Culture / Perles de culture
«Pêcheur de Perles», Alain Finkielkraut, Editions Gallimard, 206 pages.
Comme Walter Benjamin, Alain Finkielkraut collectionne les citations. Hannah Arendt disait de Benjamin qu’il était comme un pêcheur de perles qui plonge pour «en arracher le riche et l’étrange». C’est le titre et l’explication du titre de ce dernier essai. Loin de nous proposer un catalogue égocentré, l’académicien s’appuie sur nos grands prédécesseurs pour dresser un tableau du monde d’aujourd’hui, dans ses petits et ses grands tourments. C’est érudit et souvent joyeux. Valéry pour parler de l’amour, Marc Bloch de l’école, Paul Mc Cartney de la nostalgie, Kundera de l’humour, etc. Il serait impossible de résumer ici l’ensemble des idées qu’il développe, confronte ou met en doute dans cet essai. L’une d’elles passionne, secoue les Français, et stupéfie les Suisses: la fin de vie - oui ou non à l’euthanasie? Elias Canetti: «La mort est de Dieu, et elle a dévoré son père». Le ciel est vide, désormais. «Nous croyons de moins en moins en Dieu, car nous sommes toujours plus nombreux à croire en la mort.» Puisqu’il n’y a plus de Dieu, plus de Paradis ni d’Enfer, plus d’espérance, plus de résurrection. C’est pourquoi «Finkie» s’en prend aux contempteurs de l’euthanasie, Michel Houellebecq au premier chef. Car la «fin de vie» est plus effrayante, plus scandaleuse que «la fin de la vie». La dégénérescence, la souffrance, l’acharnement thérapeutique, c’est un «scandale», dit-il. Ce mode de «survie» étant inhumain, nous faisant subsister dans des limbes, il faut pouvoir regarder fixement la mort, et en accorder la possibilité, par amour du prochain. Celles et ceux qui se drapent dans cette chrétienne idée pour refuser le droit à mourir aux déjà plus vraiment vivants en manquent l’essence, n’en comprennent que le concept. Finkielkraut conclut ce chapitre par la prière de Paul Ricœur: «Etre vivant jusqu’à ma mort»; «Mais à qui l’adresser? La mort ayant fait le ménage, elle n’a plus de destinataire».
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