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Média indocile – nouvelle formule

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Nous sommes bien installés désormais dans la justice du XXIème siècle. On exécute avant toute autre forme de procès. Et après seulement, les juges peuvent faire leur boulot dans l’indifférence. L’essentiel est fait: la condamnation au pilori médiatique. Au droit à la présomption d’innocence succède désormais le droit au lynchage. Pierre Palmade n’en est que l’exemple le plus récent.



N’ayant guère de sympathie pour les rigolos professionnels actuels, je n’éprouve rien envers Palmade, sinon cette pitié fondamentale que l’on doit à tout être humain en train de chuter. Ma compassion se dirige plutôt, et tout naturellement, vers les victimes de l’accident routier qui vaut au comédien d’être poursuivi en justice.

Les hystéroducs débordent

Cela dit, comment ne pas être écœuré par les flots d’insanités que charrie cette «affaire Palmade»?  Défilé de ses anciens «meilleurs potes» qui en rajoutent dans l’opprobre afin que leur image ne soit point écornée par ce voisinage devenu porteur de peste médiatique.

Concours de réquisitoires pour pipoles excités sur toutes les chaînes télé, radio, vidéo, podcast, réseaux sociaux et autres hystéroducs. Au sein de la meute des Fouquier-Tinville de basse-cour, l’histrion helvétophobe Yann Moix proclamant que Pierre Palmade s’aime trop pour se suicider  (Emission «Quelle Epoque» sur France 2, samedi 25 février)!

Quelle époque, en effet… Dans «La Chronique médiatique» sur France Inter, Cyril Lacarrière recense 20'000 chroniques ou articles consacrés à l'humoriste Pierre Palmade et à son accident, soit 2'000 par jour! Et le confrère d’ajouter qu’environ trois quarts de ces 20'000 sujets ont été produits par les chaînes radio et TV.

Le complexe écheveau des responsabilités

Ce magma fangeux en vient à encrasser d’honnêtes oreilles journalistiques. Ainsi, entend-on des formules du genre «l’accident de la route provoqué par Pierre Palmade» qu’émettent des journalistes dont le professionnalisme ne fait pourtant aucun doute.

Or, en l’état actuel, on ignore tout des circonstances exactes de l’accident. Est-il démontré que le comédien l’a provoqué? Existe-t-il d’autres personnes impliquées? L’écheveau des responsabilités se révèle tellement malaisé à démêler dans un accident de la route! 

Il faut souvent plusieurs mois pour y parvenir, à la suite d’une chaîne de vérifications dont chaque maillon détient les éléments de ce qui deviendra, en fin de compte, une vérité judiciaire.

Une affaire (pédopornographique) dans l'affaire

Le bruit médiatique a atteint des sommets stratosphériques lorsqu’une nouvelle «affaire dans l’affaire» est apparue. Une information judiciaire a été ouverte concernant Pierre Palmade, dénoncé pour «détention d’images ou de contenus pédopornographiques». Pour l’instant, ce dossier paraît embrouillardé, ce qui ne fait qu’encourager les vengeurs en charentaises à crépiter du clavier.

Tout ce que l’on sait actuellement, c’est qu’une perquisition au domicile du comique n’a pas permis la découverte d’éléments de nature pédomaniaque.

Pour éviter les erreurs judiciaires

Puisqu’en ces temps de confusion extrême il faut constamment rendre évidentes les évidences, rappelons que cette chaîne de vérifications a pour nom procédure pénale et que son respect permet d’éviter les erreurs judiciaires autant qu’il est possible de le faire dans notre humanitude faillible.

Avant même l’apparition des cyberbidules et de leurs hystéroducs, les magistrats se plaignaient déjà de cette propension de la presse à courir plus vite que la musique judiciaire. Il est vrai que les criminels en col blanc faisaient tout – ils n’ont pas changé – pour ralentir l’instruction de leurs dossiers en engageant de brillants avocats à la fertile imagination procédurale pour bloquer ce processus. Il s’agissait – il s’agit toujours – de viser la prescription ou tout simplement l’oubli et la démobilisation des énergies pénales par l’action émolliente du temps.

Ne pas confondre coup de trompette et curée

Parfois, un coup de trompette journalistique réveillait de façon opportune une procédure dont la sieste tendait à se transformer en profond sommeil. Certains magistrats se montraient fort mécontents de voir le cours majestueux de leur instruction ainsi secoué. Mais d’autres s’en réjouissaient, plus ou moins secrètement.

Aujourd’hui encore, nombre de vrais journalistes suivent cette voie et l’ont même perfectionnée de façon notable, notamment par leur collaboration transnationale. Mais la marée de l’insignifiance bruyante submerge trop souvent leur travail.

Lynchez-les tous!

Aujourd’hui comme hier, il ne s’agit pas de condamner avant terme mais de mettre au jour des fraudes massives ou des malfonctionnements de la justice.

Rien de tel dans le déballage actuel. Le fonctionnement de la justice ne passionne pas les foules. Trop compliqué. Trop nuancé. Trop fatiguant. Il nous gêne, à la fin, cet écran entre la meute et son gibier de potence. Pourquoi vient-il réfréner l’exaltant plaisir de la curée? A la poubelle, ces poussiéreux tuteurs!

La Cour des Médias ne connaît qu’un seul droit: le lynchage. Lynchez-les tous et Facebook reconnaîtra les siens!

VOS RÉACTIONS SUR LE SUJET

7 Commentaires

@Seb 10.03.2023 | 12h00

«Oups! En tant que consommateur de nouvelles (et ancien journaliste), je confesse m’être intéressé aux infos concernant l’affaire Palmade. Quelle honte! Promis, je ne recommencerai plus. En attendant, encore un grand merci à BPLT pour ses longues leçons de morale hebdomadaires. On se sent tellement mieux après vous avoir lu.»


@Maryvon 10.03.2023 | 13h57

«Très rapidement, les pseudo-amis de M. Palmade ont pris leur distance. Le courage a des limites. Vous concluez très justement votre article en disant: "La Cour des Médias ne connaît qu'un seul droit : le lynchage". Il suffit hélas de lire les différents numéros du journal "24 heures" de cette semaine pour s'en convaincre. En terme de règlement de compte, nous sommes servis. Un lynchage en bonne et due forme de Madame Dittli. De nombreuses pages lui sont consacrées. On condamne avant de connaître tous les éléments. Pire que l'affaire Cahuzac. Toutefois chacun est libre d'être critique envers certains médias et de s'en détourner avant d'avoir la nausée.»


@willoft 11.03.2023 | 18h39

«Le nouvel os pour les chiens est le ministre de la justice!»


@willoft 12.03.2023 | 20h26

«Je vais paraître sauter du coq à l'âne...
Mais quel traitement sur les médias français de la crise ukrainienne, c'est sidérant!»


@MCL 13.03.2023 | 10h58

«Votre article est important pour moi qui m’indigne souvent de ce lynchage médiatique. Même si je n’ai pas d’affinités particulières pour les victimes je trouve sidérant la façon dont les journalistes s’acharnent sur Pierre Palmade, Valérie Dittli, Pierre Maudet pour ne citer que ceux-là. Les fautifs sont aussi les lecteurs et les téléspectateurs qui s’en délectent. Sommes nous restés aussi fascinés par la cruauté qu’à l’époque des jeux du cirque? Il semble que oui.
P.S: j’ai apprécié votre mention de Fouquier-Tinville…»


@MaryElle 15.03.2023 | 08h24

«Bonne conclusion ! Mon abonnement est un 1er essai, que je renouvèlerai si vous m’avez convaincue que vous appartenez au « cercle des médias disparus »…»


@stef 27.03.2023 | 17h52

«Merci de nous remettre constamment sur le droit chemin ! »


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