidéo de Vladimir Poutine avec ses conseillers, riant de bon cœur de la démocratie roumaine et du recomptage inutile des voix. Le second tour se disputera entre Călin Georgescu et Elena Lasconi, une réédition presque à l'identique du duel Donald Trump – Kamala Harris.
L'image sombre et noire de Călin Georgescu fabriquée par la presse en Roumanie et en Europe n'est qu'une invention du système quasi mafieux qui se partage le pouvoir à Bucarest depuis les années 1990. Călin Georgescu n'est pas un néo-légionnaire fasciste ni un homme d’extrême-droite. Il n'est pas non plus «l'homme des Russes». C'est une personnalité complexe, très bien préparée pour le poste de président. Ses expériences de technocrate auprès du gouvernement roumain, du Club de Rome, de l'ONU, parlent en sa faveur. Il a travaillé cinq ans à Genève tout en résidant en Autriche.
Un discours simplifié pour être plus populaire
Il est l'auteur de deux programmes de développement durable pour la Roumanie. Il a publié un programme politique solide (Pour un idéal commun, Editions Compania) en 2012 déjà. Un autre de ses livres paru en 2010 − coordonné avec le regretté académicien et mathématicien Mircea Malița − s’intitulait La Roumanie après la crise. La reprofessionnalisation. C’est un intellectuel sérieux qui doit son récent succès au fait qu’il a réussi à simplifier son discours et à le rendre populaire durant ces dernières années.
Elena Lasconi, sa concurrente au second tour, n'a pas le poids nécessaire pour lui tenir tête. D'ailleurs, tous les sondages − enfin les sondeurs − ont désormais réajusté leurs pronostics et donnent Georgescu gagnant avec des scores allant de 54 % à 70 %. La deuxième étape décisive de la nouvelle révolution roumaine commencera immédiatement après l'annonce officielle des résultats du second tour des présidentielles.
VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET
2 Commentaires
@MV 06.12.2024 | 08h50
«Tout scrutin défavorable aux ambitions de l'UE et de l'OTAN est immédiatement qualifié de frauduleux et manipulé par la Russie (Roumanie, Géorgie, Moldavie, la Suisse peut-être demain ?). On se souvient cependant des explications détaillées de Victoria Nuland indiquant par quels moyens les USA sont parvenus à déstabiliser l'Ukraine à Maïdan. En termes crus, elle a également dit ce qu'elle pense des Européens. Les USA ont ainsi créé des conditions d'une guerre. On peut donc aussi douter de l'absolue probité des sentiments occidentaux et redouter leur volonté d'expansion territoriale et idéologique. L'UE semble vouloir se dilater jusqu'à Singapour. Espérons donc que les choses se calment.»
@Logonaute 08.12.2024 | 01h26
«La Cour constitutionnelle roumaine a encore frappé, après avoir ordonné le recomptage des voix du premier tour. Sans doute sur ordre des maîtres atlantistes et d’une UE imprégnée (infiltrée ?) par l’argent de Soros et de ses lobbies, elle a cette fois carrément annulé l’élection présidentielle.
Le silence des médias mainstream occidentaux devant ce coup d’État « constitutionnel » est assourdissant.
On l’a bien vu, comme avec la Géorgie, la Slovaquie, la Hongrie ou la Moldavie, quand ce sont les européanistes-atlantistes qui gagnent, c’est une victoire de la démocratie.
Si le contraire arrive, c’est le triomphe des «populistes d’extrême-droite pro-russes»…
Comme de moins en moins de gens adhèrent à ce narratif, cette presse-là se meurt… dans la bulle viciée de l’entre-soi.»